L’Assemblée Constituante voulue par Jean-Luc Mélenchon est-elle possible ?

L’Assemblée Constituante voulue par Jean-Luc Mélenchon est-elle possible ?

 La convocation d’une assemblée constituante, point phare du projet de Jean-Luc Mélenchon fait débat parmi les constitutionnalistes. S’il est élu Président,  il devra convaincre et rassembler une large majorité des citoyens pour parvenir à une 6e République.
Public Sénat

Par Yann Quercia @YannQuerciaa

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

 La convocation d’une assemblée constituante, point phare du projet de Jean-Luc Mélenchon fait débat parmi les constitutionnalistes. S’il est élu Président,  il devra convaincre et rassembler une large majorité des citoyens pour parvenir à une 6e République.

 

A 10 jours du premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est porté par une dynamique très favorable dans les sondages. Point essentiel de son programme,  le candidat de la France Insoumise souhaite passer à une 6e République par la convocation d’une assemblée constituante. Comment souhaite t-il s’y prendre ? Sur son site il est expliqué« Convoquer un référendum (article 11 de la Constitution) pour engager le processus constituant (modalités de la composition de l'Assemblée constituante — mode de scrutin, parité, tirage au sort et incompatibilités ; modalités de la délibération ; association des citoyens aux travaux…) ». En effet il entend s’appuyer sur l’article 11 pour organiser un référendum dans la foulée de son élection.

1.png

 

Cet article permet au président de la République de soumettre un projet de loi directement à l'ensemble des électeurs à partir du moment où le texte proposé porte obligatoirement sur l'organisation des pouvoirs publics, les réformes de politique économique, sociale ou environnementale ou sur la ratification des traités.

La modification de la constitution ou la création d’une nouvelle constitution nécessite l’utilisation de l’article 89.Il faut alors une majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat pour faire adopter son projet. Cette condition semble peu probable et c’est pourquoi Jean-Luc Mélenchon souhaite recourir au referendum et donc à l’article 11.

 « Ce que veut faire Jean-Luc Mélenchon est un coup d’Etat »

Pour Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste, professeur de droit public à l'Université Lille 2 , « pour convoquer une constituante, et confier une compétence constitutionnelle,  il faut un cadre réglementaire. Ce cadre réglementaire n’est possible que par une loi constitutionnelle qui serait adoptée par l’article 89. La procédure de révision constitutionnelle pourrait ne pas aboutir car il faut un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. »

Le recours à l’article 11 est possible mais « serait  dans tous les cas bloqués par le Conseil constitutionnel qui pourrait s’y opposer en contrôlant le décret de convocation des électeurs. Néanmoins, Jean-Luc Mélenchon élu et disposant d’une majorité à l’Assemblée nationale confierait aux députés le soin d’adopter une révision constitutionnelle. Même si le Sénat s’oppose au projet, en considérant que c’est une institution mineure, il pourrait alors définitivement valider sa démarche par référendum. »

Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à Paris 1 Panthéon Sorbonne, le répète : « l’article 11 ne permet pas de réviser la constitution ou de convoquer une constituante. » Il ajoute « ce que veut faire Jean-Luc Mélenchon est un coup d’Etat. »

 Il explique ensuite comment le candidat de la France insoumise pourrait entamer cette démarche de nouvelle constitution avec la « création d’une commission de citoyens tirés au sort, de parlementaires, syndicalistes ou juristes. Cette commission pourrait organiser un débat public pendant un an et faire des propositions pour revoir plusieurs articles de la Constitution via une loi permettant une révision. »

Enfin il conclut en rappelant que « la Constitution est une garantie pour le peuple que les élus n’abusent pas de leur pouvoir. »

Dominique Rousseau : "ce que veux faire Jean-Luc Mélenchon est un coup d'Etat."
02:54

 

« Utiliser l’article 11 pour créer une Constituante, ce n’est pas dramatique »

Dans un article du Monde du 13 avril, Marie-Anne Cohendet, professeur de droit à Paris 1 ne s’oppose pas juridiquement à l’utilisation de l’article voulue par Jean-Luc Mélenchon : « C’est la procédure la plus démocratique qui soit pour adopter une Constitution. Utiliser l’article 11 est une violation de la Constitution mais peut-on s’en passer ? Non. Est-ce dramatique ? Oui si c’est pour mettre  en place un régime autoritaire. Non, si c’est pour mettre en place une Constituante.»

Pour répondre aux critiques des constitutionnalistes, Charlotte Girard, maitresse de conférences en droit constitutionnel à Paris X, auteur de cette partie du programme de La France insoumise, avance deux arguments: « C’est un projet de loi référendaire qui a pour but de créer un nouveau corps mais pas une constitution. La question posée sera : êtes-vous pour la convocation d’une constituante ? La question sera accompagnée des modalités de création de la constituante. De plus l’article 11 permet de proposer  un projet de loi portant entre autre sur l’organisation des pouvoirs publics. »

Ce projet de loi référendaire n’appelle donc pas à une modification ou à la création d’une nouvelle constitution. C’est donc sur cette subtilité que  Jean-Luc Mélenchon  entend entamer son projet de création de nouvelle Constitution. Une fois le referendum approuvé,  la constituante entamera la rédaction de la Constitution.

Deuxième argument : « Depuis 1962, le Conseil Constitutionnel s’est déclaré incompétent pour un contrôle en matière de loi référendaire. Il n’examine pas le fond de la loi.» Jean-Luc Mélenchon prévoit deux ans au maximum pour créer cette constitution. « Au bout de ces deux ans, la Constitution sera soumise au peuple par referendum. »

C’est à ce moment que le Conseil Constitutionnel pourrait s’opposer au projet de nouvelle constitution. En effet, nous nous retrouverions face aux mêmes arguments avancés par les constitutionnalistes. Il serait à ce moment difficile de ne pas entrer dans un rapport de force. A la question posée : irez-vous jusqu’au bout du processus ? Charlotte Girard répond oui. Elle ajoute : « Est-ce que neuf personnes issues de l’Ancien Régime peuvent s’opposer à la volonté d’une majorité du peuple ? Je ne crois pas. »

Dans la même thématique

L’Assemblée Constituante voulue par Jean-Luc Mélenchon est-elle possible ?
3min

Politique

Revalorisation du barème de l’impôt : « On peut imaginer plusieurs scenarii », selon Claude Raynal

Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.

Le

Paris: Emmanuel Macron Receives President Of Guinea-Bissau Umaro Sissoco Embalo
4min

Politique

« Réguler les égos » : comment Emmanuel Macron conçoit son rôle dans son camp

Au moment où le chef de l’Etat s’apprête à nommer un nouveau premier ministre, Emmanuel Macron a reçu ce mercredi à déjeuner les sénateurs Renaissance, à l’Elysée. Une rencontre prévue de longue date. L’occasion d’évoquer les collectivités, mais aussi les « 30 mois à venir » et les appétits pour 2027…

Le

L’Assemblée Constituante voulue par Jean-Luc Mélenchon est-elle possible ?
4min

Politique

Gouvernement : « On ne peut pas simplement trépigner et attendre que le Président veuille démissionner », tacle Olivier Faure

Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, réclame un Premier ministre de gauche, alors que LFI refuse de se mettre autour de la table pour travailler sur la mise en place d’un gouvernement, préférant pousser pour une démission du chef de l’Etat. Ce mercredi, députés et sénateurs PS se sont réunis alors que le nom du nouveau chef de gouvernement pourrait tomber d’un instant à l’autre.

Le