« Je parle de vous, Monsieur le sénateur Daniel Breuiller ! » : l’audition de Mohamed Sifaoui sur le Fonds Marianne vire au règlement de comptes

L’audition de Mohamed Sifaoui, l’un des responsables de l’association USEPPM, dans le cadre de la commission d’enquête sénatoriale sur le Fonds Marianne, a démarré sur les chapeaux de roues jeudi 15 juin. Sans vraiment y mettre les formes, l’essayiste a voulu répondre aux attaques de ses détracteurs : il a notamment dénoncé les propos tenus à son égard par le sénateur écologiste Daniel Breuiller.
Romain David

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

L’audition de Mohamed Sifaoui, ce jeudi matin devant la commission d’enquête sénatoriale sur le Fonds Marianne, a rapidement tourné au règlement de compte. Les explications du directeur des opérations de l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM) étaient particulièrement attendues par les élus, l’audition ayant déjà été reportée deux fois, d’abord pour des raisons de santé puis à cause d’une perquisition à son domicile, cette affaire faisant également l’objet d’une information judiciaire ouverte par le Parquet national financier. « Je vais parler en toute transparence pour parler de choses qui me déplaisent, que j’ai entendues, écoutées, et que je ne peux pas laisser passer. Je vais probablement alimenter la polémique à travers ce que je vais vous dire », a déclaré l’essayiste dans un propos introductif d’un peu moins d’une dizaine de minutes. Avant de sortir la sulfateuse.

Le sénateur Daniel Breuiller, accusé de diffamation par Mohamed Sifaoui

« Non, non, non, et non ! Le sujet qui intéresse votre commission d’enquête n’est pas celui de la république des copains pour reprendre les propos scandaleux, insultants et diffamatoires utilisés par l’un de vos collègues sur une chaîne de télévision, en l’occurrence Public Sénat. Je parle de vous, Monsieur le sénateur Daniel Breuiller ! », a lâché Mohamed Sifaoui. L’interpellation n’a pas manqué de trancher avec l’ambiance d’ordinaire feutrée et posée qui domine au Palais du Luxembourg. « Le premier copinage qui devrait être dénoncé, c’est celui qui lie votre courant politique, les écologistes, à l’islamisme et ce dans plusieurs villes de France. Voilà l’intitulé d’une vraie commission d’enquête qui aurait de la gueule, si j’ose dire », a encore lâché Mohamed Sifaoui.

Interrogé le 2 juin au micro de Public Sénat, le sénateur écologiste du Val de Marne, Daniel Breuiller, qui siège au sein de cette commission d’enquête, avait estimé que la procédure ayant permis à l’association de Mohamed Sifaoui de se voir sélectionner pour une subvention de 355 000 euros avait manqué d’impartialité. « Déjà on lui demande de déposer un dossier, c’est un peu la République des copains. Le cabinet de la ministre a instruit les demandes de subventions, ça ne marche jamais comme ça, je préfère quand ça reste dans l’administration », avait commenté l’élu. En mars dernier, plusieurs enquêtes journalistiques ont révélé qu’une très large partie des sommes versée avaient été utilisées pour rémunérer Mohamed Sifaoui et Cyril Karunagaran, le président de l’USEPPM.

La charge passée, Claude Raynal, le président de la commission d’enquête, a tenu à recadrer son interlocuteur : « Il y a quelques propos qui ne peuvent pas fonctionner. L’un de ces propos ne doit pas se traiter ici. C’est votre ressenti, concernant l’un de nos collègues. Les choses peuvent se traiter autrement », a estimé le sénateur.

« Non, Marlène Schiappa n’est pas mon amie, elle ne l’a pas été hier et le sera encore moins demain »

« Avec fermeté je tiens à démentir toutes les accusations graves et mensongères, les approximations et les contre-vérités qui ont été relayées et qui ont suscité la naissance de votre commission », a poursuivi Mohamed Sifaoui. Il a également dénoncé « le pathétique rapport de l’inspection générale de l’administration (IGA), instruit exclusivement à charge avec des approximations, des insinuations graves et là aussi des mensonges », selon lui. Ce rapport, commandé par la Secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, Sonia Backès, épingle le manque de professionnalisme de l’administration chargée d’attribuer les subventions aux associations bénéficiaires du Fonds Marianne contre la radicalisation. L’inspection générale de l’administration a également estimé que l’USEPPM, qui a touché les sommes les plus importantes, avait bénéficié d’un traitement de faveur, et préconise à l’exécutif de réclamer le remboursement d’une partie des fonds perçus.

« Aujourd’hui, on s’attaque à une ministre de la République, et j’ai des griefs contre elle, on s’attaque à un gouvernement, au mépris de la vérité parfois. Non, Marlène Schiappa n’est pas mon amie, elle ne l’a pas été hier et le sera encore moins demain », a encore voulu rectifier Mohamed Sifaoui. Auditionnée la veille, la secrétaire d’Etat à l’Economie sociale et solidaire, à l’origine du lancement du Fonds Marianne en 2021, a également démenti toute forme de proximité avec l’essayiste. « Non, elle n’est coupable, ni d’un détournement d’argent ni d’un quelconque copinage », a-t-il martelé.

« Cette commission d’enquête ne s’attaque à personne ! » : le recadrage de Claude Raynal

Mohamed Sifaoui a également tenu à défendre le préfet Christian Gravel, patron du comité interministériel de prévention contre la délinquance, la radicalisation et les dérives sectaires (CIPDR), l’organe chargé de piloter le Fonds Marianne. Ce haut fonctionnaire, auditionné par le Sénat le 16 mai, a finalement présenté sa démission début juin après la publication du rapport de l’IGA. « Je ne suis pas un haut fonctionnaire mais je suis scandalisé par la manière avec laquelle, au-delà des erreurs qu’il est légitime de rechercher, on cherche à jeter le bébé avec l’eau du bain. Christian Gravel, que je connais depuis au moins une quinzaine d’années, est un républicain de conviction et un homme de grande valeur. Il n’est coupable d’aucun détournement de fonds », a-t-il assuré.

« Vous avez utilisé le mot ‘on s’attaque’ : je voudrais être clair sur un point, cette commission d’enquête ne s’attaque à personne ! », a encore tenu à rectifier le président Claude Raynal avant d’aller plus loin dans cette audition avec une première série de questions. « Elle ne s’attaque pas à une ministre, encore moins à un gouvernement, elle établit des faits, elle pose les questions, elle écoute les réponses et elle en tire des conclusions. Tout cela n’est pas s’attaquer. »

Dans la même thématique