Jérôme Cahuzac condamné à 2 ans ferme, devrait échapper à la prison
Le prix du mensonge mais en évitant sans doute l'humiliation de la prison: l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac a été condamné mardi en appel...

Jérôme Cahuzac condamné à 2 ans ferme, devrait échapper à la prison

Le prix du mensonge mais en évitant sans doute l'humiliation de la prison: l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac a été condamné mardi en appel...
Public Sénat

Par Sofia BOUDERBALA

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le prix du mensonge mais en évitant sans doute l'humiliation de la prison: l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac a été condamné mardi en appel à une grosse amende et à deux ans de prison ferme, une peine ouvrant la voie à un aménagement immédiat.

Cinq ans après avoir déclenché le plus retentissant scandale du quinquennat de François Hollande, l'ancien pourfendeur de l'évasion fiscale s'est vu infliger pour fraude fiscale et blanchiment une peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis, une amende de 300.000 euros et cinq ans d'inéligibilité.

"Ce n'est pas une victoire de la défense mais c'est une réelle victoire de la justice parce que cette décision est équilibrée", s'est félicité l'avocat de l'ex-ministre, Eric Dupond-Moretti. Jérôme Cahuzac "ne mérite pas la prison", a ajouté l'avocat, qui va immédiatement demander un aménagement de peine.

La loi permet pour toute peine allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement, et en l'absence de récidive, la possibilité d'un aménagement immédiat. Une demande qui pourra être acceptée ou rejetée par le juge d'application des peines.

Jérôme Cahuzac quitte la cour d'appel de Paris au côté de l'un de ses avocats, Jean-Alain Michel (d), le 15 mai 2018
Jérôme Cahuzac quitte la cour d'appel de Paris au côté de l'un de ses avocats, Jean-Alain Michel (d), le 15 mai 2018
AFP

A l'énoncé de la peine, Jérôme Cahuzac, 65 ans, était immobile, concentré. Il est resté muet et très calme en sortant de la salle, encadré de gendarmes, face aux nuées de caméras qui se pressaient autour de lui.

Pendant près d'une heure, le président Dominique Pauthe a lu les motivations de sa décision: "Ces agissements heurtent le principe républicain d'égalité des citoyens devant l'impôt, qui devrait être au centre des préoccupations d'un élu", a-t-il asséné.

Il a fustigé un ministre "menant la lutte contre la fraude fiscale" au nom de l'Etat "alors même qu'il conservait à son insu des avoirs à Singapour", où il avait transféré en 2009 quelque 600.000 euros de son compte suisse pour mieux les dissimuler au fisc.

- "Persistance dans le mensonge" -

Le président a longuement expliqué pourquoi la cour retenait la culpabilité de Jérôme Cahuzac, tancé sa "persistance dans le mensonge", lui infligeant une énorme amende à laquelle il avait échappé en première instance. Il a même affirmé que le "recours à l'emprisonnement (était) pleinement justifié", mais n'a pas dit pourquoi la justice décidait de lui offrir la possibilité d'échapper à la détention.

Il s'est borné à rappeler les demandes de la défense, qui avait demandé d'épargner la violence "inutile" d'un nouveau bannissement à un homme déjà "cassé".

Eric Dupond-Moretti, l'un des avocats de Jérôme Cahuzac, parle à la presse après la condamnation par la cour d'appel, le 15 mai 2018 à Paris
Eric Dupond-Moretti, l'un des avocats de Jérôme Cahuzac, parle à la presse après la condamnation par la cour d'appel, le 15 mai 2018 à Paris
AFP

Bien que frappant plus fort au portefeuille, cet arrêt constitue un revers pour le parquet national financier, né du scandale Cahuzac, et qui avait réclamé la confirmation des trois ans de prison ferme infligés en première instance, en 2016, pour une faute "d'une exceptionnelle gravité".

Après la révélation de son compte caché par le site d'information Mediapart fin 2012, le ministre avait nié pendant des mois, avant de finalement démissionner en mars 2013 et d'avouer en avril.

