« L’équipe de France de l’écologie » : EELV se range derrière Jadot pour jouer le jeu de la Vè République

« L’équipe de France de l’écologie » : EELV se range derrière Jadot pour jouer le jeu de la Vè République

EELV tenait ses journées parlementaires ce jeudi et ce vendredi à Lyon. L’occasion pour le parti qui sort juste de la primaire de « construire l’équipe de France de l’écologie. » La métaphore footballistique n’a rien d’un hasard. Elle témoigne de la volonté des Verts de réconcilier une tradition parlementaire et participative avec la Vè République et l’élection présidentielle, tout en affichant l’unité d’une famille politique qui a montré sa diversité pendant la primaire. Et de la diversité à la désunion, il n’y a qu’un pas.
Louis Mollier-Sabet

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Entre la « remontada » d’Arnaud Montebourg« l’équipe de France des maires » d’Anne Hidalgo et maintenant « l’équipe de France de l’écologie », la métaphore footballistique a le vent en poupe en ce début de campagne présidentielle. On peut assez facilement comprendre la référence à un sport populaire et mobilisateur dans le cadre d’une campagne électorale, surtout après une victoire comme celle « d’hier soir », glisse Yannick Jadot, qui y voit la preuve qu’une telle équipe peut « gagner quand elle se retrousse les manches. » Mais à entendre le mot d’ordre tourner dans les bouches des anciens candidats de la primaire, des parlementaires et des élus locaux présents à ces journées parlementaires, on est en droit de se demander s’il ne faut pas y voir une signification plus profonde qu’une simple envie de capitaliser sur une énième victoire – aussi jouissive soit-elle – face à la Belgique.

« Elle a de la gueule cette équipe ! »

Dès l’entrée au Centre des congrès à Lyon, on sent bien que le but est de faire une belle photo de famille. La conférence de presse est prévue à 10h, et Yannick Jadot invite les journalistes à se rapprocher : « On est entre nous, on va faire ça à côté de la scène, dans un bel arc de cercle, on est une équipe. » Ça, on l’aura compris, mais le candidat d’EELV à la présidentielle tient à s’afficher avec les parlementaires présents et surtout avec ses anciens adversaires de la primaire. « Elle a de la gueule cette équipe ! » lâche-t-il une dernière fois pour être sûr.

Grégory Doucet, hôte du jour 10 ans après la création d’EELV dans le même Centre des congrès à Lyon, accueille tous ses camarades écologistes avec le même refrain : il va falloir « jouer collectif » et « mouiller le maillot. » Si Europe écologie – Les Verts tient autant à son élément de langage, c’est parce que l’élection présidentielle, véritable plébiscite républicain, lui a toujours posé problème à la famille politique écologiste française. Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône, le dit lui-même, l’écologie française a longtemps eu du mal avec « la tête qui dépasse du collectif. » Dans un mouvement qui valorise historiquement la participation citoyenne, le parlementarisme et la délibération interne, il est vrai que l’élection d’un monarque présidentiel façon Vè République n’est pas la plus favorable.

« Culture de la gagne »

Qu’à cela ne tienne, depuis René Dumont, candidat malheureux en 1969, et les échecs plus récents de Dominique Voynet et Eva Joly, l’écologie politique française a fait ses armes. Pour Thomas Dossus, c’est Éric Piolle qui a insufflé cette « culture de la gagne » dans la famille écologiste, en faisant notamment accepter aux écolos que « la tête qui dépasse du collectif » pouvait finalement le servir. De son succès à la mairie de Grenoble en 2014 en ont découlé d’autres, avec la vague verte des dernières municipales de 2020 dans les grandes métropoles et sa réplique aux sénatoriales quelques mois plus tard, qui ont mis Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère proche d’Éric Piolle, à la tête d’un groupe écologiste au Sénat.

La boucle est bouclée et les sénateurs l’affirment : l’écologie politique est prête à gouverner. Sophie-Taillé Polian, sénatrice Génération. s, voit précisément dans les prochains examens des budgets de l’Etat et de la Sécu une occasion de « concrétiser techniquement les enjeux politiques de la campagne. » Les écologistes ne renient pas leurs racines politiques et Delphine Batho rappelle bien que la candidature écologiste devra répondre à « une aspiration citoyenne au changement » face à « l’épuisement de l’hyperprésidence jupitérienne et patriarcale. » Mais pour y mettre fin, il va falloir jouer le jeu des institutions existantes, et donc faire campagne derrière un seul homme : Yannick Jadot.

« En politique, je préfère l’union libre que le mariage »

La métaphore du sport collectif a donc vocation à réconcilier une culture participative et collective de l’écologie politique et la nécessité de « présidentialiser » leur candidat dans les institutions de la Vè République. Pour jouer le jeu et mettre en pratique ce mantra collectif, Yannick Jadot n’hésite pas, à plusieurs reprises, à se retourner vers Éric Piolle, David Cormand ou Matthieu Orphelin pour leur demander un chiffre, un détail ou une précision. « Combien il y a d’électeurs en France ? » demande-t-il ainsi à « Éric », qui « doit le savoir. » Face à une journaliste qui lui fait remarquer que c’est une lacune inquiétante pour un candidat à l’élection présidentielle, l’eurodéputé assume : « Je n’ai aucun problème avec ça, j’aurai besoin d’Éric, de Delphine, et de Sandrine pour gagner. »

Nous y sommes enfin. Cette « équipe de France de l’écologie » est aussi une façon pour EELV de maintenir un front uni après une primaire qui a vu quatre blocs émerger au 1er tour et Yannick Jadot s’imposer avec 2000 voix d’avance au 2nd. Sandrine Rousseau ne s’y trompe pas et voit dans cette « équipe de France de l’écologie », une occasion de « renouveler les pratiques sportives et politiques ». « Cette équipe de France devra être mixte », assure-t-elle en filant la métaphore. Au sein de cette « équipe » Sandrine Rousseau entend en effet « pousser vers la victoire en incarnant quelque chose de différent et en continuant à porter [ses] idées. »

L’avantage avec la métaphore de l’équipe, c’est donc que chacun y met ce qu’il veut. Le problème, c’est qu’elle ne tiendra peut-être pas très longtemps. Grégory Doucet s’est par exemple risqué à une autre métaphore plus poussée pour ces journées parlementaires. Il s’est ému de célébrer un « mariage », dont on devine facilement qui il est censé unir. « Toute la famille est là », se félicite l’édile lyonnais. Mais Yannick Jadot sait bien que le mariage, ce n’est pas pour tout de suite : « En politique, je préfère l’union libre au mariage », précise le candidat à la présidentielle. Le groupe vit bien.

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