Ce sont quelques mots allègrement commentés. Dans son livre « Le Journal d’un prisonnier » (Ed. Fayard), à paraître le 10 décembre, Nicolas Sarkozy livre son expérience de la prison. Vingt et un jours à la Santé et à l’isolement, suite à la condamnation de l’ancien de l’Etat dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007, condamnation pour laquelle il a fait appel.
« Sans exclusive et sans anathème »
Dans cet ouvrage, dont La Tribune Dimanche a publié quelques passages, Nicolas Sarkozy parle de son expérience du milieu carcéral, mais aussi, un peu, de politique. On apprend qu’au cours d’un échange téléphonique avec Marine Le Pen, dont il a apprécié le soutien après sa condamnation, la leader du RN lui demande s’il s’associera « à un quelconque front républicain » à l’avenir. « Ma réponse fut sans ambiguïté : « Non, et de surcroît je l’assumerai en prenant le moment venu une position publique sur le sujet ». », écrit l’ex-Président. Mais c’est une autre phrase, qui fait tout autant, voire plus, réagir. Celle sur l’avenir de sa famille politique. « Le chemin de reconstruction de la droite ne pourra passer que par l’esprit de rassemblement le plus large possible, sans exclusive et sans anathème », soutient Nicolas Sarkozy. Une formule qui peut inclure l’union des droites. De quoi y voir un changement de pied radical, alors qu’il avait appelé à voter Emmanuel Macron en 2017 et 2022, face à Marine Le Pen. « Il aurait aimé que le Président soit plus attentif à sa situation. Je le sais rancunier », tente d’expliquer une sénatrice LR, qui rappelle qu’« il est très libre. Il n’a pas appelé à voter Fillon, qu’il détestait, ni à voter Pécresse… »
Beaucoup y ont vu un appel à l’union des droites, soit des LR et de l’extrême droite. La transgression d’un principe, jusqu’ici quasi intangible, cas d’Eric Ciotti mis à part, qui bouleverserait le paysage politique. Les réactions se sont vite multipliées. « Il a raison quand il dit qu’il faut se rassembler et s’élargir, sans anathème », a soutenu sur BFMTV le président des LR, Bruno Retailleau, qui ne croit « pas en l’union des droites », « cette tambouille d’appareil » qui est « vaine », assumant en revanche de s’« adresser aux électeurs du RN, pour que l’union des droites se fasse par le terrain, par les urnes ». Autre ligne, celle du président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui a pour sa part assuré dans « Questions politiques », sur France Inter, France Télévisions et Le Monde, que son « combat » tenait toujours « contre les extrêmes », que ce soit « LFI » ou le « Rassemblement national ». « L’union des droites, non, c’est l’union de la droite avec l’extrême droite », a-t-il insisté.
« Chacun s’emballe sur ça, mais il n’y a rien de nouveau sous le soleil »
En réalité, on aurait mal compris l’ancien chef de l’Etat. Contacté par publicsenat.fr, l’entourage de Nicolas Sarkozy dément toute volonté de défendre une union des LR avec l’extrême droite. « C’est une phrase sur 212 pages, qui ne sont pas politiques. Et étonnamment, il y a un propos qui est interprété comme étant favorable à l’union des droites », « il y a vraiment un emballement totalement disproportionné par rapport à la réalité de son propos », soutient l’entourage de l’ancien chef de l’Etat, qui insiste :
S’il parle rassemblement, il fallait l’entendre dans sa version de 2007, à l’image de celui qu’il a défendu et porté au pouvoir. « Chacun s’emballe sur ça, mais il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Il prône le rassemblement, comme il l’a toujours fait, à l’époque de Christine Boutin à Eric Besson, en passant par Philippe de Villiers et Luc Chatel », rappelle toujours l’entourage. « Avec lui, le RN était totalement asphyxié. En 2007 et 2012, ce sont les seules élections présidentielles où le RN n’est pas au deuxième tour », souligne-t-on, « il n’a jamais pactisé avec le RN ».
Sur le front républicain, « il assume » ne pas le défendre
Reste ce qu’il écrit sur le front républicain. Sur ce point, il n’y a pas de malentendu. « Il assume que si, aujourd’hui, le front républicain se posait, il n’y appellerait pas, car ça nous a entraînés dans la situation dans laquelle on est. Les Français ont le sentiment qu’on leur a menti », avance l’entourage de Nicolas Sarkozy.
Alors, malentendu ? Surinterprétation ? Emballement ? Rétropédalage ? Ou ambiguïté savamment entretenue avant la sortie du livre ? Toujours est-il qu’en défendant la nécessité de parler aux électeurs du RN, l’ex-chef de l’Etat défend au final la même ligne que Bruno Retailleau, dont il n’est pas proche. Mais les réactions à ses propos montrent combien le sujet traverse et travaille encore sa famille politique, surtout à l’heure où Laurent Wauquiez et David Lisnard appellent à une primaire de la droite qui inclurait Sarah Knafo, c’est-à-dire Reconquête, le parti d’Eric Zemmour. Et dans l’hypothèse d’une dissolution, qui pourrait donner une majorité relative au RN, on peut parier sans difficulté que le sujet se posera très concrètement, à nouveau, aux responsables des LR…