Après 10 jours de procès, Éric Dupond-Moretti peut souffler. La décision de la Cour de justice de la République est tombée ce mercredi. Les magistrats n’ont pas suivi les réquisitions du parquet, et ont prononcé la relaxe d’Éric Dupond-Moretti. L’accusation avait pourtant requis un an de prison avec sursis, disant sa « conviction » qu’Éric Dupond-Moretti s’était bien rendu coupable de prise illégale d’intérêts en ouvrant, en tant que ministre, des enquêtes administratives visant quatre magistrats avec qui il avait eu maille à partir lorsqu’il était avocat.
« A défaut de caractérisation de l’élément intentionnel de prise illégale d’intérêt, monsieur Dupond-Moretti doit être relaxé », a indiqué le président de la Cour de justice de la République.
Éric Dupond-Moretti avait fait l’objet d’une série de plaintes déposées par plusieurs syndicats et l’association anticorruption Anticor qui lui reprochaient d’avoir usé de sa fonction pour régler ses comptes avec certains magistrats. Dans une première affaire, le ministre était ciblé pour avoir diligenté une enquête administrative contre trois membres du Parquet national financier (PNF), dont l’ancienne procureure nationale financière, Eliane Houlette, contre lesquels il avait porté plainte pour « atteinte à la vie privée », peu de temps avant d’être nommé au gouvernement. Il avait ensuite retiré sa plainte. Les magistrats avaient fait éplucher les factures téléphoniques de celui qui était encore avocat, à la recherche d’une éventuelle « taupe » ayant tenu informés Nicolas Sarkozy et son conseil Thierry Herzog de leur mise sur écoute dans l’affaire Bettencourt.
Un second dossier concernait les poursuites administratives engagées contre le juge anticorruption Edouard Levrault. Une fois nommé à la Chancellerie, Éric Dupond-Moretti avait diligenté une enquête administrative à l’encontre de ce magistrat. Les deux hommes s’étaient opposés par le passé dans l’affaire Rybolovlev, dans laquelle Éric Dupond-Moretti représentait l’ex-responsable de la police judiciaire de Monaco.
Éric Dupond-Moretti a toujours clamé son innocence. « Mon crime (…) est d’avoir exercé mes fonctions exactement comme l’auraient fait tous mes prédécesseurs dans des circonstances analogues. J’ai suivi les recommandations de mon administration », s’était-il défendu lors d’une audition devant le Sénat en juillet 2021.
La Cour de justice de la République est la seule institution habilitée à juger les membres du gouvernement pour des délits ou crimes commis dans l’exercice de leur fonction. Elle est composée de 15 juges, dont 12 sont des parlementaires (6 députés et 6 sénateurs).
Le ministre sauve donc sa tête. Élisabeth Borne avait écarté en octobre la possibilité qu’Éric Dupond-Moretti reste au gouvernement en cas de condamnation, évoquant une « règle claire » déjà « appliquée », en référence au ministre Alain Griset qui avait démissionné en 2021 après sa condamnation.
Menaces de plainte en diffamation de la part de Marine Le Pen
Mardi soir à la veille de la décision de la Cour de justice de la République, le garde des Sceaux avait fait parler de lui aux questions d’actualité au gouvernement de l’Assemblée nationale en s’en prenant aux députés RN. Il les a appelés à « chasser de vos rangs les gudards, les identitaires, les nazillons, les racistes, les antisémites qui sont en réalité planqués dans vos officines économiques ». Marine Le Pen a indiqué à la sortie de l’hémicycle son intention de porter plainte devant la CJR « pour que le ministre s’explique de ses injures et accessoirement de ses diffamations ».
Éric Dupond-Moretti s’était ensuite présenté devant les sénateurs de la commission des lois pour présenter le budget « historique » de son ministère pour 2024 avec plus de 10 milliards de crédits.