Jean-Yves Le Drian : « L’incident avec la Chine est clos »

Jean-Yves Le Drian : « L’incident avec la Chine est clos »

OMS, Syrie, situation en Afrique : interrogé par la commission des affaires étrangères du Sénat, Jean-Yves Le Drian a fait le point sur la situation internationale en pleine crise du Coronavirus.
Public Sénat

Par Fabien Recker

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La crise du Coronavirus risque-t-elle de porter un coup fatal au multilatéralisme ? Interrogé par les sénateurs, Jean-Yves Le Drian a exprimé le « regret » de la France face à la décision de Donald Trump de suspendre la contribution des États-Unis à l’OMS. « C’est dommage qu’en situation de pandémie, le seul outil de coopération mondiale soit mis en difficulté » a déclaré le ministre, rappelant que « l’OMS est importante, par son rôle normatif, son rôle d’alerte et d’assistance technique. »

« Il y a sans doute des choses à dire sur le fonctionnement de l’OMS, peut-être un manque de réactivité. Ce n’est pas toujours de la responsabilité des acteurs de l’OMS, mais des fondamentaux de cette organisation qu’il faudra peut-être revoir » au lendemain de la crise a poursuivi Jean-Yves Le Drian. Il a suggéré que soit créée, aux côtés de l’OMS, une instance scientifique internationale à l’image du GIEC pour le climat, afin de « préserver ce bien commun qu’est la santé. »

Pas de cessez-le-feu

À l’initiative de la France et de l’Allemagne, une visioconférence doit réunir jeudi 16 avril près de 70 pays afin de dégager des propositions pour un « multilatéralisme de la santé ». Si le multilatéralisme n’est pas mort, force est de constater que l’appel à un cessez-le-feu mondial pendant l’épidémie, lancé le 23 mars depuis New York par le secrétaire général de l’ONU, est resté lettre morte.

Libye, Yemen, Syrie, Ukraine : partout la violence se poursuit. La province syrienne d’Idlib en particulier représente « une poudrière et une bombe sanitaire » a fait savoir M. Le Drian. « Ni la Syrie, ni la Russie n’ont renoncé à leurs offensives, et à Genève les efforts diplomatiques n’avancent pas. Nous travaillons à des dérogations afin que l’aide humanitaire parvienne à la zone d’Idlib. » La France a débloqué pour cela une aide de 50 millions d’euros.

La menace terroriste

Le ministre s’est également attardé sur l’Irak, qui traverse une « triple crise : sanitaire avec l'épidémie de Covid-19, économique avec l'effondrement des prix du pétrole, et une crise interne, avec une vacance gouvernementale. » Un contexte aggravé par les tensions entre l’Iran voisin et les États-Unis, et qui freine la lutte contre Daesh sur le terrain.  

L’organisation terroriste demeure très active en matière de propagande : elle a diffusé le 31 mars un appel à profiter du contexte de pandémie pour commettre des attentats, a rappelé Jean-Yves Le Drian.

Tensions avec la Chine

Afin de soutenir l’appel onusien à un cessez-le-feu dans les différents terrains de guerre, la France essaie de pousser l'adoption d'une résolution « robuste » par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle se heurte pour l’instant au veto russe.

Mais c’est de la Chine, membre elle aussi du Conseil de sécurité, qu’il a davantage été question pendant l’audition. Mardi 14 avril, M. Le Drian avait convoqué l’ambassadeur chinois, après que l’ambassade de Chine avait publié sur son site Internet des attaques virulentes à l’encontre de la France et de ses élus, sur fond de reproches dans la gestion de la crise du Covid-19.

« L’incident est clos » a assuré Jean-Yves Le Drian. « J’ai lu avec intérêt la réponse du ministère des affaires étrangères chinois aujourd’hui, qui fait ‘sincèrement l’éloge de l’action de la France vis-à-vis de la situation’. Pas de commentaire supplémentaire à faire. »

L’Europe « au rendez-vous ? »

La relation franco-chinoise revêt une importance stratégique en cette période, du fait de notre dépendance à l’approvisionnement en matériel médical depuis la Chine. Le sénateur olivier Cadic a de son côté appelé à « mettre en œuvre une force de cyber-réaction pour lutter contre la désinformation malveillante » et les fakes news liées au Coronavirus, et doit remettre une note en ce sens à la commission sénatoriale.

Si les rapports avec les États-Unis et la Chine se sont tendus, la réponse européenne à la crise a été « au rendez-vous » a jugé M. Le Drian, malgré un « retard à l’allumage. » « Parce que l’ampleur de l’épidémie a surpris tout le monde, et que la santé ne fait pas partie des compétences de l’Union. »

Évoquant notamment le fonds de relance de 500 milliards d’euros, le ministre a considéré que l’UE avait « levé un tabou » en matière de règles budgétaires et que « cette crise pourrait être un accélérateur de refondation pour l’UE, qui pose des actes qu'elle n’avait jamais posés. »

Vers une annulation de la dette des pays pauvres ? 

Par-delà la crise sanitaire sur le continent, les Européens regardent vers l’Afrique, « sans catastrophisme mais avec une extrême vigilance » a fait savoir Jean-Yves le Drian. Aider l’Afrique à faire face à l’épidémie est « du devoir et de l’intérêt » de l’Europe a-t-il expliqué aux sénateurs, « au nom de la solidarité internationale, de l'impératif sanitaire et de l’impératif sécuritaire ».

Une aide scientifique et humanitaire, mais aussi économique : cet après-midi, les ministres des finances des pays du G20 se sont mis d’accord pour prononcer un moratoire sur la dette des pays les pauvres. « C’est un acte inédit désormais posé » s’est félicité Jean-Yves Le Drian, qui veut que le moratoire soit élargi à d’autres créanciers.

De son côté la France devrait réorienter 1,2 milliard d’euros d’aide au développement vers des pour des projets sanitaires en Afrique.



 

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