IVG dans la Constitution : « Il faut sécuriser le droit à l’avortement »

IVG dans la Constitution : « Il faut sécuriser le droit à l’avortement »

La sénatrice écologiste Mélanie Vogel a déposé mardi 6 septembre une proposition de loi visant à constitutionnaliser l’IVG. Ce texte est soutenu par cinq groupes politiques, dont celui de la majorité présidentielle. S’il fait consensus parmi ses signataires et au-delà, les sénateurs soulignent la nécessité d’aller plus loin.
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Par Lucille Gadler et Mathilde Nutarelli

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La sénatrice écologiste des Français de l’étranger Mélanie Vogel a déposé, mardi 6 septembre, une proposition de loi visant à inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Signé par 114 sénateurs de cinq groupes politiques différents (socialistes, communistes, écologistes, RDSE et RDPI), dont un lié à la majorité présidentielle, ce texte sera le seul inscrit à l’agenda du Sénat, alors que d’autres propositions de loi de ce genre ont été déposées par les socialistes et les communistes. Il sera débattu lors de la niche des écologistes le 19 octobre prochain.

Au Sénat, le groupe communiste avait amorcé un travail sur ce sujet en rédigeant une proposition de loi en 2017. Face aux réticences du gouvernement à l’époque, les élus avaient finalement opté pour un débat sur la question. Mais depuis le séisme suscité par la décision de la Cour suprême des Etats-Unis du 24 juin dernier ayant mené à la révocation de l’arrêt Roe V. Wade, la question d’une inscription formelle du droit à l’IVG dans la Constitution française a inondé le débat public.

Plusieurs propositions de loi allant dans ce sens ont afflué au sein des deux assemblées. Au Sénat, le groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) et le groupe socialiste ont sauté le pas cet été. A l’Assemblée nationale, la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé, ainsi que les députés des groupes appartenant à la Nupes ont chacun déposé un texte. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, députée Renaissance, s’est dit favorable ce lundi 5 septembre à ce que ces textes soient inscrits à l’ordre du jour de la Chambre Basse.

« Ce qui est important, ce n’est pas tant où, mais pourquoi il faut constitutionnaliser »

La manière d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution a fait débat. Jusqu’à présent, plusieurs solutions étaient évoquées : le rajouter dans le Préambule de 1946, la solution des sénateurs socialistes, l’intégrer à l’article 34 qui définit le domaine de la loi, la solution des sénateurs communistes, ou bien, et c’est la solution privilégiée par cette nouvelle proposition de loi constitutionnelle, créer un nouvel article 66-2. L’article 66 englobe des dispositions relatives aux libertés individuelles. La rédaction de ce texte s’aligne sur les deux propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale.

Pour Diane Roman, professeure de droit public à l’Ecole de droit de la Sorbonne, « ce qui est important, ce n’est pas tant où, mais pourquoi il faut constitutionnaliser ». Et s’il n’existe pas d’urgence dans l’immédiat, elle rappelle que c’est la loi qui conditionne à ce jour le droit à l’IVG : « Nous ne sommes pas à l’abri d’un changement de majorité. En ce sens, même si la décision américaine était attendue, elle a servi d’électrochoc et rappelle que les choix politiques et sociaux d’un moment ne sont jamais sécurisés et peuvent connaître des régressions brutales. Constitutionnaliser c’est un garde-fou, pour l’avenir ». D’autant que « la contraception, l’avortement, c’est véritablement un enjeu de citoyenneté pour les femmes » rappelle la professeure. « Or quel est le texte qui parle de la citoyenneté ? C’est la Constitution ».

« J’espère que le gouvernement va saisir la balle au bond »

Du côté des communistes et des socialistes du Sénat, les réactions sont unanimes. « Je suis très satisfaite de cette issue unitaire qui rassemble toutes celles et tous ceux qui considèrent qu’il est temps de sécuriser le droit à l’IVG », réagit Laurence Rossignol, sénatrice PS de l’Oise et ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes sous François Hollande. Laurence Cohen, sénatrice communiste du Val-de-Marne salue les résultats de « combats de longue date menés par les mouvements féministes ». La proposition de loi est également saluée et soutenue par Annick Billon, présidente de la délégation aux Droits des femmes du Sénat et sénatrice centriste de la Vendée.

En juin, les sénateurs LR s’étaient montrés plus que réticents face à la proposition du gouvernement d’inscrire l’IVG dans la Constitution, René-Paul Savary, sénateur LR de la Marne, dénonçant même un « coup politique ». Pour autant, les avis sur la constitutionnalisation de l’IVG divergent au sein du groupe.

Pour Mélanie Vogel, porteuse du texte, cette proposition de loi est un « signal au gouvernement ». En effet, ses signataires souhaitent que l’exécutif profite de cette opportunité pour mettre à l’ordre du jour des deux Chambres un projet de loi pour constitutionnaliser l’IVG, ce qui éviterait d’avoir recours à un référendum. « J’espère que le gouvernement va saisir la balle au bond et faire passer un projet de loi » explique Laurence Cohen. Laurence Rossignol abonde : « personne ne veut d’un référendum sur le droit à l’IVG ». C’est également l’avis d’Annick Billon, qui souhaite que le gouvernement s’engage à avancer sur le sujet pour « sécuriser le droit à l’IVG » et en « garantir l’accès quel que soit l’endroit où on se trouve ».

« Il ne faut pas s’arrêter là »

Au-delà de la constitutionnalisation de ce droit, les deux sénatrices de gauche, ainsi que la présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat insistent sur l’importance d’assurer l’accès effectif et égal à l’IVG sur l’ensemble du territoire. Annick Billon analyse : « Aujourd’hui, les structures d’accès à l’IVG sont réduites de manière considérable, l’accès à l’IVG est un droit mais ce n’est pas une réalité dans les différents territoires ».
« Le gouvernement est très attendu sur les facilités d’accès à l’IVG, que la proximité soit meilleure, tout comme le respect de la volonté des femmes dans le type d’IVG auquel elles ont recours » explique Laurence Rossignol. Pour Laurence Cohen, « il ne faut pas s’arrêter là ».

 

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