Karachi: pour les enquêteurs, aucun lien étayé entre attentat et financement de la campagne Balladur
Y a-t-il un lien entre l'attentat de Karachi et le financement de la campagne Balladur ? Selon un rapport judiciaire consulté par l'AFP, les...

Karachi: pour les enquêteurs, aucun lien étayé entre attentat et financement de la campagne Balladur

Y a-t-il un lien entre l'attentat de Karachi et le financement de la campagne Balladur ? Selon un rapport judiciaire consulté par l'AFP, les...
Public Sénat

Par Sofia BOUDERBALA et Benjamin LEGENDRE

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Y a-t-il un lien entre l'attentat de Karachi et le financement de la campagne Balladur ? Selon un rapport judiciaire consulté par l'AFP, les enquêteurs des services de renseignement estiment qu'aucun élément sérieux ne permet d'étayer cette thèse, privilégiée par le juge Trévidic lorsqu'il était chargé du dossier.

"A ce stade des investigations, la piste islamiste comme explication de l'attentat de Karachi reste celle privilégiée", écrit la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) dans sa dernière synthèse adressée en avril au juge d'instruction qui a repris le dossier.

Dix-sept ans après l'attentat, les enquêteurs battent donc en brèche l'hypothèse d'une attaque menée en représailles à la décision de Jacques Chirac, tombeur d'Edouard Balladur à la présidentielle de 1995, d'arrêter le versement de commissions qui auraient servi in fine à financer son adversaire.

L'affaire Karachi doit son nom à l'attentat du 8 mai 2002 qui avait fait quinze morts, dont onze employés français de la Direction des constructions navales (ex-DCN), et blessé douze autres dans la ville pakistanaise. Tous travaillaient à la construction d'un des trois sous-marins Agosta vendus à ce pays, sous le gouvernement Balladur (1993-1995).

Tandis que l'enquête antiterroriste se poursuit, un procès s'est ouvert lundi à Paris pour six protagonistes du volet financier de l'affaire: trois politiques, un industriel et deux intermédiaires, dont l'homme d'affaires Ziad Takieddine, sont soupçonnés d'avoir pris part à un système de commissions en marge de contrats d'armement, ayant donné lieu au versement de rétrocommissions -illégales - qui ont pu servir à financer la campagne de M. Balladur.

L'ancien Premier ministre Edouard Balladur (g) en septembre 2003 à Moliets et l'ancien ministre de la Défense en février 2002 à Paris
L'ancien Premier ministre Edouard Balladur (g) en septembre 2003 à Moliets et l'ancien ministre de la Défense en février 2002 à Paris
AFP/Archives

L'ancien Premier ministre et son ministre de la Défense François Léotard viennent quant à eux d'être renvoyés devant la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger des membres du gouvernement pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions.

L'enquête antiterroriste menée d'abord par le juge Bruguière privilégiait initialement la piste d'Al-Qaïda. Après l'arrivée du juge Marc Trévidic, et sous l'impulsion des parties civiles, le dossier a commencé en 2009 à explorer la thèse de représailles à l'interruption de ces commissions.

- "Sans fondement objectif" -

Cette nouvelle piste s'appuyait sur la découverte en 2008 des rapports Nautilus (du nom du sous-marin imaginé par Jules Verne), constitués de notes rédigées dès 2002 par un ancien des services de renseignement mandaté par un cadre de la branche internationnale de la DCN.

Pour la DGSI, ces rapports, qui s'appuient sur des "sources non identifiées" et une "argumentation sans fondement objectif", sont les seuls éléments évoquant un lien entre l'attentat et l'enquête sur la campagne d'Edouard Balladur.

Les enquêteurs soulignent que l'auteur des notes "lui-même reconnaît qu'il n'y avait aucune preuve d'un quelconque lien entre rétrocommissions et l'attentat, précisant qu'il s'agissait de son intime conviction".

Du côté de certaines parties au procès financier, on souligne en outre qu'au moment de l'arrêt du versement, non seulement aucune demande d'arbitrage ou contestation n'a été émise mais aussi que les intermédiaires avaient déjà perçu plus de 85% des commissions dues.

Quelle que soit la solidité des fameux rapports Nautilus, cela n'aura pas d'incidence sur le procès ouvert lundi qui porte sur des soupçons de flux financiers illégaux et auquel participent plusieurs familles de victimes. Le tribunal n'examinera la validité de leur présence comme partie civile qu'à la fin des débats, lors de son délibéré.

"J'accorde plus d'importance à l'appréciation d'un juge antiterroriste qu'à celle d'un commandant de la DGSI", rédacteur de cette dernière synthèse, a réagi auprès de l'AFP Me Olivier Morice, avocat des familles des victimes, qui privilégie l'autre thèse.

"Cette note passe sous silence toutes les faiblesses de la piste Al-Qaïda pointées par le juge Trévidic (parti en 2015, ndlr), qui avait dû faire face à l'obstruction de son service d'enquête", a-t-il ajouté.

A l'appui de la piste islamiste, la DGSI invoque au contraire "le contexte de l'après-11 septembre 2001, l'intervention militaire française contre les talibans et plus généralement les menaces contre les intérêts occidentaux à cette époque et dans cette région du monde", tout en concédant qu'"aucun élément nouveau n'a pu être recueilli sur les auteurs de cette action terroriste".

Une position qui n'engage pas le magistrat instructeur.

Partager cet article

Dans la même thématique

Karachi: pour les enquêteurs, aucun lien étayé entre attentat et financement de la campagne Balladur
3min

Politique

Jamy Gourmaud, « Je me considère comme un passeur, un trait d’union entre ceux qui savent et ceux qui ont envie de savoir »

Après plusieurs décennies à la télévision, le célèbre animateur de l’émission C’est pas sorcier a conquis les réseaux sociaux et rassemble désormais 4,5 millions de followers tout support confondu. Cette popularité s’explique par un talent singulier : rendre accessible l’inaccessible. Invitée de Rebecca Fitoussi dans Un monde, un regard, il revient sur sa soif d’apprendre et sur un métier unique en son genre.

Le

Karachi: pour les enquêteurs, aucun lien étayé entre attentat et financement de la campagne Balladur
3min

Politique

« On peut avoir de très bonnes habitudes de consommation sur internet, sans avoir à ruiner son éthique », estime cet étudiant en droit

A l’heure où les commerces de centre-ville ferment les uns après les autres, la consommation sur internet n’a jamais été aussi forte. Difficile de rivaliser lorsque certaines plateformes inondent le marché de promotions et livrent les commandes en moins de 24h. Pour Thomas Martinet, étudiant en droit à Montpellier, acheter en ligne n’est pas contradictoire avec une consommation responsable. Dans l’émission Dialogue Citoyen présentée par Quentin Calmet, il interpelle plusieurs sénateurs sur la nécessité pour les petits commerçants de s’adapter à l’ère du numérique.

Le