Julien Bayou : « Il faut encadrer le prix des masques »

Julien Bayou : « Il faut encadrer le prix des masques »

Julien Bayou, le secrétaire national d’Europe Écologie Les Verts, attend des réponses claires du discours d’Édouard Philippe prévu ce mardi. Pour lui, le gouvernement a fait preuve d’impréparation et d’arrogance dans la gestion de cette crise jusque-là.Si les conditions de sécurité sanitaire ne sont pas réunies le 11 mai, il propose de reporter le déconfinement. Autre proposition, un encadrement des prix des produits de première nécessité comme les masques.Julien Bayou répond aux questions d’Oriane Mancini.
Public Sénat

Par Oriane Mancini

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Le plan de déconfinement :

« Comme tout le monde, on attend d’avoir des éléments clairs et précis. Savoir comment on pourra se procurer des masques et des tests par exemple.
J’ai aussi une pensée pour les parents d’élèves qui sont dans l’incertitude. Qu’est-ce que ça veut dire ce retour volontaire ? Comment seront choisis les élèves qui iront à l’école ?

Dans la gestion, il y a une part d’impréparation et d’arrogance et les deux ne font pas bon ménage.
Le fait que les ministres se contredisent et tentent d’interpréter les propos d’Emmanuel Macron et sa date du 11 mai alors que l’intendance ne suit pas.
Tout cela rajoute de la tension dans le pays. Il faut en finir avec tout ça et faire des annonces précises.
Si la date du 11 mai ne fonctionne pas, si les masques ne sont pas là, et bien il faut arrêter de fétichiser cette date. Ce n’est pas parce que le Président l’a annoncée que l’on doit s’y tenir.
Pour nous, c’est la santé qui doit prévaloir. S’il faut reporter la date du déconfinement, il faudra la reporter. »

 

La concertation :

« Ce gouvernement parle de consulter mais dans les faits nous avons l’impression que s’il pouvait se passer du Parlement, il le ferait volontiers.
Il avait déjà annoncé avoir consulté les oppositions sur le maintien du 1er tour des municipales, ce n’est pas vrai.
Nous ne sommes pas du tout consultés sur les différents scénarios de déconfinement.
Je crois que le Président a pu discuter avec quelques maires. C’est déjà ça mais je m’étonne que le gouvernement puisse à ce point s’asseoir sur le Parlement.
Nos voisins ne se passent pas de leur démocratie.  On a besoin de contrôler l’action du gouvernement et d’entendre différents points de vue.
En tout cas, le fait de décider seul, visiblement cela ne marche pas. Quand le Président décide seul, on a l’impression que ses ministres découvrent les annonces à la télévision et doivent se lancer dans des concours d’interprétations.
Il faut élaborer cette stratégie avec l’ensemble des partenaires sociaux.
On sait bien que cette date est aussi choisie pour permettre le redémarrage de l’activité économique et je ne pense pas que les syndicats aient été consultés sur les conditions de sécurité pour les salariés par exemple.
Il faut discuter et entendre les interrogations constructives et passer ces éléments au prisme du Parlement. »

 

Le rôle du Parlement :

« Je vais être cash. Qu’est-ce que c’est que cet État de crise que l’on nous a inventé où le Parlement est réduit à un rôle croupion et où on lui met quelques éléments à voter par politesse.
Les parlementaires ne pourront pas se prononcer sur le plan global, chapitre après chapitre. Quid de l’école, quid de la reprise du travail et quid de la géolocalisation.
Je ne comprends pas cette dérive. C’est une question de démocratie. Nos institutions sont solides et l’on a inventé un état d’urgence sanitaire dans lequel il y a moins de rôle pour le Parlement que dans l’état d’urgence tout court ou que dans l’article 16 de la Constitution.
C’est la tentation d’avoir recours à un homme providentiel et c’est une tentation très personnelle d’Emmanuel Macron qui se croit Jupiter. Il pense toujours que tout se décide depuis Paris. C’était déjà le cas avec Nicolas Sarkozy et François Hollande mais c’est encore accentué.
En période de crise, il faut au contraire l’ensemble des territoires et des forces politiques pour délibérer et élaborer les conditions de sortie de crise. »

 

La géolocalisation :

