Rarement un événement n’aura fait l’objet d’une condamnation par toute la classe politique, y compris le Rassemblement national. Ce jeudi, huit membres du groupuscule d’extrême droite l’Action française se sont introduits au sein du conseil régional d’Occitanie à Toulouse. Voulant interrompre les délibérations, ils en ont été empêchés par les agents de sécurité. Une intrusion que Carole Delga, la présidente de la région, « condamne fermement ».
L’élue socialiste, qui présidait la session chahutée par cette irruption, va porter plainte et « face à l’extrême droite », assure-t-elle, « je ne lâcherai rien et je ne céderai à aucune pression ». Elle demande aussi la dissolution de l’Action française. L’irruption du mouvement extrémiste, dont quatre militants de Saint-Etienne avaient été mis en examen pour « attroupement armé » en 2018, a fait réagir de nombreux élus. Le président Macron dénonce une action qui révèle « le vrai visage de l’extrême droite » et sa « volonté de bâillonner la démocratie ».
Le sénateur RDSE Henri Cabanel, annonce avoir immédiatement envoyé un message de soutien à la présidente de région. « Au vu de la composition du conseil régional (sur 158 élus, 35 sont du Rassemblement national, ndlr), ce n’est pas facile au quotidien », affirme le sénateur de l’Hérault, mais « je sais que Carole Delga est déterminée pour maintenir la démocratie ». Jean-Pierre Grand, sénateur LR, affirme que « prendre d’assaut une assemblée délibérante démocratiquement élue est un acte inacceptable ».
Les assaillants interpellés par les forces de l’ordre
Pour sa part, le sénateur socialiste Hussein Bourgi se félicite de « la réactivité des forces de l’ordre », ce qui a permis à la démocratie de continuer « à fonctionner, elle n’a pas été interrompue ». Toutefois, l’élu régional, qui assistait à distance à la réunion du conseil et a été témoin de l’intrusion, considère que l’épisode témoigne « de l’activisme de certaines mouvances de l’extrême droite, qui restent fidèles à elles-mêmes et à ses procédés ».
Le Rassemblement national s’est aussi exprimé suite au coup de force de l’Action française. Le maire RN de Perpignan, Louis Aliot, estime ainsi que « l’intrusion violente d’extrémistes » est inquiétante « pour l’atteinte démocratique qu’elle représente ».
D’après la Région Occitanie, aucun élu ou agent régional n’a été blessé à l’occasion de l’immixtion des militants d’extrême droite. Ces derniers ont été interpellés par des policiers. Une fois auditionnés, deux d’entre eux ont été relâchés. Dans le Conseil régional, ils ont laissé une banderole indiquant « Islamo-gauchistes : traîtres à la France ». Une référence qui n’a pas laissé indifférente une partie du personnel politique.
« Accorder une caution »
« En légitimant l’extrême droite, en reprenant ses discours et ses cibles, le gouvernement lui déroule un tapis rouge », tempête Clémentine Autain, députée LFI. Pour elle, la responsabilité de cet événement revient avant tout à l’exécutif, accusé d’attiser une polémique sur l’« islamo-gauchisme » dans les universités. « Quand une ministre (Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, ndlr) reprend à son compte un concept éculé, cela a tendance à exacerber une tendance minoritaire et marginale et à lui accorder une caution », analyse Hussein Bourgi.
Le sénateur socialiste en appelle à la responsabilité de tous les représentants politiques : « Il n’y a pas de sujet tabou, mais attention à la dérive mortifère visant à réduire le débat politique à des enjeux identitaires. » Henri Cabanel, sénateur RDSE, qui voit dans l’irruption de l’Action française au conseil régional d’Occitanie une situation analogue à l’invasion du Capitole américain par des partisans de Donald Trump en janvier, se dit « inquiet du délitement de la démocratie et de la culture citoyenne ». Il souhaite que le ministre de l’Intérieur, à la suite du président de la République, fasse une déclaration.
« Une fois l’extrême droite au pouvoir, on s’en mord les doigts »
A l’approche des élections régionales et départementales, pour le moment prévues en juin, le sénateur RDSE de l’Hérault invite « tous les candidats républicains à s’unir face à l’extrême droite ». Jean-Pierre Grand, quant à lui, exhorte à « mettre les citoyens devant leurs responsabilités : voter pour l’extrême droite peut paraître un acte politique banal aujourd’hui, mais ce n’est pas banal. Une fois qu’elle est au pouvoir, on s’en mord les doigts. »
En Occitanie, les élections régionales devraient la présidente sortante Carole Delga à un candidat du RN, Jean-Paul Garraud, et à Aurélien Pradié (LR), Antoine Maurice (EELV), Myriam Martin et Manuel Bompard (LFI), et Vincent Terrail-Novès (LREM).