Interdiction du mariage pour les sans-papiers : Marie-Pierre de La Gontrie pointe les incohérences de Gérald Darmanin

Malgré les risques d’inconstitutionnalité, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à interdire le mariage entre Français et étrangers en situation irrégulière, avec le soutien du gouvernement. Il y a un an, lors de l’examen de la loi immigration, Gérald Darmanin avait pourtant rejeté une proposition similaire.
Rose-Amélie Bécel

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Après plus de deux heures de débats parfois houleux, les sénateurs ont voté ce 20 février en faveur de l’interdiction du mariage entre un Français et un étranger en situation irrégulière. Si la loi a autant divisé, c’est notamment en raison du risque d’inconstitutionnalité du texte, la liberté du mariage étant consacrée dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Un argument qui n’a pas empêché le gouvernement d’apporter son soutien à la proposition de loi, le ministre de la Justice Gérald Darmanin l’estimant « de bon sens ». « Au moment de la loi immigration, le même ministre Darmanin avait à la tribune, sur la même proposition, dit qu’elle était inconstitutionnelle », observe la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie, sur le plateau de Parlement Hebdo.

« Vous êtes obligés de marier, sinon vous vous mettez dans la situation d’être poursuivi », dénonce Sylvain Maillard

En effet, en novembre 2023, lors de l’examen du projet de loi immigration, celui qui était à l’époque ministre de l’Intérieur avait donné un avis défavorable aux amendements de la majorité sénatoriale visant à interdire ces mariages. « C’est normal que le monde politique bouge, ait des idées », estime le député Ensemble pour la République Sylvain Maillard face à la sénatrice, ajoutant qu’il se rangera ensuite à l’avis des Sages. « Si le Conseil constitutionnel dit que c’est contraire à la Constitution, ça me va, je respecte sa décision », affirme-t-il.

Sans engager l’avis de son groupe politique, Sylvain Maillard se dit « favorable » à la proposition de loi, à titre personnel. En tant qu’élu local, à la mairie du 9ème arrondissement de Paris, le député dit avoir été confronté à trois reprises à des suspicions sur un mariage. « Mais vous êtes obligés de marier, sinon vous vous mettez dans la situation d’être poursuivi parce que vous avez refusé », dénonce-t-il. Une référence à la convocation, cette semaine, du maire de Béziers Robert Ménard devant le procureur de Montpellier, poursuivi pour avoir refusé de célébrer un mariage entre une Française et un Algérien en situation irrégulière.

« Ce n’est pas parce que vous êtes mariés que vous êtes régularisés », note Marie-Pierre de La Gontrie

« Il ne faut pas laisser croire qu’en France il n’y a aucun dispositif prévu pour refuser un mariage. Une circulaire de 10 pages est adressée aux procureurs et aux maires pour expliquer ces cas de figure », rétorque Marie-Pierre de La Gontrie, qui souligne par ailleurs que « ce n’est pas parce que vous êtes mariés que vous êtes régularisés, ou que vous avez la nationalité française ».

Pour la sénatrice socialiste, la proposition de loi adoptée au Sénat n’est que la première d’une succession de textes « qui vont peu à peu décliner toutes les obsessions de Bruno Retailleau dans le domaine de l’immigration », le ministre de l’Intérieur n’ayant « pas eu l’autorisation de faire un grand projet de loi immigration ». Les sénateurs Les Républicains ont, en effet, déposé d’autres propositions de loi relatives à l’immigration ces dernières semaines. Le 18 mars, la chambre haute examinera ainsi un texte visant à allonger la durée de rétention administrative des sans-papiers condamnés pour infractions violentes, puis un autre texte visant à conditionner le versement de certaines prestations sociales à une durée minimale de résidence sur le territoire.

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