IVG : le Sénat rejette l’allongement du délai légal de 12 à 14 semaines
La majorité sénatoriale de droite et du centre a adopté une motion préalable, amenant au rejet du texte sur l’allongement du délai légal pour l’IVG. La sénatrice PS Laurence Rossignol a défendu au contraire ce qui serait une avancée pour les femmes. Le secrétaire d’Etat Adrien Taquet a estimé qu’« il est essentiel que la PPL poursuive son chemin ».
Adoptée à l’Assemblée, la proposition de loi sur l’allongement du délai légal de 12 à 14 semaines pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG) a pu continuer son parcours législatif, par l’inscription du texte dans la niche parlementaire du groupe PS du Sénat. La proposition de loi de la députée Albane Gaillot (ex-LREM) a cependant été rejetée, par l’adoption d’une motion préalable par la majorité sénatoriale de droite et du centre. Cette motion de procédure permet de rejeter un texte avant même de débattre en détail de ses articles.
« 2000 femmes partent à l’étranger » chaque année pour pratiquer une IVG hors délai légal
L’inscription à l’ordre du jour de cette PPL a cependant permis de débattre du sujet. Aujourd’hui, seules 5 % des IVG sont réalisés entre la dixième et la douzième semaine. Au-delà, les femmes, celles qui en ont les moyens, vont dans un pays voisin. « 2000 femmes partent à l’étranger » chaque année pour pratiquer une IVG hors délai légal, souligne la sénatrice PS Laurence Rossignol, rapporteure du texte et favorable à l’extension de 12 à 14 semaines du délai pour l’IVG (voir la vidéo ci-dessous). Certaines estimations évoquent 4.000 femmes. Certains pays européens ont en effet une législation plus souple. En Espagne, le délai d’accès à l’IVG est de 14 semaines. Aux Pays-Bas, le délai s’étend même jusqu’à 22 semaines.
« L’IVG reste un droit fondamental dont l’effectivité en tous poinst du territoire n’est toujours pas acquis », souligne la sénatrice PS. Elle note qu’« au cours des 15 dernières années, le nombre des établissements réalisant une IVG a diminué de 22 % ». L’amélioration de l’accès à l’IVG « ne se limite pas aux mesures de la PPL, mais réclame aussi des réponses structurelles dans notre offre de soins », insiste Laurence Rossignol.
« L’accès à l’avortement a été fragilisé en France »
L’autre mesure de la PPL est la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG, « c’était un des éléments de compromis qui a permis l’adoption de la loi Veil » rappelle la sénatrice. Pour la vice-présidente du Sénat, « ça ne fait que maintenir l’IVG dans un cadre distinct des autres » actes, « et ne fait qu’entretenir la stigmatisation de l’IVG comme acte culpabilisant pour les femmes ». L’ancienne ministre ajoute que « la clause de conscience qui protège tout soignant, permet déjà de refuser de pratiquer tout acte ». Le texte permet enfin « d’étendre aux sages-femmes l’IVG instrumentale », mais la disposition est déjà « en grande partie satisfaite » par une mesure votée dans le dernier budget de la Sécu.
Laurence Rossignol en appelle enfin à une meilleure « information » dans les collèges et lycées, et une meilleure politique de « santé sexuelle et reproductive, angle mort de notre politique sanitaire ». Pour Laurence Rossignol, il faut un véritable « pilotage national ».
La communiste Laurence Cohen note de son côté que « l’accès à l’avortement a été fragilisé en France », appelant « à rendre le droit à l’avortement effectif partout et pour toutes les femmes en France ». Son groupe CRCE (communiste) avait déposé en 2017 une PPL pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution.
« La tête du fœtus est ossifiée et il faut l’écraser »
La droite a cherché pour sa part à expliquer qu’elle s’opposait à l’allongement du délai légal, tout en défendant la loi Veil de 1974. La sénatrice LR Florence Lassarade a souligné qu’en 2019, 232.000 IVG ont été pratiquées dans le pays, un record. « Environ une grossesse sur quatre est interrompue volontairement » ajoute la sénatrice de Gironde.
Elle souligne que « le palier de 12 semaines n’a pas été choisi par hasard. C’est dans cette période que l’embryon devient un fœtus ». Elle ajoute que « dans ces conditions, le geste médical n’est plus le même au-delà de 12 semaines. La tête du fœtus est ossifiée et il faut l’écraser », pour pratiquer une IVG.
« L’impact des restructurations hospitalières, la fermeture des hôpitaux de proximité »
Florence Lassarade plaide plutôt pour un meilleur accès territorial à l’IVG, pointant « l’impact des restructurations hospitalières, la fermeture des hôpitaux de proximité ou le refus de certains établissements de pratiquer un acte peu rentable ». Elle ajoute : « L’offre médicale en France doit être augmentée, avec des moyens pérennes et dédiés ».
Certains médecins craignent, avec IVG entre 12 et 14 semaines, « des manœuvres chirurgicales qui peuvent être dangereuses », ajoute Corinne Imbert (rattaché LR), en défendant la motion. « Cette motion ne doit en aucun cas être perçue comme une remise en cause de la loi Veil, à laquelle nous sommes très attachés » a-t-elle insisté.
« Frange la plus conservatrice, pour ne pas dire réactionnaire de votre électorat »
Les positions ne sont pas uniformes au sein de la majorité sénatoriale. Pour les centristes du groupe UC, Elisabeth Doisneau s’est dit ainsi « à titre personnel favorable à l’allongement du délai, mais opposée à la suppression de la clause de conscience ».
La socialiste Michelle Meunier a vu dans l’attitude de la droite, et le vote de la motion, une tentation de « courir en vain derrière la frange la plus conservatrice, pour ne pas dire réactionnaire de votre électorat ». Plus politiquement, le sénateur LREM Julien Bargeton a vu sur Twitter le recours à la motion comme une façon d’esquiver le débat, afin de ne pas montrer les divisions de la majorité sénatoriales sur l’IVG.
Adrien Taquet : « Il est essentiel que la PPL poursuive son chemin »
Et du côté du gouvernement ? A l’Assemblée, le ministre de la Santé, Olivier Véran, s’était montré prudent, voulant attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour éclairer les débats. Fin octobre, il avait dit n’être « pas sûr » que la proposition de loi « aille au bout », en raison de la disparition du groupe EDS (Ecologie, démocratie et solidarité), qui portait le sujet.
Au Sénat, le membre du gouvernement présent au banc, le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet, a fait aussi preuve d’une certaine prudence, tout en montrant une forme d’ouverture. Il a d’abord affirmé que la crise sanitaire « n’était pas sans conséquence sur l’exécution du droit à l’avortement. Et tout a été fait pour que ce droit reste effectif », assure-t-il.
Adrien Taquet a souligné que le Comité consultatif national d’éthique « a rendu en fin d’année un avis favorable à l’extension du délai légal de l’IVG ». « Il faut avancer sereinement. C’est un sujet qui n’a rien d’anodin. C’est un vrai débat de société » pour Adrien Taquet, avant d’ajouter qu’« il est essentiel que la PPL poursuive son chemin »…
Des propos qui n’ont pas échappé à Laurence Rossignol : « Le plus important pour moi, c’est que la navette parlementaire se fasse, que le texte reparte et aboutisse. J’ai entendu le ministre dire qu’il faut que la navette se poursuive. […] J’imagine que ce n’est pas pour que le texte s’enlise, mais aboutisse ».
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