L’ancien chantre de la démondialisation, aujourd’hui reconverti dans la promotion de l’apiculture française, ne mâche pas ses mots, devant les sénateurs de la commission des Affaires économiques. Il leur a tenu le même discours qu’aux syndicats d’Alstom, sonnés par la décision de l’américain General Electric de supprimer plus de 1 000 postes, notamment à Belfort. Quatre ans après avoir mis la main sur la branche énergie de l’entreprise française. « C’est une humiliation nationale. Elle mérite une réparation. Et que des mesures soient prises pour rétablir nos intérêts », a tonné l’ancien ministre du Redressement productif (mai 2012-août 2014).
Arnaud Montebourg est convaincu que « cette erreur majeure » – qu’il impute aux choix de François Hollande, des conseillers de l’Élysée, mais aussi de son successeur au gouvernement, Emmanuel Macron – peut être corrigée. À condition que l’État saisisse la Cour d’appel de Paris. Il a expliqué :
« Le retour en l’état antérieur, c’est aujourd’hui juridiquement – si vous me permettez l’expression – ce qu’il conviendrait d’obtenir, car il n’y a pas respect d’un accord. Il y a eu des manœuvres dolosives. Nous le savons, à cause du témoignage de Monsieur Pierucci [un ex-cadre d’Alstrom, NDLR] qui a été instrumentalisé par le Department of Justice, pour faire pression sur le board d’Alstom, et qu’il vende dans des conditions inacceptables, à toute vitesse, dans le dos de son gouvernement, la branche énergie d’Alstom. En droit français, une vente qui a été réalisée par une violation du consentement, peut être annulée à la demande d’une des parties. »
« Pour moi, ce sont des abandons. Et qui ont été décidés »
Malgré le sentiment d’avoir été placé « dos au mur », ne pouvant s’opposer aux décisions prises au sommet de l’État, Arnaud Montebourg a esquissé un regret, celui de ne pas avoir été « plus dur » dans la négociation. « J’aurais dû mettre la clause de retour en l’état antérieur si les accords n’étaient pas respectés […] mais je n’avais pas les coudées franches pour avoir beaucoup plus loin. »
Au cours de son audition, l’ancien ministre a accablé son ancien président de la République, ainsi que le cabinet de ce dernier. « Je rappelle que le président Sarkozy a nationalisé Alstom. Je l’ai rappelé au président Hollande : peut-il faire moins que le président Sarkozy ? C’est comme ça que j’ai arraché l’arbitrage face aux conseillers de l’époque du président Hollande qui disait : on n’est quand même pas au Venezuela que je sache. La présidence Sarkozy ne ressemblait pas à celle du Venezuela. Voilà l’état d’esprit auquel nous avons à faire face, s’agissant des grands dirigeants de ce pays ! »
Emmanuel Macron, en sa qualité de secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République française puis de ministre de l’Économie, en a également pris pour son grade. Pour Arnaud Montebourg, sa « responsabilité politique » lui impose de rendre des comptes dans ce dossier. « Pour moi, ce sont des abandons. Et qui ont été décidés. Il était parfaitement possible pour le ministre de l’Économie, sur la base de mon décret, de dire que cette vente n’aura pas lieu […] Le décret du 14 mai 2014 n’a pas été utilisé. »
« Nous avons les moyens de bloquer ces pertes de contrôle »
L’ancien ministre du Redressement productif fait ici référence au décret imposant aux investisseurs étrangers d’obtenir l’accord préalable du gouvernement avant toute prise de contrôle dans une entreprise française du secteur de l’énergie, des transports, des télécoms, de l’eau ou encore de la santé.
« Nous avons les moyens de bloquer ces pertes de contrôle », a répété Arnaud Montebourg, face aux inquiétudes des sénateurs sur les cessions d’entreprises, et leurs conséquences en termes d’emplois dans leurs départements. « Est-ce que les lois sont suffisantes ? Pour moi oui. Vous avez tout l’arsenal. Il manque juste des gens pour les appliquer. D’où l’action du parlement qui doit être plus agressive, plus offensive dans son contrôle. »
Aujourd’hui, il considère qu’il faut « chercher à contrôler nos instruments de production ». « On n’échappera pas à cette reprise en main, face à des multinationales qui se fichent des États et des gens », a-t-il assuré, avant de proposer son concours, « bénévolement », pour aider d’autres investisseurs à reprendre le contrôle des trois pôles de la branche énergie d’Alstom (nucléaire, renouvelable et réseau). « Aujourd’hui, nous pouvons parfaitement racheter, dans la déconfiture générale de General Electric, des morceaux de ce qui a été pris dans l’affaire de la vente de la branche énergie d’Alstom. Pourquoi nous ne pourrions pas racheter la branche nucléaire ? C’est une question de souveraineté, c’est une unité de production rentable. »