La mise en place à titre expérimental de tribunaux des affaires économiques est issue d’un rapport et d’une proposition de loi des sénateurs François Bonhomme (LR) et Thani Mohamed Soilihi (Renaissance). L’idée a été reprise dans les Etats généraux de la justice et constitue l’article 6 du projet de loi d’orientation et de programmation de la Justice 2023-2027.
« Dans une conjoncture défavorable aux agriculteurs, le moment ne nous paraît pas opportun »
Ce jeudi le Sénat a adopté l’expérimentation de cette nouvelle juridiction qui remplacera les tribunaux de commerce. Ces derniers ont compétence pour traiter des litiges commerciaux, et ne sont pas composés de juges professionnels mais de juges consulaires. Dans sa version initiale, le projet de loi prévoit d’intégrer des magistrats professionnels en tant qu’assesseurs dans les nouveaux tribunaux des affaires économiques.
En commission des lois, le Sénat les a supprimés « car les tribunaux de commerce ne le souhaitaient pas. Et les juges professionnels ne souhaitaient pas siéger en tant qu’assesseur », a rappelé la co-rapporteure du texte, Dominique Vérien (centriste). Le texte prévoit par ailleurs d’élargir les compétences de ces tribunaux aux agriculteurs. En commission, les sénateurs les ont également élargis aux professions réglementées du droit.
Lors des débats, plusieurs amendements déposés par les sénateurs de gauche ont tenté, sans succès, de faire sortir les agriculteurs du champ de compétence de ces nouveaux tribunaux des affaires économiques, dont les contentieux relèvent actuellement des tribunaux judiciaires. « Les activités agricoles obéissent à des impératifs dont les contours se définissent selon des critères très spécifiques, différents des activités des commerçants et des artisans […] Dans une conjoncture défavorable aux agriculteurs, le moment ne nous paraît pas opportun de bouleverser cette situation », a fait valoir le sénateur communiste Gérard Lahellec.
La rapporteure a émis un avis défavorable. Elle rappelle que la commission des lois a introduit des juges consulaires issus du monde agricole. « On va me dire que des agriculteurs vont s’intéresser aux terres de leurs voisins. Mais par rapport aux entreprises, on pourrait avoir le même risque. Il existe pour les agriculteurs comme pour les autres juges consulaires, une règle de déport », a-t-elle soutenu.
« Les avocats n’ont pas spécialement envie de dire qu’ils font faillite. Mais ça leur arrive »
Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti a lui défendu un amendement visant à exclure de la compétence du tribunal des activités économiques les procédures amiables et collectives des professions réglementées du droit. « Les professions du droit n’exercent pas au sens strict de professions à caractère économique », a justifié le ministre.
« Les avocats n’ont pas spécialement envie de dire qu’ils font faillite. Mais ça leur arrive. C’est une position constante du Sénat d’inclure l’ensemble des professions, y compris libérales. Il n’y a pas de raison que les professions réglementées du droit en soient exclues », a répondu Dominique Vérien qui a émis un avis défavorable avant que l’amendement ne soit rejeté.