L’accès au droit et à la Justice doit être amélioré en Outre-mer

L’accès au droit et à la Justice doit être amélioré en Outre-mer

L'accès au droit et à la justice fait face à de nombreux "dysfonctionnements" dans les Outre-mer, notamment en Guyane et à...
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Par Cécile AZZARO

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L'accès au droit et à la justice fait face à de nombreux "dysfonctionnements" dans les Outre-mer, notamment en Guyane et à Mayotte, dénonce la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), qui préconise de réfléchir à une réorganisation du service judiciaire sur ces territoires.

Dans un avis adopté jeudi, la CNCDH s'est penchée sur les nombreux dysfonctionnements et obstacles qui empêchent les ultramarins d'avoir connaissance de leurs droits et freinent leur recours à un juge.

"L'accès au droit et à la Justice mérite d'être amélioré sur tout le territoire français", insiste la présidente de la CNCDH, Christine Lazerges, "mais les difficultés sont accrues en Outre-mer, et particulièrement en Guyane et à Mayotte".

La CNCDH demande notamment que soit repensé "le découpage des juridictions judiciaires (...) en Guyane et à Mayotte, en veillant (...) à leur octroyer davantage de moyens financiers", et que soit envisagée "la mise en place d'un système de défense publique, avec un corps de défenseurs fonctionnaires".

Cette réorganisation "doit prendre en compte les spécificités de ces territoires (croissance démographique importante)", ajoute la CNCDH, qui souhaite aussi "une réflexion sur le système de mutation des magistrats".

En Guyane, "l'inégalité de l'accès au droit et aux services publics n'est plus à démontrer", note le rapport, qui pointe l'étendue du territoire, l’importance de l'immigration, les indicateurs socio-économiques très faibles, mais aussi les "carences de l’état civil", principalement pour les populations de l'Ouest, privées "de toute existence juridique".

Des difficultés aggravées par "un maillage territorial disparate des services publics" et des moyens de communications déficients (peu de routes, pas de transports en commun, faibles réseaux internet et téléphonique, réseau électrique limité et défaillant…).

A Mayotte, "de nombreuses personnes" ne disposent pas encore d'un état civil républicain et "ne peuvent accomplir de démarches administratives", sur un territoire marqué par des indicateurs socio-économiques très faibles, une éducation défaillante, une forte immigration, et des services publics "déficients".

De plus, avec la départementalisation en 2011, le passage "rapide et brutal" d'une justice coutumière de droit musulman à un statut de droit civil commun, n'a pas assez été expliqué à la population, et la barrière de la langue constitue aussi "un frein important ". 40% de la population mahoraise ne parlent pas le français.

- "Initiatives originales"-

La CNCDH note que dans ces territoires, les structures d'accès au droit (conseil départemental d’accès au droit...) sont "inexistantes, défaillantes ou éloignées géographiquement", les associations sous-financées et peu coordonnées et les professionnels du droit (avocats, notaires, huissiers…) "difficilement accessibles", car peu nombreux et surtout concentrés dans les chefs-lieux.

Le rapport salue cependant des "initiatives originales", comme le diplôme universitaire dit "Valeurs de la République et religions" à Mayotte, pour "apprendre l’articulation entre droit musulman anciennement applicable et droit commun", les "pirogues du droit" en Guyane, qui offrent une consultation juridique aux populations isolées ou le "Justibus" en Martinique, une permanence juridique itinérante.

La commission recommande aussi de développer des "canaux de diffusion d’information non écrite", à la radio ou à la télé, à l'instar de Radio Free Dom, "un relais indispensable de l'accès au droit et à la justice" à La Réunion.

Face à l'éloignement des juridictions inégalement réparties, la CNCDH suggère de renforcer les "chambres détachées" des TGI et les "audiences foraines", comme en Nouvelle-Calédonie, Polynésie et Guyane. Mais les coûts de déplacement et d'hébergement des magistrats ne sont pris en charge que partiellement, regrette-t-elle.

La domiciliation problématique en Guyane (logements sauvages, homonymie, forte mobilité, etc.) et à Mayotte (cadastre "défaillant", nombreux bidonvilles) entraîne également des difficultés pour délivrer les convocations aux justiciables et "un fort taux d’absence à l’audience", note la CNCDH, qui préconise de réfléchir à "la possibilité d'utiliser le SMS pour contacter les justiciables".

L'aide juridictionnelle est également freinée, notamment parce que "les réalités géographiques des Outre-mer sont insuffisamment prises en compte", insiste Mme Lazerges. Par exemple, un avocat de Cayenne se rendant à la chambre détachée de Saint-Laurent-du-Maroni doit effectuer un aller-retour de plus de 500 km, les frais de transport, de repas et d’hébergement demeurant à sa charge.

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