Kurdes au nord-est de la Syrie : « la Turquie viole le droit international », dénoncent des parlementaires

Kurdes au nord-est de la Syrie : « la Turquie viole le droit international », dénoncent des parlementaires

Une délégation parlementaire transpartisane achève un déplacement officiel en région irako-syrienne. Durant leur voyage, les élus ont documenté les agissements du président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan, qui cherche à entraver les forces kurdes vainqueures de l’Etat islamique. Alors que le dirigeant turc souhaite briguer un nouveau mandat en mai, la France peut-elle faire preuve de fermeté vis-à-vis d’Ankara ?  
Lauriane Nembrot

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« Rien n’était fait pour qu’on y aille, et pourtant, regardez, on l’a fait », lance Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne, mercredi 5 avril en salle de conférence de presse du Sénat. L’élue revient tout juste du nord-est de la Syrie, où elle a séjourné du 31 mars au 2 avril. « Pendant qu’on préparait ce voyage, le Quai d’Orsay nous a dit qu’il n’était pas en mesure d’assurer notre protection sur place. On nous a fortement déconseillé d’y aller. On nous a dit que si on partait, c’était à nos risques et péril ».

Résultat : le voyage prévu de longue date, « a été reporté trois fois », en raison notamment de profondes réticences de la part de l’État français. Mais la sénatrice communiste et ses homologues s’entêtent en vue de partir « dans une zone en guerre ». Lorsque Laurence Cohen peut enfin quitter le sol français à destination de la région irako-syrienne le 31 mars dernier, sont présents à ses côtés la députée de la Drôme Marie Pochon (EELV) et le sénateur communiste parisien Pierre Laurent.

Ce dernier évoque également les difficultés qu’ils ont eues à se rendre dans la zone. « On nous a dit que c’était très très bien d’y aller, qu’il fallait absolument développer la solidarité avec les Kurdes, mais on nous a aussi répété que les conditions pour y aller n’étaient jamais réunies. À un moment, on a tout simplement répondu aux autorités qu’on y allait », détaille Pierre Laurent. Le sénateur de Paris l’assure. « On n’est loin d’être des kamikazes, on est des gens sérieux et responsables. Évidemment, on n’allait pas partir dans n’importe quelles conditions. Nous avons respecté les recommandations du quai d’Orsay. Notre objectif, d’abord, c’était de prouver qu’il était possible d’y aller. Les forces démocratiques syriennes et les forces kurdes ont totalement assuré notre sécurité sur place ».

On ne peut pas d’un côté fêter la fin du régime et de l’autre fermer les yeux et ne plus rien faire.

Au moins 300.000 personnes déplacées

Mission réussie, donc. Mais ce déplacement avait d’autres objectifs. À commencer par la documentation des agressions perpétrées par la Turquie sous l’impulsion de Recep Tayyip Erdogan. Comme le rappellent les parlementaires français, voilà plusieurs années que le dirigeant turc multiplie les bombardements en ciblant délibérément les populations kurdes ou arabes établies dans la zone. Une véritable guerre menée par Ankara sous couvert de lutter contre les forces kurdes, que le régime turc considère comme une organisation terroriste.

En clair, pour la délégation parlementaire, « la Turquie viole le droit international ». « La Turquie commet des violations, enfreint toutes les lois internationales, tous les accords et elle est là, en toute puissance et en toute impunité », fustige Laurence Cohen. « Les combattants des forces armées syriennes ont vaincu Daesh, ont vaincu l’obscurantisme. On ne peut pas d’un côté fêter la fin du régime et de l’autre fermer les yeux et ne plus rien faire ». D’autant plus que « l’armée turque occupe illégalement des territoires frontaliers au nord-est de la Syrie et a causé le déplacement forcé de plus de 300.000 personnes », précise encore Laurence Cohen. Pour elle, toutes les populations exilées « doivent être placées sous protection internationale ».

De son côté, la députée francilienne Marie Pochon alerte sur les restrictions drastiques sur l’usage de l’eau potable imposées par Ankara dans les zones sous son contrôle. Conséquence directe de ce contrôle selon l’élue : « Les populations sont obligées de se tourner vers des points de captages d’eaux qui sont artisanaux, illégaux. Il n’y a plus aucun traitement de l’eau potable et ça représente un vrai risque sanitaire ».

Il est de l’intérêt de la France et de la sécurité régionale que la France prenne une position très ferme vis-à-vis de la Turquie.

« La France doit cesser son ambiguïté » vis-à-vis d’Ankara

De ce voyage, les membres de la délégation transpartisane entendent formuler « un certain nombre de recommandations à destination du ministère des Affaires étrangères » afin que la France puisse « cesser son ambiguïté » vis-à-vis d’Ankara. Par « ambiguïté », les parlementaires s’attaquent précisément au manque de condamnation ferme formulée par la France au sujet des frappes aériennes menées par la Turquie en Syrie.

« La question est de savoir si la France peut continuer ou pas à ménager la Turquie dans sa gestion de la région. Il est de l’intérêt de la France et de la sécurité régionale que la France prenne une position très ferme vis-à-vis de la Turquie », indique Pierre Laurent. Le sénateur alerte. « Si nous laissons faire le régime d’Erdogan, c’est toute la sécurité régionale qui sera mise en cause » et souhaite que la France renforce son soutien logistique et financier apporté aux forces démocratiques syriennes.

Mais le calendrier politique local peut-il permettre à leurs doléances d’aboutir ? Alors que le premier tour de l’élection présidentielle en Turquie doit se tenir le 14 mai prochain, les parlementaires assurent « prêter attention à la tenue du scrutin ». « On doit être présents durant cette période et tout au long du calendrier politique en Turquie. On va multiplier les initiatives pour porter dans l’actualité ces sujets », assure Laurence Cohen. « Si Erdogan venait à être affaibli à l’issue de ces élections voire être battu, ça nous ouvrirait peut-être de nouvelles perspectives », soulève encore Pierre Laurent.

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