Justice : le Sénat autorise l’activation à distance des téléphones portables pour certaines enquêtes

Mercredi 7 juin dans la soirée, le Sénat poursuivait l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice pour la période 2023-2027. Dans ce cadre les élus de la chambre haute ont adopté l’article 3 qui comporte des dispositions diverses sur la procédure pénale, notamment l’extension des perquisitions de nuit ou l’activation à distance des téléphones portables à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire
Simon Barbarit

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Dès le début de la reprise de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice pour la période 2023-2027, la rapporteure (app-LR) Agnès Canayer a formulé une critique sur la méthode choisie par le gouvernement. Les sénateurs examinaient l’article 3 de ce texte qui porte sur des mesures techniques et sensibles du code de procédure pénale. « Sans remettre en cause l’intérêt de ces mesures, force est de constater  que la simplification du code de procédure pénale reste une montagne à gravir. Regroupées dans un seul article sans véritable cohérence, ces dispositions sont difficiles à étudier et portent souvent à confusion. Loin de la clarification voulue par le ministre », a relevé la sénatrice.

En effet, après avoir adopté mardi, l’article 2 qui habilite le gouvernement à clarifier par voie d’ordonnance le code de procédure pénale, à droit constant, les sénateurs se retrouvaient à examiner des dispositions législatives qui modifient déjà le code. Les sénateurs ont ainsi voté l’extension des perquisitions de nuit actuellement réservées dans les affaires de terrorisme et de criminalité organisée. Le texte les étend aux crimes de flagrance contre les personnes, sur la requête du procureur de la République, lorsqu’elles sont nécessaires « pour prévenir un risque imminent d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d’être commis, ou pour permettre l’interpellation de son auteur ». Les écologistes ont, sans succès, défendu des amendements de suppression.

Mais l’activation à distance des téléphones portables est la mesure qui a suscité le plus de débats. Le texte prévoit deux techniques. La première, l’activation d’un appareil électronique à distance dans le but de géolocaliser une personne, est autorisée sur requête du procureur de la République, ou du juge d’instruction pour des affaires relative à un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

« Toute conversation dans l’espace publique est alors sous écoute »

Plus polémique, le projet de loi prévoit également l’activation à distance de la caméra et du micro de ces appareils pour des affaires de terrorisme, ou relatives à la criminalité organisée. Mais les élus de gauche craignent que cette nouvelle technique soit profondément attentatoire à la vie privée. « L’atteinte est particulièrement grave car la captation concerne aussi des personnes tierces. Le suspect va prendre son portable dans le métro. Toutes les conversations autour seront alors captées. Pareil, s’il va au restaurant. Toute conversation dans l’espace public est alors sous écoute », a objecté le sénateur écologiste, Guy Benarroche en défendant un amendement de suppression de ces dispositions.

D’autres sénateurs ont présenté des amendements de repli afin de limiter la portée de ces nouvelles techniques d’enquête. Alors que le projet de loi interdit la technique de captation des sons et d’images pour les parlementaires, les avocats et les magistrats, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel a souhaité aussi l’interdire explicitement pour les journalistes, les médecins, notaires et huissiers.

Rappelons que l’activation de ces appareils à des fins de captation de sons et d’images est déjà interdite dans le projet de loi dans certains lieux: les cabinets médicaux, les entreprises de presse, les domiciles des journalistes, les études de notaires et des huissiers. Sans suivre les propositions des écologistes, un amendement de la rapporteure, Agnès Canayer a renforcé certaines garanties afin d’éviter un risque d’inconstitutionnalité. Son amendement élargit la protection aux personnes qui travaillent et résident dans ces lieux protégés.

« On semble découvrir la lune »

Un amendement du président du groupe LR, Bruno Retailleau adopté en séance, limite aussi l’activation des appareils à des fins de géolocalisation aux infractions punies d’au moins dix ans d’emprisonnement, contre 5 dans le texte initial.

Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti a tenté de répondre à ce qu’il a qualifié « de cris d’orfraie » en rappelant que ces techniques étaient déjà autorisées, la géolocalisation des suspects par la pose de balises, les écoutes et les images par la pose de caméras et de micros. « L’idée est de faire prendre le moins de risques possibles aux officiers de police judiciaire, de les protéger », a-t-il argué. « On semble découvrir la lune » a-t-il ajouté. Le ministre a également rappelé que ces techniques étaient subordonnées à l’autorisation d’un juge.

 

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