L’état d’urgence, un bilan opérationnel en demi-teinte

L’état d’urgence, un bilan opérationnel en demi-teinte

Régime d'exception offrant des moyens inédits contre le terrorisme ou simple arme de communication politique destinée à rassurer...
Public Sénat

Par Gregory DANEL

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Régime d'exception offrant des moyens inédits contre le terrorisme ou simple arme de communication politique destinée à rassurer l'opinion publique? Différents acteurs de l'état d'urgence dressent un bilan "contrasté" de son efficacité, 20 mois après sa mise en oeuvre au soir des attentats de novembre 2015.

"L'état d'urgence, c'est de l'orpaillage, il faut brasser beaucoup de boue avant de trouver quelques pépites", résume un haut-fonctionnaire, sous couvert d'anonymat.

"Il a mis à mal des soutiens logistiques éventuels de l'action terroriste", avance Dominique Raimbourg, ex-président de la commission des lois à l'Assemblée nationale et rapporteur de la mission de contrôle parlementaire de l'état d'urgence.

Si l'ex-député PS salue l'inédite coordination entre les différents services de l'Etat lors des réunions organisées sous l'égide des préfets de département, il estime que l'état d'urgence présente "un bilan contrasté".

Vilipendé par les défenseurs des libertés publiques, ce régime d'exception prévu par une loi de 1955, doit, selon toute vraisemblance, être prorogé pour la sixième et ultime fois par le Parlement cette semaine.

Depuis son instauration, la France n'a cependant pas échappé à de nouveaux attentats, ce qui n'a pas manqué de soulever des questions sur son efficacité dans la lutte contre le terrorisme.

"Il a permis de fermer des portes rapidement dans un contexte de suractivité des services de police", défend une source ministérielle.

"Ça a été surtout efficace au début", nuance Christophe Rouget, porte-parole du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT). "L'état d'urgence, aujourd'hui, est d'abord une mesure politique destinée à la population."

- Perquisitions administratives en baisse -

"Après les attentats, il y a eu beaucoup de perquisitions mais depuis plusieurs mois, le nombre de mesures administratives liées à l'état d'urgence s'est réduit à la portion congrue", constate un magistrat en poste dans une importante juridiction.

Fermeture de sites ou de lieux de réunion, instauration de zones de protection et de sécurité, interdiction de séjour ou d'accès ou assignations à résidence, passées par exemple de 400 à 68 cas, ces mesures administratives ont connu une franche décrue au fil des mois, entre novembre 2015 et juin 2017, selon des chiffres publiés sur le site de l'Assemblée nationale.

Mesure emblématique de l'état d'urgence, le nombre de perquisitions administratives est passé de 3.591 entre le 14 novembre 2015 et le 25 mai 2016, à 591 entre le 21 juillet et le 21 décembre 2016, puis 141 entre le 22 décembre 2016 et le 15 juin dernier.

"Ça devient très très épisodique, à la limite, c'est presque devenu un non-sujet. Il n'y aurait pas d'état d'urgence, ça serait pareil", lâche le magistrat.

"L'état d'urgence a permis de prendre des mesures larges qui ont eu pour avantage de déstabiliser toute cette faction un peu grise entre délinquance et terrorisme", commente le haut-fonctionnaire. "Mais la vraie efficacité est discrète", complète-t-il.

En marge de la présentation du nouveau projet de loi antiterroriste, présenté par le gouvernement comme la condition sine qua non à une sortie de l'état d'urgence, la place Beauvau a mis en lumière quelques procédures administratives qui, selon elle, ont permis d'éviter un attentat.

Le cas le plus médiatique fut la perquisition administrative visant en décembre 2016 le domicile de Mahiedine Merabet, qui avec son complice Clément Baur, fut arrêté en avril à Marseille, tous les deux soupçonnés d'avoir planifié un attentat, à quelques jours de l'élection présidentielle.

Selon l'Intérieur, la section antiterroriste du parquet de Paris avait ouvert fin juin 30 procédures judiciaires, des chefs d'association de malfaiteurs avec une entreprise terroriste ou d'entreprise individuelle terroriste, à la suite d'une perquisition administrative, "que cette mesure ait ou non permis à elle seule de justifier l'ouverture de la procédure".

