L’attentat de Moscou qui a coûté la vie à 137 personnes au Crocus City Hall, de Moscou, dans une attaque revendiquée par la branche afghane du groupe Etat islamique, l’Etat islamique au Khorasan (EI-K), a conduit la France à rehausser le plan Vigipirate à son plus haut niveau, « Urgence attentat ».
« La revendication de l’attentat de Moscou provient de l’État islamique au Khorassan. Or, cette organisation menace la France et a été impliquée dans plusieurs projets d’attentats récents déjoués dans plusieurs pays d’Europe, dont l’Allemagne et la France », a précisé Matignon ce dimanche soir, après la réunion du Conseil de défense. Une information confirmée par Emmanuel Macron à son arrivée en Guyane, lundi (lire notre article).
Al-Qaida et l’Etat islamique « n’ont pas les moyens » d’organiser une attaque en Occident
Le 5 mars dernier, auditionné par la mission d’information du Sénat sur le suivi de la sécurisation des Jeux Olympiques, Gérald Darmanin détaillait les différents types de menace que devait prendre en compte la France à l’approche de cet évènement planétaire. « La menace endogène que nous connaissons malheureusement trop. Une personne qui passe à l’acte sans lien particulier avec quelqu’un de l’extérieur. (Et), une menace hexogène d’une organisation de l’extérieur, type Bataclan », détaillait-il avant de souligner. « Nous pouvons dire aujourd’hui que des groupes comme Al-Qaida ou l’Etat islamique ont l’intention de le faire (un attentat) en Occident et en France en particulier. Mais n’ont pas les moyens de le faire pour l’instant », expliquait-il tout en s’empressant de rappeler que « le renseignement » n’était pas une « science exacte ».
Toutefois, le ministère de l’Intérieur alertait sur un troisième type de menace que l’on pourrait qualifier d’hybride. « Ce sont des gens de l’extérieur, qui, par des proxys (intermédiaires NDLR), viendraient à nous toucher. On pourrait imaginer qu’une organisation terroriste pourrait payer, corrompre par exemple des délinquants de haut niveau », détaillait Gérald Darmanin devant les sénateurs.
Ce lundi, le ministre a d’ailleurs précisé que plusieurs projets d’attentats de ce type, commandités par l’Etat islamique avaient été déjoués sur le sol national. « Notamment à la fin de l’année 2022, à Strasbourg où des personnes avaient été enclenchées par l’Etat islamique pour passer à l’acte et nous les avons interpellés avant ».
Dans les extraits des interrogatoires des suspects de l’attentat de Moscou diffusés par les services secrets Russes, le FSB, un homme a assuré avoir agi « pour de l’argent ».
« Le retour d’une menace en lien avec des théâtres extérieurs »
Aux côtés de Gérald Darmanin, le 5 mars dernier, Céline Berthon la patronne de la DGSI confirmait qu’il ne fallait « pas perdre de vue » « le retour d’une menace en lien avec des théâtres extérieurs ». « A fortiori dans un contexte géopolitique tendu et avec des organisations terroristes qui ciblent l’Occident et qui, à n’en pas douter, essayeront de saisir l’occasion des Jeux Olympiques pour agir ».
« Une structure spécifique » crée par la DGSI en vue des JO
La DGSI sera cheffe de file de la stratégie de lutte antiterroriste lors des Jeux Olympiques. « Face à l’ampleur et à la montée en puissance des signalements susceptibles de se produire, la DGSI a créé une structure spécifique qui aura vocation à vivre pendant et avant les Jeux Olympiques pour être en mesure de centraliser, d’attribuer et de suivre avec certitude la totalité des signalements qui pourront relever d’une menace terroriste », avait expliqué Céline Berthon.
L’objectif de ce suivi ? Pouvoir engager des mesures d’entraves administratives ou judiciaires que la loi permet. Depuis la loi SILT (Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme), de 2017 pérennisée en 2021, les terroristes qui sortent de prison et qui sont considérés comme dangereux peuvent faire l’objet d’un suivi spécifique. C’est ce qu’on appelle s mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS). Un ex-détenu peut avoir l’obligation de pointer au commissariat ou de porter un bracelet électronique. Mais ce ne sont que des mesures administratives et limitées dans le temps.
La droite sénatoriale veut aller plus loin et a fait adopter en janvier une proposition de loi du président de la commission des lois, François-Noël Buffet. Le texte prévoit, entre autres, deux nouvelles mesures judiciaires de sûreté, d’une durée d’un an renouvelable, et jusqu’à trois ou cinq ans, selon les peines prononcées et l’âge du condamné, en cas de « trouble grave de la personnalité » et en cas d’une « probabilité élevée de récidive et par une adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».
Le texte prévoit aussi une interdiction de paraître dans des lieux exposés à un risque de menace terroriste, comme certains sites des jeux Olympiques de 2024.
Agnès Canayer (apparentée LR), co-rapporteure de la mission de suivi des JO avait insisté auprès du ministre de l’Intérieur sur la nécessité de voir la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. « On a, avec le garde des Sceaux, peut-être des différences sur un certain nombre d’éléments de ce texte […] Aujourd’hui, de mon point de vue de ministre de l’Intérieur, je pense que nous avons les moyens d’assurer un maximum de sécurité dans la lutte contre les acteurs terroristes sur notre sol, même sans les dispositions de la loi Buffet », avait assuré Gérald Darmanin.
Rappelons que dans la perspective des Jeux Olympiques, le ministère de l’intérieur va diligenter un million d’enquêtes administratives sur des personnes organisant de près ou de loin l’évènement.
Suite à l’attentat de Moscou, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez a annulé son audition qui devait se tenir mardi 26 mars, devant la mission de suivi du Sénat. La mission qui devait présenter son rapport sur la sécurisation des JO mercredi 27 mars, a repoussé sa présentation à 15 jours.