Justice pénale des mineurs : le Sénat adopte le report de la réforme

Justice pénale des mineurs : le Sénat adopte le report de la réforme

La Haute assemblée examine le projet de loi visant à réformer la justice pénale des mineurs. Une réforme « attendue » mais jugée précipitée tant sur le fond que sur la forme. Les sénateurs ont voté le report de la mise en œuvre de la réforme.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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C’est devant un hémicycle un brin échaudé que le garde des Sceaux a défendu, mardi soir, le projet de loi visant à réformer le code de la justice pénale pour mineurs. Si la nécessité de réformer l’ordonnance de 1945 « sur l’enfance délinquante » ne fait pas débat, le fond et la forme font réagir les sénateurs (lire notre article).

« Nous ne comprenons pas M. le ministre la méthode employée, peu respectueuse du travail parlementaire et à marche forcée », a tancé la rapporteure de la commission des lois, Agnès Canayer.

La décision de faire passer cette réforme par ordonnance en 2019 avait déjà irrité les sénateurs et c’est un courrier plus récent qui a mis le feu aux poudres. En effet, après l’adoption du texte à l’Assemblée nationale mais avant son examen au Sénat, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a adressé un courrier aux juridictions pour préparer l’entrée en vigueur de la réforme. Les sénateurs ont alors estimé que la deuxième chambre du Parlement était mise de côté.

L’application de la réforme repoussée de 6 mois

Sur le fond maintenant, les sénateurs dénoncent la précipitation du gouvernement qui souhaite voir cette réforme entrer en vigueur le 31 mars prochain. La commission des lois du Sénat a adopté un amendement visant à reporter de six mois sa mise en application : « Au 31 mars, les outils informatiques ne seront pas disponibles, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les greffes ne seront pas prêts », soulève Agnès Canayer. Les socialistes et les communistes souhaitent, eux, repousser cette date d’un an.

« Aujourd’hui, la grande majorité des juridictions est désormais prête à intégrer la nouvelle procédure », soutient, pour sa part, le garde des Sceaux, concédant que quelques juridictions auront des difficultés. « Nous avons reçu les représentants des avocats, des magistrats, des éducateurs… Ils nous disent qu’il faut du temps », a plus tard objecté le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur. Publiquement, de nombreux professionnels ont effectivement jugé cette date beaucoup trop précoce, d’autant que la crise sanitaire a largement entravé le fonctionnement des juridictions.

D’autres points majeurs sont en débat, comme le transfert au juge des libertés et de la détention de la compétence (JLD) pour le placement en détention provisoire du mineur. Les sénateurs rejettent cette nouvelle disposition au motif que ces juges « ne sont pas forcément spécialisés dans le droit pénal des mineurs » et que ces derniers ont déjà beaucoup à faire. Ce transfert souhaité par la chancellerie a pour but de garantir une meilleure impartialité du jugement, afin d’éviter le jugement d’un mineur par un juge des enfants qui a été amené préalablement à le placer en détention provisoire.

« Les juges des enfants que nous avons rencontrés comprennent parfaitement qu’il faut dissocier les deux fonctions et ont proposé que ce soit un autre Juge des enfants qui statue de la liberté et de la détention », a fait valoir la sénatrice centriste Dominique Vérien défendant la position de la commission des lois qui va dans ce sens.

Lors de l’examen, la gauche sénatoriale minoritaire a cherché à sanctuariser le statut des enfants de moins de 13 ans s’appuyant sur la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Dans son article 40, la Convention exige qu’un seuil d’âge soit adopté par les Etats sous lequel un enfant ne peut pas être tenu pour délinquant. La sénatrice écologiste, Esther Benbassa, a notamment proposé l’instauration d’une présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale pour les mineurs de moins de quatorze ans. Son amendement a été rejeté, comme ceux des socialistes et des communistes.

« Il faut rappeler que le mineur de 13 ans ne peut pas faire l’objet d’une mesure coercitive […] nous partons du principe qu’il faut faire confiance au juge des enfants », a justifié le ministre de la Justice. Un amendement du gouvernement a par ailleurs été adopté pour préciser la notion de discernement du mineur.

Plus généralement, les groupes de gauche, minoritaires au Sénat, ont vilipendé un texte répressif à l’endroit des mineurs et insuffisant sur le volet éducatif. Les communistes ont déposé une motion pour rejeter le projet de loi avant même son examen. « Cette réforme s’ancre dans une dérive répressive qui se contente de soigner des mots profonds en s’attaquant uniquement aux symptômes », a dénoncé la présidente du groupe communiste, Éliane Assassi. Cette motion a été rejetée.

Les sénateurs se sont également opposés à ce que le tribunal de police puisse juger des mineurs sur les contraventions des quatre premières classes. « Ce sont des contraventions de faible gravité […] Les mineurs représentent 2,3 % des personnes jugées devant le tribunal de police, ça représente 5 000 mineurs qui devront être jugés par les juges pour enfants et il y a un risque d’engorgement », a affirmé le garde des Sceaux en présentant un amendement pour rétablir la compétence du tribunal de police. La rapporteure du texte a, elle, estimé que certaines de ces contraventions étaient suffisamment graves pour justifier l’intervention du juge des enfants et le suivi du mineur.

 

 

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