L’annulation de la taxe sur les dividendes vire au règlement de comptes
"Scandale d'Etat", "amateurisme juridique", "opération diversion"... L'invalidation de la taxe sur les dividendes a viré mardi au règlement de...
Par Valentin BONTEMPS
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"Scandale d'Etat", "amateurisme juridique", "opération diversion"... L'invalidation de la taxe sur les dividendes a viré mardi au règlement de comptes politique entre l'ancienne majorité et le gouvernement, qui s'est donné "une semaine" pour régler ce contentieux à dix milliards d'euros.
Comment cette taxe, instaurée en 2012 lors du premier budget du quinquennat Hollande, a-t-elle été élaborée? Qui a validé sa mise en oeuvre? Pourquoi n'a-t-elle pas été supprimée, alors que les doutes sur sa légalité s'étaient multipliés dès 2015?
"La France savait qu'elle allait être condamnée. Or est-ce que dans le budget 2016, et dans le budget 2017 on a prévu le remboursement de ces sommes? Non, rien", a dénoncé sur la chaîne Public Sénat le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.
"C'est quand même dix milliards", a poursuivi l'ancien député PS, évoquant une "double faute" du gouvernement sortant: "la faute juridique" et celle de "ne pas avoir depuis provisionné cette somme".
"On ne peut pas dire aux Français: +voilà, il y a dix milliards qui ont été taxés de manière illégitime, on s'est plantés+", et ne pas regarder "qui est responsable" de cet échec, a abondé sur Europe 1 le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, évoquant une nouvelle fois un "scandale d'Etat".
"Il faut faire toute la transparence", a insisté quelques heures plus tard le ministre, en confirmant à l'Assemblée nationale avoir saisi l'Inspection générale des finances (IGF) pour établir les responsabilités dans cette affaire. L'IGF "me rendra son rapport le 10 novembre", a-t-il précisé.
La taxe sur les dividendes, reposant sur une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés (IS) au titre des dividendes versés aux actionnaires, a été invalidée le 6 octobre par le Conseil constitutionnel, qui a jugé que cette taxe induisait une "rupture d'égalité" devant l'impôt.
Le dispositif avait été critiqué dès sa mise en oeuvre par les entreprises concernées - pour l'essentiel de très grands groupes - qui avaient promis une série de recours juridiques. Une mise en demeure avait en outre été prononcée par la Commission européenne, dès l'année 2015.
- "analyses approfondies" -
Dans un billet posté sur son blog, l'ancien secrétaire d'Etat au budget Christian Eckert s'est toutefois défendu de tout "amateurisme juridique", assurant que la décision du Conseil constitutionnel reposait sur une jurisprudence datant de "fin 2016" et était donc "inenvisageable en 2012".
L'ancien secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert se défend de tout "amateurisme juridique". Photo prise le 24 mars 2017
AFP/Archives
Les risques avaient fait l'objet d'"analyses juridiques approfondies", et "toutes les analyses concluaient à la conformité au droit communautaire", a assuré l'ancien élu... en rappelant que le secrétaire général adjoint de l'Élysée en charge de l'économie et de la fiscalité, à l'époque des faits, s'appelait Emmanuel Macron.
"Nous attendons les conclusions" du rapport de l'IGF "de façon parfaitement sereine", a pour sa part affirmé lors d'un point presse le porte-parole du groupe Nouvelle gauche à l'Assemblée, Boris Vallaud, lui aussi secrétaire général adjoint de l'Elysée durant le dernier quinquennat.
Sur RTL, l'ancien ministre des Finances Michel Sapin, proche de François Hollande, a ironisé sur les propos de son successeur, accusant le gouvernement de se livrer à une "opération diversion", en pleine polémique sur la réforme de l'impôt sur la fortune.
La taxe sur les dividendes "répondait à une annulation d'une taxe précédente, qui avait été créée en 2009. Le président de la République s'appelait Nicolas Sarkozy, et vous savez comment s'appelait le ministre de l'Europe à l'époque? Bruno Le Maire. Donc il doit bien connaître ce type de contentieux", a-t-il lâché.
Cette passe d'armes intervient alors que le gouvernement dit réfléchir à une une "contribution exceptionnelle" pour les entreprises réalisant plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires, avec un niveau d'imposition potentiellement plus élevé au-delà d'un seuil de cinq milliards d'euros.
"Il faut que d'ici une semaine nous ayons trouvé la solution, que nous l'ayons présentée aux entrepreneurs et qu'ils l'aient acceptée", a déclaré M. Le Maire, rappelant que l'Etat -- qui a provisionné 5,7 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat -- prendrait "une partie du contentieux" à sa charge.
Le gouvernement a promis d'inscrire cette "contribution exceptionnelle" dans son projet de loi de finances rectificative (PLFR), qu'il présentera à la mi-novembre.
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