Sur cette exploitation céréalière en Basse Autriche, on cultive du blé, de la betterave, du maïs et des pommes de terre : sur ses 110 ha de culture Lorenz Mayr, agriculteur autrichien à Grossmugl emploie du glyphosate, et pour lui, malgré l’interdiction votée il sera difficile de s’en passer.
« J’utilise 2 litres de Roundup pour 10 ha, dilués dans 10 litres d’eau. J’en emploie pour environ 15 à 20 % de ma surface cultivée »
Cet été Lorenz a récolté du blé sur une de ses parcelles, au printemps prochain il y plantera du maïs. Mais entre deux cultures, pour protéger le sol de la pluie et lutter contre l’érosion, il y fait pousser du sarrasin. Une technique répandue en Autriche, où l’agriculture se pratique souvent sur des terrains en pente.
« Regardez, ces petites racines. Elles stabilisent la terre, et favorisent la présence de vers de terre qui fertilisent le sol »
Mais au milieu de ces plantes poussent aussi des mauvaises herbes, et Lorenz ne veut pas désherber avec une machine.
« Désherber mécaniquement implique de retourner la terre sur 2 ou 3 cm et donc d’annuler les bénéfices qu’offre cette technique. C’est pourquoi j’utilise du glyphosate. Le feuillage reste au sol, et les racines restent intactes »
Des arguments que les ONG connaissent bien. Le biologiste et porte-parole de l’ONG Global 2000, Helmut Burschter milite pour l’abandon des pesticides.
« Ces arguments sont utilisés depuis longtemps par l’industrie pour défendre le glyphosate, voire en faire un outil de protection de la biodiversité. Des arguments repris par les syndicats, qui sont très écoutés par les agriculteurs sur ce qu’il convient de faire pour produire. Or, toutes les alternatives écologiques sont absentes de ces argumentaires »
Pourtant les alternatives existent - l’Autriche fait même figure de modèle : un quart de sa surface agricole est cultivé en bio. Sur les bords du lac de Neusiedl, c’est le temps des vendanges. Gerhard Triebaumer, viticulteur, n’est pas conventionné en bio, pour autant, il ne veut pas entendre parler de glyphosate dans ses vignes
« Vous voyez, il y a une abeille qui vient butiner du pollen sur ce plant de roquette en fleur. On peut en manger. Mais ni l’abeille, ni moi ne pourrions déguster ces feuilles, si on employait de l’herbicide (…) Cela fait des milliers d’années que l’on cultive la vigne dans la région. On nous propose des pesticides depuis à peine 50 ans… On a réussi à s’en passer avant. Et pour notre famille ce n’est pas une option. En contrepartie il y a un peu plus d’effort à fournir pour désherber mécaniquement. Mais nous travaillons surtout avec des moutons »
La démarche de Gerhard Triebaumer a le vent en poupe en Autriche. Malgré tout, la décision du parlement autrichien d’interdire le glyphosate en 2020 reste fragile. Elle a été votée contre l’avis du gouvernement conservateur, par une majorité de circonstance entre libéraux, sociaux-démocrates, écologistes et extrême droite. Jörg Leichtfried, vice-président du groupe social-démocrate au parlement autrichien, partisan de l’interdiction pense que le gouvernement ne pourra pas faire machine arrière :
« Ce fut un long chemin. Mais pour la première fois depuis des décennies, nous avons pu trouver une majorité au parlement sans les voix du parti conservateur » « Nous avons notifié la commission européenne de cette décision, qui peut maintenant rendre son avis. Mais je suis persuadé que l’Europe ne dira pas un État membre de continuer à répandre du poison sur ses champs »
N’en déplaise à ce député, rien n’est moins sûr. Les défenseurs de l’herbicide pourraient s’appuyer sur un avis de la commission européenne pour faire capoter l’interdiction. Alors, l’Autriche va-t-elle réellement sortir en Glyphosate en 2020 ? Réponse après les législatives anticipées du 29 septembre.