A l’appel de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), entre 2 000 et 4 000 agriculteurs se sont retrouvés le 8 février, à Paris, pour manifester contre la fin de la dérogation sur les néonicotinoïdes pour les producteurs de betteraves.
D’abord interdits en 2018 en France, les néonicotinoïdes avaient été autorisés exceptionnellement pour la filière de la betterave sucrière en 2020. Le secteur faisait alors face à une importante contamination des cultures à la jaunisse entraînant une perte très importante de la production.
L’origine des tensions ? Dans un arrêt du 19 janvier, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que les dérogations permettant la mise sur le marché de néonicotinoïdes n’étaient pas fondées. Une décision qui s’impose au gouvernement français qui a décidé, le 23 janvier, de ne pas renouveler sa dérogation sur l’utilisation des néonicotinoïdes.
« On part bien sur un principe d’indemnisation de perte sur la jaunisse »
Après s’être entretenu avec les représentants de la filière à partir de 12 h 30, Marc Fesneau a tout de suite voulu rassurer les agriculteurs en affirmant « On part bien sur un principe d’indemnisation de perte sur la jaunisse. » Le ministre de l’agriculture a estimé important de « rassurer les planteurs, on est au moment où les agriculteurs fondent leurs choix ».
Pour la France, premier producteur européen de betteraves et quatrième exportateur mondial de sucre, l’enjeu est d’assurer la pérennité d’un secteur qui représente environ 45 000 emplois selon la CGB. Une priorité assumée par le ministre qui a déclaré « Le sujet principal c’est de produire de la betterave. » Un point de vue partagé par Franck Sander, président du principal syndicat de producteur de betterave, la CGB, « cette solution doit permettre aux agriculteurs de semer des betteraves en 2023. »
Quel dispositif d’assurance ?
Interrogé sur les contours de l’indemnisation de perte sur la jaunisse et notamment sur le montant préventif de l’enveloppe, Marc Fesneau s’est montré évasif « Je ne parle pas d’enveloppe car on ne sait pas si le sujet va émerger, mais l’Etat sera au rendez-vous. » S’il est effectivement trop tôt pour connaître l’ampleur de la jaunisse sur les betteraves (la pression ne devrait pas être plus forte qu’en 2020), Franck Sander (CGB) a exprimé sa satisfaction « l’important pour nous c’est que l’enveloppe soit garantie ». Sur le plan budgétaire, les contours sont encore flous et des arbitrages sont encore en cours.
Cependant, le ministre affirme avoir pris acte des échecs du dispositif de 2020 qui n’avait pas permis une indemnisation satisfaisante « on essaye d’éviter ce qu’il s’est passé en 2020 ou l’indemnisation avait été trop faible, il ne faut pas que le processus d’indemnisation. » L’objectif est donc de « prendre en compte les différences de situation, tout en gardant un formulaire simple. »
« La décision vient lourdement impacter une stratégie sur 3 ans »
Au-delà de la réaction à court et moyen terme, la décision de la CJUE est lourde de conséquences pour l’avenir. Le ministre a reconnu que « la décision vient lourdement impacter une stratégie sur 3 ans. » La stratégie française avait consisté à accorder des dérogations en attendant de trouver d’autres solutions. Aujourd’hui, deux principaux volets se dégagent pour la substitution des néonicotinoïdes. Le premier, à très court terme mobilise « les itinéraires techniques que l’on peut améliorer avec produits phytosanitaires », le recours à un insecticide, le Teppeki, a été évoqué.
L’autre volet concerne la recherche et le développement de semences résistantes dans le cadre du plan national de recherche et d’innovation (PNRI) dont l’objectif est de trouver des alternatives aux néonicotinoïdes. Le ministre a d’ailleurs salué une « voie prometteuse en matière de semence ».
« Ça nécessite qu’on ait des réflexions au niveau européen »
Interpellé sur le risque de perte de compétitivité de la filière française par rapport à la filière allemande (la deuxième en Europe), le ministre a affirmé qu’il s’agissait d’un « sujet global ». Il a d’ailleurs ajouté qu’une solution satisfaisante proviendrait nécessairement du niveau européen « ça nécessite qu’on ait des réflexions au niveau européen pour ne pas introduire de distorsions ».