« Sans vote, nous allons installer une application de surveillance massive de la population. C’est une mesure en temps de crise et pour faire face à une épidémie mais demain cela restera. Toutes les mesures exceptionnelles, attentatoires aux libertés individuelles, se retrouvent ensuite banalisées dans l’état de droit. Cela a été le cas pour les dispositions de l’état d’urgence comme les perquisitions administratives, les assignations à résidence et l’interdiction de manifester. Au départ c’était contre le terrorisme et bien souvent cela se retourne contre les syndicalistes ou les écologistes.
Je ne vois pas de gain sanitaire à l’usage de cette application. J’y vois beaucoup de dangers.
En Corée du Sud, il y avait 20 000 personnes pour assurer le suivi des personnes infectées. On en est loin en France. À Paris, il y aura 4 équipes. »

 

Le retour à l’école :

« Moi je suis inquiet de faire reposer sur la sagacité des parents, cette question du retour à l’école.
Dans le République, l’école est obligatoire pour assurer à tous d’avoir accès à l’instruction.
Laisser une liberté de choix, c’est un problème fondamental et en plus, quels parents sont assez informés sur les risques pour pouvoir trancher cette question ?
Il faudrait trouver une doctrine et j’espère que le Premier ministre sera beaucoup plus clair et que chaque parent d’élève saura à quoi s’attendre.» 

 

L’accès aux masques :

« Il faut un contrôle des prix. Des masques à 5 euros, cela signifie que tout le monde ne pourra pas s’en procurer
Chez EELV, nous sommes favorables à un encadrement des prix des produits de première nécessité.»

 

Les contreparties aux aides de l’État :

« Y’en a marre des engagements. Nous sommes sur une crise plus globale que la simple pandémie.
Il y a une unanimité sur la vague qui arrive et on connaît les solutions. C’est réduire drastiquement les émissions de gaz à effets de serre et cela ne passe pas par de beaux discours de sociétés qui reçoivent des milliards de prêts qui viennent de nos impôts.
Il faut mettre des contraintes.
Pour Air France par exemple, cela n’a pas de sens de faire des vols Paris-Marseille ou Paris-Bordeaux. C’est une pollution massive et une concurrence pour les TGV.
Il faut des contraintes environnementales et sociales.
Dans la foulée de ce plan de sauvetage massif d’Air France, on apprend par exemple que la compagnie prépare ses prochains licenciements.
On a déjà connu ça en 2008 avec une aide massive aux constructeurs automobiles. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont développé des SUV, le diesel, menti sur le respect des émissions et ils ont délocalisé leurs usines.
Il faut aussi interdire d’aider les entreprises qui ont des filiales dans des paradis fiscaux. »

 

L’après crise :

« Aujourd’hui nous sommes dans une crise qui est accentuée par la pression sur la nature, par le commerce des espèces sauvages, par la mondialisation.
Il faut tirer les leçons de cette crise et tourner cette page de l’activité économique à outrance, de la mondialisation à l’excès.
Il faut prendre le virage de la transition écologique.
Tout ce que propose le MEDEF, il faut faire l’exact contraire. Cela fait 40 ans qu’il nous propose 1 million d’emplois en échange de baisses d’impôts. On a eu les baisses d’impôts et il y a eu une baisse du service public et pas d’emplois.
Maintenant, il faut un interventionnisme de l’État avec des contreparties pour satisfaire les besoins de la population et lutter contre le dérèglement climatique.

 

Le gouvernement d’union nationale :

« Ce n’est pas envisageable aujourd’hui. Je viens de lister les conditions minimales.
On donne 7 milliards à une entreprise qui pollue, combien de masques cela représente ?
L’impôt doit être utilisé à bon escient.
On avait un ministre de l’Écologie, Nicolas Hulot qui a été contraint de quitter le gouvernement parce qu’il n’avait aucune influence.
Pour y participer, il faut un projet partagé et ce n’est pas le cas.
Un gouvernement dont le centre de gravité est le macronisme à savoir le soutien de l’activité économique quoiqu’il en coûte, cela n’est pas compatible avec l’écologie.
Soutenir l’économie à tout prix, cela veut dire permettre à Total de forer, d’importer de l’huile de palme. »

 

La fiabilité des vaccins :

« Michèle Rivasi a mis en doute les vaccins et je lui ai dit que c’était une faute. Ce n’est pas possible d’afficher une position anti-vaccin. On peut s’interroger sur les lobbys dans la santé mais nous ne voulons absolument pas jeter le discrédit sur les politiques de vaccinations.
Même en dehors de toute crise, ces politiques de santé publique sont absolument nécessaires pour protéger les populations.
Aujourd’hui, tous les efforts doivent être mis en œuvre pour soutenir la recherche en France et à l’international pour obtenir un traitement et si possible un vaccin. »
 

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