Jacques Mézard à la Cohésion des territoires : un défenseur de la ruralité au caractère bien trempé
L’ex-sénateur PRG du Cantal, Jacques Mézard, passe de l’Agriculture à la Cohésion des territoires. Profondément laïc, c’est un fervent opposant à la loi sur le non-cumul qu’Emmanuel Macron défend. C’est un défenseur de la ruralité et du département alors que le projet de la campagne présidentielle prévoit d’en supprimer plus d’un quart.

Jacques Mézard à la Cohésion des territoires : un défenseur de la ruralité au caractère bien trempé

L’ex-sénateur PRG du Cantal, Jacques Mézard, passe de l’Agriculture à la Cohésion des territoires. Profondément laïc, c’est un fervent opposant à la loi sur le non-cumul qu’Emmanuel Macron défend. C’est un défenseur de la ruralité et du département alors que le projet de la campagne présidentielle prévoit d’en supprimer plus d’un quart.
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C’était l’une des nombreuses surprises du gouvernement Philippe I : la nomination de Jacques Mézard au poste de ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Le sénateur du Cantal quitte la rue de Varenne à la faveur du remaniement, après le départ de François Bayrou. Jacques Mézard est nommé ministre de la Cohésion des territoires. Il succède à Richard Ferrand qui va prendre la tête du groupe LREM.

Soutien de Macron dès le début de la campagne

Jacques Mézard est une personnalité dont le nom ne dira rien au grand public, mais qui est bien connue dans les couloirs de la Haute assemblée. Agé de 69 ans, élu sénateur du Cantal en 2008 et président de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac, Jacques Mézard est membre du Parti radical de gauche. Mais dès janvier dernier, il lance sur Public Sénat « un appel » aux radicaux de gauche pour rejoindre Emmanuel Macron.

Jacques Mézard appelle les radicaux de gauche à rejoindre Emmanuel Macron
02:23

Jacques Mézard est élu président du groupe RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) de la Haute assemblée en 2011. Plus vieux groupe du Sénat, il est aussi à l’image du gouvernement : il rassemble élus de gauche et de droite, mais avec dans sa grande majorité des sénateurs du PRG. L’ex-communiste, Robert Hue, soutien de Macron, en est membre, tout comme l’ex-PS Jean-Noël Guerini. Jean-Pierre Chevènement était auparavant aussi au groupe RDSE, où la liberté de vote est la règle.

En mai dernier, il avait reçu son arrivée au gouvernement « avec beaucoup d’humilité ». « Je ne m’attendais pas à cette nomination. Je ne suis pas de ceux qui font du zèle pour occuper des postes » avait-il réagi auprès de Public Sénat, exprimant « un profond attachement au Sénat de la République ».

Il avait appris la nouvelle la veille au soir, au cours d’un dîner. Françoise Laborde, sénatrice PRG de Haute-Garonne, soutien aussi de Macron, était à ses côtés. « Il a eu un coup de fil. Et il a dit oui. Je me suis marrée. Je lui ai dit « depuis le temps où tu dis non, non, non, tu vas dire oui ! » » raconte celle qui « connai(t) très bien Jacques ». « Je pense qu’il a mal dormi après » sourit-elle.

« Il a des fois un côté grognon »

Jacques Mézard, c’est aussi un caractère trempé. Mauvais diront certains, voire bougon. « Si dans le monde politique on n’a pas un peu de caractère, il est difficile de s’affirmer. Ce n’est pas un défaut, mais plutôt une qualité » pour le sénateur du groupe RDSE, Michel Amiel.

« Il a des fois un côté grognon, fermé ou préoccupé. Mais c’est parce qu’il est dans la réflexion. Il est toujours en train de réfléchir. Mais quand il arrive à se poser, il a quand même le sens de la convivialité, de l’amitié. C’est quelqu’un que j’estime beaucoup et quand on pratique la vraie personne, il est à l’écoute et agréable » confie Françoise Laborde, « mais de temps en temps, on a parfois envie de lui dire « Jacques, il faut rire plusieurs fois par jours pour être en bonne santé ! » »

Pas sûr que son premier portefeuille de l’Agriculture, délicat, l’ait fait souvent sourire. D’autant que le nommer à ce poste a pu en surprendre certains. « C’est vrai que ce n’est pas à ça (l’agriculture) que j’aurais pensé en premier » reconnaissait Françoise Laborde, « mais c’est un sujet qu’il connaît très bien ». « C’est d’abord un juriste, avocat de formation, membre de commission des lois » expliquait Michel Amiel, « mais par sa vie politique, il a la truffe du monde agricole » et il vient du « Cantal, territoire qu’on qualifie d’hyper-rural ».

