On n’a probablement jamais autant entendu le mot « territoires » qu’en cette rentrée 2019. La droite et le centre, bien ancrés localement, veulent en faire un avant-poste de leur refondation. Et la République en marche (LREM), rêve de s’y implanter et d’y trouver les relais nécessaires pour la deuxième partie du quinquennat. Le jeune mouvement présidentiel, lancé en 2016, pour sa première université d’été baptisée « le campus des territoires », se fixe un double objectif : remporter le plus de mairies possible à l’occasion des élections municipales du mois de mars, et ajuster en parallèle son mode de fonctionnement sur le terrain et au niveau national.
Dans l’intérieur un peu austère du parc des expositions de Bordeaux, c’est autour d’un espace nommé « place du village » que s’organisent les ateliers thématiques et que gravitent les espaces de chaque région. Plusieurs centaines de marcheurs arpentent le campus. Face à des stands qui proposent des produits du terroir, le gouvernement enchaîne les prises de paroles et les séances de questions-réponses avec les militants : sur l’éducation, la sécurité ou encore les sujets de société.
« Il faut qu’on se forme les uns les autres »
Le besoin de proximité est répété comme un refrain dans ce qui ressemble à un séminaire de formation. « Si on veut que les gens qui représentent la République en marche soient au bon niveau, il faut qu’on se forme les uns les autres. C’est pour cela que pendant deux jours, il y aura des ateliers intégralement dédiés à cette action de proximité », explique Mounir Mahjoubi, l’ancien secrétaire d’État chargé du numérique.
Mahjoubi : "Il faut que l'on se forme les uns les autres."
Images : Quentin Calmet et Cécile Sixou
Après des mois d’une crise sociale qu’il n’avait pas anticipée, le mouvement entend désormais tendre davantage l’oreille vers le local. « C’est très important pour un mouvement comme En Marche d’exister sur l’ensemble du territoire. C’est le cas, mais il faut se structurer davantage. Écouter beaucoup, car il y a beaucoup d’idées qui viennent du terrain », reconnaît le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. « Les territoires pour nous c’est le grand enjeu aujourd’hui du mouvement de la République en marche », appuie Julien Denormandie, le ministre chargé de la Ville et du Logement (vidéo de tête). Ce marcheur historique va même jusqu’à parler « d’acte II du mouvement ».
Blanquer : "C'est très important pour 'En Marche' d'exister sur tout le territoire"
Images : Quentin Calmet et Cécile Sixou
Régulièrement critiquée pour sa démarche trop verticale, la République en marche promet de s’adapter. Ce samedi matin, à l’ouverture du Conseil national, son délégué général Stanislas Guerini promet « plus de décentralisation » mais aussi « plus de démocratie interne », avec la refonte des statuts qui s’annonce. « Donnons plus de pouvoir et de représentativité à nos territoires », lance le député de Paris.
Cette lecture est aussi partagée par François de Rugy, l’ancien numéro 2 du gouvernement, redevenu simple député. « Il y a aussi la volonté, en effet, que les choses soient un peu plus décentralisées. Quand le mouvement a été créé, il n'avait pas d'assises locales, beaucoup de choses se décidaient à Paris. Aujourd'hui tout le monde convient que le mouvement En Marche peut s’organiser à l’échelle locale», considère l’ancien ministre de la Transition écologique.
De Rugy : "Il y a la volonté que les choses soient un peu plus décentralisées."
Images : Quentin Calmet et Cécile Sixou
Les motions, « pas de ça chez nous »
Le projet de nouveaux statuts sera soumis au vote au mois d’octobre. Plusieurs pistes se dessinent. Les comités locaux seraient animés par un binôme paritaire. A l’échelle départementale, des conseils territoriaux, réunissant les militants, les élus locaux et les parlementaires, devraient voir le jour. « Il manquait un échelon », reconnaît Christophe Najem, le référent de la République en marche de la Dordogne.
En revanche, l’idée soulevée par certains marcheurs, comme le député Aurélien Taché, d’instaurer des scrutins de listes pour la composition des comités politiques ne recueille pas du tout l’assentiment des cadres du mouvement. « Pas de ça chez nous ! » Stanislas Guerini oppose une fin de non-recevoir à un parti qui serait rythmé par des motions et des courants. « On ne veut pas tomber dans les travers des anciens partis », justifie un collaborateur du groupe LREM au Sénat.
Dans ce remue-méninges tous azimuts, certains militants profitent aussi de la tribune bordelaise pour porter leurs revendications. « Il faut revenir aux valeurs originales du mouvement, pour qu’il n’y ait plus de dérives », plaide Steve Boumbou-Liotta, un adhérent de Seine-et-Marne membre du collectif des Marcheurs libres. Ce collectif, qui dénonce une forme d’autoritarisme dans le parti, a réussi à obtenir un espace sur le campus. « Il faut faire autrement. Le mouvement a été remplacé par une machine. Certains avancent par intérêt personnel et l’horizontalité a quasiment disparu », s’offusque-t-il. Les annonces de la matinée vont « dans le sens de ses demandes », mais il se demande encore si les discours seront suivis d’actes.
Si la question des nouveaux statuts risque de faire des déçus, un autre défi s’annonce tout aussi périlleux pour le mouvement : la question des investitures aux municipales et des relations avec les formations politiques alliées voire Macron-compatibles. D’ici le mois de mars, la conquête des territoires est encore un parcours semé d’embûches.