C’est un hasard du calendrier. Mais il raisonne particulièrement avec l’actualité tragique. La proposition de loi Les Républicains pour inscrire dans la Constitution « la prééminence des règles de la République » sera sous le feu des projecteurs ce lundi à partir de 17 heures (diffusion en direct sur notre antenne). Le texte a été préparé et inscrit à l'ordre du jour bien avant la décapitation vendredi à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty, qui avait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet.
C’est en effet en février dernier que cette proposition de loi constitutionnelle avait été déposée par l’ex-président de la commission des lois Philippe Bas (LR), Bruno Retailleau (LR), Hervé Marseille (Union centriste) et plusieurs de leurs collègues. Depuis, le sénateur Christophe-André Frassa (LR) a été désigné par la commission des lois comme rapporteur de ce texte. Cette commission a examiné et adopté mercredi dernier le rapport de Christophe-André Frassa .
Le premier article entend consacrer, à l'article 1er de la Constitution, le principe selon lequel « nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer de la règle commune ». Le second article, lui, fait obligation aux partis politiques de respecter le principe de laïcité, au même titre que les principes de souveraineté nationale et de démocratie, avec l'objectif d'exclure les partis communautaristes des financements publics prévus pour les candidats aux élections.
« On ne peut pas se prévaloir de ses propres opinions pour les imposer aux autres »
« Chacun voit bien que depuis un certain nombre d’années, certaines communautés veulent faire prévaloir leurs convictions, tous ceux qui prônent un islam assez conquérant », expliquait vendredi Hervé Marseille lors de l’émission Parlement Hebdo, sur Public Sénat. « Une conviction religieuse, quelle qu’elle soit, ne doit pas empiéter sur la règle commune ou sur un règlement. On ne peut pas se prévaloir de ses propres opinions pour les imposer aux autres », affirmait le sénateur des Hauts-de-Seine.
Contacté par publicsenat.fr mercredi dernier, Christophe-André Frassa expliquait que cette proposition de loi a pour objectif de « condamner fermement le communautarisme » et de permettre « de mieux encadrer le vivre ensemble dont personne ne veut prendre à bras-le-corps la défense ».
Ce texte « permettrait à tous les acteurs de terrain, notamment les collectivités et les entreprises, d’être beaucoup plus à l’aise dans cette condamnation », disait-il, en leur donnant des moyens juridiques de s’y opposer.
En février dernier, auprès de publicsenat.fr, Philippe Bas, alors président de la commission des lois, regrettait de son côté que « les revendications communautaristes affectent tous les pans de notre société ». Il estimait que « les Français ont besoin d’un cadre de référence qui soit clair et lisible », citant les horaires différenciés dans les piscines, le refus d’être examiné par un homme médecin ou l’interruption du travail pour faire la prière. « Nous voulons passer à l’action en donnant un coup d’arrêt aux revendications communautaristes », soulignait le sénateur de la Manche.
Dans une interview à Marianne dimanche, Bruno Retailleau, comme d’autres ténors de la droite, a avancé plusieurs propositions après la mort de Samuel Paty. Il a notamment rappelé sa proposition de loi, qui, selon lui, pourrait permettre de « régler un certain nombre de questions qui vont du règlement intérieur d’une association, ou d’une entreprise, mais aussi à la question des piscines, des hôpitaux ».
L'adoption de cette proposition de loi par le Sénat ne fait peu de doute, même si elle va toutefois rencontrer l'opposition de la gauche. Le groupe PS a déposé une motion préalable pour tenter d’arrêter l’examen du texte. Si elle n’a aucun chance d’être adoptée, les socialistes y dénoncent les « postures » et « la confusion qui caractérisent cette proposition de loi constitutionnelle ». « Il existe dans notre pays des revendications communautaristes, nul ne l’ignore, nul ne le conteste. Mais pour y répondre, nul besoin de modifier la Constitution » affirment les sénateurs PS, qui n’acceptent « pas que nos principes républicains soient instrumentalisés contre quelque religion que ce soit ».
La proposition de loi pourrait toutefois en rester là : pour être adoptée définitivement, il faudrait en effet qu'elle soit votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle, et ensuite approuvée par référendum.