Avant les attentats du 13 novembre 2015 où 130 personnes ont trouvé la mort dans une série d'attaques jihadistes à Saint-Denis et Paris, l'état d'urgence n'avait été activé qu'à cinq reprises: trois fois pendant la Guerre d'Algérie (1955, 1958, 1961), en 1984 en Nouvelle-Calédonie, puis en novembre 2005 dans 25 départements, pour mettre fin aux émeutes dans les banlieues.

Dans la même thématique

L’état d’urgence, un bilan opérationnel en demi-teinte
3min

Politique

Européennes 2024 : Marie Toussaint plaide pour « un pacte de non-agression à gauche »

Alors que la Nupes s’est décomposée durant les dernières semaines, Jean-Luc Mélenchon a acté, samedi 2 décembre, la fin de la Nupes. Cet été, l’idée d’une liste commune entre les partis de la Nupes pour les élections européennes de juin 2024 avait déjà commencé à fracturer l’alliance, en particulier chez les écologistes. En juillet 2023, le parti de Marine Tondelier, habitué aux bons résultats lors des scrutins européens, désigne Marie Toussaint tête de liste pour les élections européennes.  « La réparation est l’un des objectifs de l’écologie politique, le meeting a duré trois heures, c’était très dense » Si les écologistes rejettent l’idée d’une liste commune à gauche, la députée européenne Marie Toussaint plaide pour « un pacte de non-agression à gauche ». Pour rappel, une liste ne peut élire des députés au Parlement européen uniquement si elle dépasse un seuil de 5 %. « Je pense que l’on a des combats essentiels à mener, c’est ce qui doit concentrer toute notre attention », juge Marie Toussaint qui estime que le combat doit être mené contre les partis nationalistes qui continuent de progresser au sein de l’Union européenne. En proposant ce pacte de non-agression, Marie Toussaint rappelle qu’elle souhaite orienter sa campagne autour de « la douceur ». Une approche qui suscite l’étonnement, ou l’incompréhension, notamment après le meeting de lancement de la campagne. Ce 2 décembre, la tête de liste écologiste avait convié un groupe de danseuses pratiquant la « booty-therapy », une danse permettant de « s’assumer ». « La réparation est l’un des objectifs de l’écologie politique, le meeting a duré trois heures, c’était très dense », justifie Marie Toussaint qui assume vouloir mener une campagne « sensible ». « La douceur, dans un monde meurtri par la violence politique et sociale, est un horizon de sauvegarde, c’est un objet de combativité », développe Marie Toussaint pour laquelle cette approche peut être payante.  « Il faut sortir les lobbys des institutions, il faut une législation de séparation des lobbys des institutions européennes » Alors que les négociations de la COP 28 se déroulent actuellement à Dubaï avec un nombre record de lobbyistes présents. Selon Marie Toussaint, que cela soit durant les négociations internationales ou au sein des institutions européennes, les lobbys, notamment pétroliers, doivent être écartés des espaces de discussions. « Il faut sortir les lobbys des institutions, il faut une législation de séparation des lobbys des institutions européennes », développe Marie Toussaint alors que les groupes d’intérêts occupent une place importante dans le processus législatif européen. Outre le lobby des énergies fossiles, la tête de liste écologiste prend également pour cible la fédération des chasseurs et son président Willy Schraen qui mènera une liste aux élections européennes. Accusée par ce dernier de prôner une écologie déconnectée, Marie Toussaint a, de nouveau, proposé d’organiser un débat avec Willy Schraen afin de « vérifier qui est du côté de l’agro-industrie et qui est du côté des paysans ». Marie Toussaint fustige notamment l’hypocrisie du patron des chasseurs considérant que ce dernier défend « une vision de l’agriculture sans paysans ».

Le

L’hémicycle du Sénat
7min

Politique

Aide médicale d’Etat : la majorité sénatoriale divisée sur les conclusions du rapport Stefanini Evin

Un rapport remis lundi au gouvernement balaye l’hypothèse d’une suppression de l’Aide médicale d’Etat (AME), tout en préconisant une réforme du dispositif. Cette étude prend toutefois ses distances avec le chemin tracé par la majorité sénatoriale, qui a fait disparaître l’AME lors de l’examen du projet de loi immigration en novembre, pour lui substituer une aide d’urgence.

Le