Devant la cour d'appel, Jérôme Cahuzac a concédé un "déni" persistant, mais gardé la même ligne de défense: c'est la volonté de constituer un trésor de guerre au profit du mouvement de l'ex-Premier ministre Michel Rocard, qui expliquerait l'ouverture d'un premier compte en Suisse en 1992. La suite relèverait d'une "fuite en avant".

Dans les années 90, il fallait placer l'argent qui coulait à flots de la florissante clinique d'implants capillaires gérée par le chirurgien et son épouse dermatologue. Ce sera plutôt la Suisse pour lui, l'île de Man pour elle. Les comptes de la mère du médecin servent aussi à blanchir les chèques des riches patients anglais. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros.

En appel, Jérôme Cahuzac s'est retrouvé seul face à ses juges, avec l'ex-avocat genevois Philippe Houman, qui a vu sa peine confirmée en appel. "Acteur essentiel du processus de dissimulation", l'homme d'affaires basé à Dubaï a été condamné à un an avec sursis et 375.000 euros d'amende pour avoir mis en place le montage financier pour le transfert d'avoirs à Singapour.

Les autres protagonistes de l'affaire, l'ex-épouse du ministre comme les banquiers suisses, avaient renoncé à faire appel et sont donc définitivement condamnés: Patricia Cahuzac à deux ans de prison et la banque genevoise Reyl & Cie à l'amende maximale de 1,875 million euros.

Partager cet article

Dans la même thématique

Capture
5min

Politique

Un accord de libre-échange entre la Chine et l'Union européenne serait "extrêmement dangereux" pour cette eurodéputée

Scandale Shein, restrictions sur les terres rares, déferlement d'exportations sur le Continent : ces dernières semaines ont fourni aux européens de nombreux motifs d'inquiétude dans leur relation avec Pékin. Alors que Donald Trump a scellé un accord d'un an avec le président Xi Jin Ping, l'UE semble sur le banc de touche. Un sursaut est-il possible ? Ou bien sommes-nous condamnés à rester à la remorque de la Chine ? Débat dans "Ici l'Europe" avec les eurodéputés Sandro Gozi (Renew, France) et Estelle Ceulemans (S&D, Belgique).

Le

Photo Cazeneuve
11min

Politique

Attentats du 13 novembre 2015, le récit de Bernard Cazeneuve : « Très vite, on a conscience que nous sommes confrontés à une attaque de grande ampleur »

ENTRETIEN - Dix ans après les attentats de Paris et de Seine-Saint-Denis, qui ont coûté la vie à 130 personnes, l'ancien ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, revient auprès de Public Sénat sur cette nuit de terreur, et la gestion de crise aux côtés du Président de la République et du Premier ministre.

Le

Jérôme Cahuzac condamné à 2 ans ferme, devrait échapper à la prison
3min

Politique

« Il n’y a aucune délinquance dans les écoles de musique », affirme le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus

Il est sans conteste le maestro français le plus célèbre de sa génération. A 92 ans, Jean-Claude Casadesus continue de remplir les plus belles salles du monde sans jamais renier son attachement à la région du Nord. Lui qui a créé puis dirigé l’orchestre national de Lille, s’est engagé toute sa vie pour rendre la musique classique accessible à tous. Invitée de Rebecca Fitoussi dans Un monde, Un regard, Il revient sur son immense carrière marquée par la passion et le partage.

Le

Paris: Senate pension debat
6min

Politique

Retraites : la gauche du Sénat désunie sur la suspension de la réforme

A partir du 19 novembre, le Sénat examinera en séance publique le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et sa mesure phare : la suspension de la réforme des retraites. Une concession du gouvernement faite au PS qui n’a aucune chance d’être adoptée à la haute assemblée à majorité de droite. Les socialistes ne devraient également ne pas être suivis par les communistes et écologistes sur le vote de cette mesure.

Le