Marseille: Illustration of veiled women

Interdire le port du voile aux accompagnatrices scolaires : Bruno Retailleau reprend les propositions de la droite sénatoriale

À l’occasion des commémorations de Charlie Hebdo, le ministre de l’Intérieur a réaffirmé sa volonté de combattre l’islam politique, en étendant le « champ de la laïcité ». Bruno Retailleau propose d’élargir l’application de la loi de 2004 en interdisant le port du voile aux accompagnatrices scolaires. Une proposition votée à plusieurs reprises par son groupe au Sénat ces dernières années contre l’avis, notamment, de son prédécesseur, Gérald Darmanin.
Simon Barbarit

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On peut reconnaître à Bruno Retailleau qu’il fait preuve de constance. Dans une interview donnée au Parisien, à l’occasion des 10 ans des attentats de Charlie Hebdo, le ministre de l’Intérieur a décliné ses propositions pour combattre « l’entrisme » de « l’islam politique ». Des mesures déjà votées, et même plusieurs fois, par la Sénat, lorsque Bruno Retailleau était à la tête du groupe majoritaire LR de la chambre haute.

Une mesure en particulier a occupé les sénateurs, de nombreuses heures, depuis 2019 : l’interdiction du port des signes religieux lors des sorties scolaires. Sont ici particulièrement visées, les mères accompagnatrices voilées. « Ce n’est pas qu’un simple bout de tissu : c’est un étendard pour l’islamisme, et un marqueur de l’infériorisation de la femme par rapport à l’homme », a justifié le ministre.

Une proposition de loi et des amendements

En 2019, le sujet avait fait la une de l’actualité lorsque Julien Odoul, à l’époque, élu (RN) du conseil régional du Bourgogne-France Compté, avait pris à partie une accompagnatrice lors d’une séance plénière, en lui demandant de retirer son voile ou de partir, provoquant les larmes de son fils.

Quelques jours plus tard, le groupe LR du Sénat examinait dans sa « niche parlementaire une proposition de loi de la sénatrice LR, Jacqueline Eustache-Brinio, « tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation ». Quelques mois plus tôt, la droite sénatoriale avait déjà voté la mesure dans un amendement au projet de loi pour une école de la confiance.

Avec le soutien appuyé de Bruno Retailleau, le président du groupe, le texte avait été adopté au terme d’un débat houleux, par 163 voix pour, 114 voix contre. La séance avait été marquée par les propos polémiques du sénateur non-inscrit, Jean-Louis Masson, faisant le parallèle entre les femmes voilées et les « sorcières d’Halloween ».

Avis du Conseil d’Etat

Le chemin législatif de la proposition de loi s’arrêtera là. Le gouvernement, par la voix de Jean-Michel Blanquer, n’y étant pas favorable. Le ministre de l’Education avait rappelé l’avis du Conseil d’Etat de 2013, saisi par le Défenseur des droits. Il précise que les mères accompagnatrices ne sont pas considérées comme des agents auxiliaires du service public et ne sont donc pas soumises au principe de neutralité religieuse. Autrement dit, une mère qui porte le voile peut accompagner les enfants d’une classe.

En 2021, la droite sénatoriale reviendra à la charge en reprenant cette mesure dans un amendement de Max Brisson (LR) à la loi confortant le respect des principes de la République. Même opposition du gouvernement, exprimée cette fois-ci par le prédécesseur de Bruno Retailleau, Gérald Darmanin. Le locataire de Beauvau avait alors épinglé les marques de soutien dans son ancienne famille politique en faveur de la liberté d’enseignement, en établissement scolaire voire à domicile. « Je trouve assez paradoxal qu’on veuille absolument supprimer toute expression religieuse des parents […] alors qu’on laisse les écoles sous contrat et hors contrat porter des vêtements religieux », avait-il taclé, recueillant le soutien des sénateurs de gauche.

Le nouveau garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur qui affichent leur proximité sur une ligne sécuritaire ont probablement réglé ce différend lors de leur déjeuner de travail, hier.

A noter, enfin, que la commission d’enquête du Sénat portant sur les menaces et agressions contre les enseignants, co-présidée par François-Noël Buffet, désormais ministre auprès du ministre de l’Intérieur préconisait, l’année dernière, d’élargir la loi de 2004 sur l’interdiction du port des signes et vêtement religieux ostentatoire, dans les établissements scolaires. La commission recommandait d’élargir l’interdiction « à toute activité organisée par l’institution scolaire, en dehors du temps scolaire (sortie scolaire le soir, cérémonie de remise d’un prix pour un concours organisé par l’éducation nationale ou en partenariat avec le ministère, participation à un forum d’orientation organisé par l’établissement scolaire, …)

 

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