Opposé à la fusion des régions, défenseur du département

Le rural. Voilà le dada de Jacques Mézard. Avec la Cohésion des territoires, il arrive dans un ministère qui lui va cette fois sur mesure. Le sénateur est souvent monté au créneau dans l’hémicycle de la Haute assemblée pour prendre la défense des territoires ruraux. Il a suivi de près les réformes territoriales de François Hollande et s’était opposé à la fusion des régions. Lors des débats, il vilipendait d’un ton solennel la réforme et sa méthode :

« Un gouvernement se doit aussi d’entendre la voix des élus locaux. Ils se sont exprimés. Et il est bon d’entendre leur expression, quelle qu’elle soit. C’est une question de démocratie ».

« Il est anormal d’imposer des fusions arbitraires, injustes », ajoutait le sénateur de Cantal, « on n’est pas au Monopoly ». Regardez :

Mézard sur la carte des régions : « On n’est pas au Monopoly ».
01:36

Le programme d’Emmanuel Macron prévoit la couverture de tout le territoire en très haut débit. Mais il devra gérer les conséquences sur les finances des collectivités de la suppression de la taxe d’habitation, qui génère déjà mécontentement. Et sera-t-il prêt à défendre la suppression d’« au moins un quart des départements, là où ils peuvent être rapprochés de l’une de nos grandes métropoles », mesure du programme ? Jacques Mézard est au contraire un défenseur du département… On l’avait vu lors des débats sur la loi NOTRe. Reste à voir si cette réforme sera mise en place et s’il en aura la charge ou si elle reviendra au ministère de l’Intérieur, qui compte deux ex-sénateurs avec Gérard Collomb et maintenant Jacqueline Gourault.

Jacques Mézard est aussi un fervent républicain, laïc profondément convaincu. Au point d’appeler à la démission de Jean-Louis Bianco, président de l’observatoire de la laïcité, et à la suppression de la structure, qu’il accuse de développer le communautarisme. Regardez :

Jacques Mezard souhaite la suppresion de l'Observatoire de la laïcité, "paravent par rapport au problème de la laïcité"
01:21

Le non-cumul, « une atteinte grave à nos institutions » pour Jacques Mézard

En étant membre du gouvernement, Jacques Mézard doit assumer une contradiction. Car il avait été le fer de lance des opposants au non-cumul des mandats, au Sénat, alors qu’Emmanuel Macron veut aller plus loin en limitant dans le temps à trois mandats. En 2013, une majorité de sénateurs s’était fermement opposée au texte. Une majorité transpartisane – déjà – entre UMP, UDI, PRG et une partie du PS, avait vidé de sa substance le texte au Sénat. Jacques Mézard était le plus virulent. Il n’avait pas de mots assez durs contre la réforme. Fronde qui a mis en avant ses qualités d’orateur.

Florilège : « Nous sommes l’objet d’une campagne lamentable » dénonçait le sénateur, « comme si nous étions goinfrés de privilèges et d’avantages ». « Nous sommes traités de ringards », ajoutait-il, amer.

Le premier jour de l’examen en séance, d’un ton grave, il parle d’« une atteinte grave à nos institutions ». Il ajoutait : le gouvernement agit « comme des braconniers  législatifs, qui font leur coup nuitamment, le visage masqué par la modernisation de la vie publique »… Il accusait « le gouvernement complice d’une campagne médiatique cultivant un antiparlementarisme dévastateur ». Une fois la loi votée, il avait souligné que « les dispositions prévues par une loi peuvent être abrogées ou modifiées par une autre loi »…

Un désaccord qui ne posera pas problème, selon Françoise Laborde : « Des paradoxes, le Président en aura d’autres dans son gouvernement. Connaissant Jacques, il va faire ce qu’on lui demande. Ce qui ne l’empêchera pas de glisser des choses sur d’autres sujets, quand ce sera l’occasion ou le moment ».

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