Macron/Castex : « Le Premier ministre est dans un rôle contraint et ambigu »
En reléguant le discours de politique générale de Jean Castex après la déclaration du chef de l’État prévue le 14 juillet, la fonction de Premier ministre telle qu’inscrite à l’article 20 de la Constitution est-elle remise en cause ?

Macron/Castex : « Le Premier ministre est dans un rôle contraint et ambigu »

En reléguant le discours de politique générale de Jean Castex après la déclaration du chef de l’État prévue le 14 juillet, la fonction de Premier ministre telle qu’inscrite à l’article 20 de la Constitution est-elle remise en cause ?
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

« Il n'entre pas dans les intentions du chef de l'État de faire de moi un subordonné voué aux tâches secondaires. Quand vous aurez appris à me connaître, vous verrez que ma personnalité n'est pas soluble dans le terme de collaborateur » a assuré le nouveau Premier ministre, Jean Castex dans le JDD, ce week-end.

Et pourtant, à peine nommé, Jean Castex a vu l’une de ses premières annonces, contredite par Emmanuel Macron. En effet, sur TF1, vendredi soir, le chef du nouveau gouvernement annonçait qu’il prononcerait son discours de politique générale devant le Parlement « au milieu » de cette semaine ». Dans le JDD, il se fait un peu plus vague, indiquant qu’il prononcera son « discours de politique générale « avant la mi-juillet ».

Jean Castex devra finalement attendre. L’Élysée a fait savoir dimanche que le discours de politique générale se fera « quelques jours après » la déclaration du Président de la République prévue le 14 juillet.

Dès le jour de sa nomination, l’ancien secrétaire d’État socialiste à l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, s’interrogeait sur le choix de Jean Castex, technicien, « homme de dossiers » comme l’a qualifié Raymond Soubie à publicsenat.fr, à Matignon. « Sans préjuger des qualités du nouveau Premier ministre, on peut se demander si l’on ne vient pas de supprimer de fait cette fonction. L’article 20 de la Constitution (selon lequel le gouvernement conduit et détermine la politique de la Nation » tweetait Thierry Mandon.

Même sentiment du côté du vice-président socialiste de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur. « Cela montre où est la prééminence du pouvoir. D'une certaine manière, le Premier ministre sera dans une position de second rôle... Disons que ça n’illustre pas très bien le fait que le Premier ministre détermine et conduit la politique du gouvernement. »

Emmanuel Macron qui a consulté François Hollande, la semaine dernière, s’est-il inspiré de la proposition de son prédécesseur qui plaide pour la suppression de la fonction de Premier ministre ? « Ce personnage, le Premier ministre, dont on ne sait pas si encore il est le chef de la majorité - Édouard Philippe n’est même pas membre du parti de la majorité - ou si c’est un collaborateur » notait François Hollande en 2018 pour l’anniversaire des 60 ans de la Constitution, reprenant au passage le mot de Nicolas Sarkozy, « collaborateur », au sujet de son Premier ministre François Fillon. Nicolas Sarkozy, lui aussi a été consulté par Emmanuel Macron la semaine dernière.

« La question s’est posée s’il ne fallait pas modifier l’article 20 »

« Dans nos institutions actuelles, le Premier ministre est dans un rôle contraint et ambigu. Ce n’est pas parce qu’il échoue qu’il est écarté, c’est parce qu’il réussit et qu’il fait de l’ombre au Président. Édouard Philippe avait commencé à prendre un peu d’autonomie sur le fond. Et à 20 mois de la présidentielle, Emmanuel Macron veut reprendre la totalité des pouvoirs et définir une ligne politique. Le Premier ministre n’est là que pour la mettre en musique. » note Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine et ancien secrétaire d’État en charge des relations avec le Parlement. L’élu LR se rappelle d’ailleurs que lors des débats qui ont entouré la révision constitutionnelle de 2008, « la question s’est posée s’il ne fallait pas modifier l’article 20 pour y inscrire : le Premier ministre coordonne et conduit la politique de la Nation. Même si le quinquennat a limité cette hypothèse, l’argument a été qu’une cohabitation était toujours possible ».

Il y a quelques jours encore, la dissolution de l’Assemblée nationale figurait parmi les pistes soumises au chef de l’État.

« Du point de vue du fonctionnement de l’État, tous les chemins mènent à Matignon »

Alors Jean Castex, simple chef d’orchestre de la politique conduite par Emmanuel Macron ? Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas, distingue deux sujets. « Politiquement, tous les chemins mènent à l’Élysée. Mais du point de vue du fonctionnement de l’État, tous les chemins mènent à Matignon. Le secrétaire général du gouvernement en est la pierre angulaire et sauf exception prévues par la Constitution, une grande partie du pouvoir réglementaire est dans les mains du Premier ministre ».

Enfin, on peut rappeler qu’au début du quinquennat, le discours de politique générale d’Édouard Philippe s’était d’ailleurs tenu après le discours d’Emmanuel Macron devant le Parlement réuni en Congrès. « Autant Édouard Philippe avait accepté que le chef de l’État lui grille la politesse, autant il avait refusé que son cabinet soit une annexe de l’Élysée » relève Benjamin Morel. Une référence, à la nomination de Nicolas Revel, un proche d’Emmanuel Macron, au poste de directeur de cabinet de Jean Castex.

 

 

Partager cet article

Dans la même thématique

France Marianne 9th off november 2025
5min

Politique

Démission du maire de Chessy : que devient le texte du Sénat visant à interdire les mariages entre Français et étrangers illégaux ?

Lundi, le maire de Chessy en Seine-et-Marne et ses adjoints ont choisi de démissionner de leur mandat pour ne pas être contraints par la justice de célébrer un mariage entre un ressortissant étranger sous le coup d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) et une ressortissante européenne. En début d’année, le Sénat a adopté avec l’appui du gouvernement, une proposition de loi pour prévenir ce genre de situations.

Le

Macron/Castex : « Le Premier ministre est dans un rôle contraint et ambigu »
3min

Politique

Crise agricole : « Nous essayons de réduire le délai entre la vaccination et l’exportation », assure le ministre du Commerce extérieur, Nicolas Forissier

Vaccination massive et plan de sauvegarde renforcé dans le cadre du Mercosur, le gouvernement s’active pour tenter d'apaiser la crise agricole qui dure. Mais le mouvement ne semble pas faiblir et les mobilisations doivent se poursuivre dans la journée. Invité de la matinale de Public Sénat, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, Nicolas Forissier, juge normal que le règlement de la crise prenne du temps. Il se félicite que la France ait imposé sa clause de sauvegarde dans l’accord du Mercosur.

Le

Macron/Castex : « Le Premier ministre est dans un rôle contraint et ambigu »
5min

Politique

Mercosur : le Sénat appelle l'exécutif à saisir la Cour de justice de l’Union européenne

Alors que le traité de libre échange pourrait être ratifié samedi par la présidente de la Commission européenne, la France a réaffirmé ce week-end son rejet du texte en l’état. Après l’Assemblée nationale fin novembre, c’est au tour du Sénat de se prononcer à l’unanimité sur une proposition de résolution visant à demander au gouvernement de saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour vérifier la conformité de l’accord.

Le