« Caricature », « irrespect », « tragi-comédie »… les critiques se sont multipliées après l’interview présidentielle réalisée par Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel. Mais pour le communicant Philippe Moreau Chevrolet, Emmanuel Macron sort renforcé de cette joute verbale.
Loin des canons habituels, l’interview du président de la République a été très critiquée. Le format était-il trop violent ?
Philippe Moreau Chevrolet : Non, c’est même la première vraie interview présidentielle, sans concession. Elle était peut-être trop dure, un peu excessive sur la forme mais les deux journalistes ont montré qu’ils étaient capables de mener une interview sans pour autant servir la soupe. Ça nous paraît violent car nous n’avons pas l’habitude. Là on découvre qu’on peut attaquer et cela tranche avec les formats lénifiants dont les audiences chutaient. Sous la présidence Hollande, nous avons vu les pires excès en matière de révérence, avec des grandes conférences de presse très maîtrisées. Certaines questions, comme celles sur Valérie Trierweiler ou Julie Gayet étaient traitées du bout des doigts. Cette fois, il n’y avait pas de filtre et c’était une vraie prise de risque. Il y aura un avant et un après.
Certains estiment qu’il y a eu une atteinte à la fonction présidentielle…
Ceux qui regrettent le respect gaullien oublient qu’il n’y avait pas de liberté sous de Gaulle. L’Élysée contrôlait tout. On ne peut pas regretter cette époque. Heureusement, les journalistes avaient le ton qui leur convenait, l’agressivité qui leur convenait. Désormais, c’est dans le rythme que le journaliste peut maîtriser le fil de la discussion. C’est ce qu’a apporté Bourdin, en coupant la parole et en reprenant la main. Les journalistes et les politiques sont supposés être des adversaires, dans le sens noble du terme. Cette interview nous a fait passer un cap.
Emmanuel Macron sort-il renforcé de cette séquence ?
Pour moi, c’est sa meilleure interview. Il ne faut pas oublier que c’est l’Élysée qui a choisi les journalistes et c’était un très bon choix. L’Élysée essaye de créer l’évènement à chaque interview. C’était le cas pour le JT de 13h, avec Jean-Pierre Pernaut. Cette fois, Emmanuel Macron était confronté aux ‘pires’ intervieweurs. Le grand public retiendra des différents comptes-rendus le côté choquant de l’interview, qui se retourne contre les journalistes. De son côté, Emmanuel Macron passe pour un président courageux qui prend des risques.
La semaine était donc un grand travail de communication ?
Avec Jean-Pierre Pernaut, Emmanuel Macron s’adressait aux retraités, aux ruraux et aux inactifs, avec un discours très lisse et très compréhensible. Dimanche soir, il s’adressait à une minorité très politisée, notamment à droite. Se faire attaquer par Edwy Plenel, c’est déjà un bon signe pour ces électeurs. En revanche, c’est encore trop tôt pour dire si cette semaine aura un impact sur son image. Il faut attendre un peu.