L’indépendance du parquet relancée par la réforme de la Justice

L’indépendance du parquet relancée par la réforme de la Justice

Emmanuel Macron ne veut pas « rompre le lien » entre l’exécutif et le parquet au grand dam des syndicats de magistrats et de plusieurs parlementaires. Un débat relancé alors que démarre demain au Sénat, l’examen de la réforme de la justice qui dote les procureurs de pouvoirs renforcés dans les enquêtes préliminaires.
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« L’indépendance des magistrats n’est pas négociable. C’est une exigence démocratique ». 48 heures avant l’examen de la réforme de la justice par le Sénat, la garde des Sceaux a souhaité donner des gages aux parlementaires car le contexte actuel est propice à la suspicion d’un parquet qui serait « aux ordres » de l’exécutif. C’est bien sûr le choix du successeur de François Molins au parquet de Paris qui a jeté le trouble. Comme le veut la Constitution, c’est sur proposition du garde des Sceaux, après un avis simple du CSM (Conseil supérieur de la magistrature), que les parquetiers sont nommés. Or, dans ce cas précis, les trois candidats retenus par la Chancellerie ont été rejetés par l’exécutif. Le journal Le Monde révèle même que les trois candidats à la succession de François Molins ont dû passer une sorte de « grand oral » devant le Premier ministre. Inédit sous la Ve République.

Pour le vice-président socialiste de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, défenseur de longue date de l’indépendance du parquet, cet épisode augure de « l’urgence de réformer la Constitution ».

Macron veut garder « le lien » entre parquet et exécutif

Sur ce sujet, Emmanuel Macron a indiqué, jeudi, lors du 60e anniversaire du texte fondateur de la Ve République, que le lien « ne saurait être totalement rompu ». Certes, son gouvernement propose de remplacer l’avis simple en avis conforme du CSM dans le projet de réforme constitutionnelle. Un pas vers plus d’indépendance, mais si « La justice doit être indépendante, elle ne saurait être hors de tout, sauf à risquer d’être légitime de nulle part » a-t-il rappelé ajoutant que l'exécutif gardait « toute légitimité pour proposer le candidat qui lui semble le plus pertinent ». Jean-Pierre Sueur consent « à voter a minima » cette réforme mais veut aller plus loin et souhaiterait remettre dans les mains du CSM le pouvoir de nomination. « C’est par sens de l’État que les magistrats du siège appliquent la politique pénale. Cela n’a rien à voir avec leur nomination. S’opposer à ce que leur nomination soit tout à fait indépendante ne fait que rajouter de la suspicion. La Cour européenne des droits de l’Homme a déjà condamné la France au motif que son parquet ne disposait pas de toutes les garanties d’indépendance » objecte le sénateur socialiste. Pour le syndicat de la magistrature « il est sidérant que ce pouvoir ne mesure pas combien la démocratie gagnerait à retirer à la garde des Sceaux le pouvoir de proposition des procureurs et des juges ».

Rappelons que le CSM a un pouvoir de nomination pour 400 magistrats du siège (Cour de cassation, premier président de cour d'appel, présidents de tribunal de grande instance) Pour le reste, le CSM ne dispose que d’un avis conforme après proposition du garde des Sceaux.

« Une raison de plus pour que les procureurs soient nommés de manière strictement indépendante de l’exécutif »

L’enjeu de l’indépendance des parquetiers prend d’autant plus d’ampleur que le projet de loi de réforme de la justice attribue aux procureurs des pouvoirs renforcés dans les enquêtes préliminaires. Sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, le parquet pourra avoir recours aux outils utilisés par les services de renseignement (géolocalisation, écoutes téléphoniques…). Des techniques d’intrusion que les sénateurs souhaitent ramener aux délits punis d’une peine supérieure à 5 ans. « Il faut un équilibre dans l’exercice de ces moyens puissants (…) Il peut y avoir des moyens de contrôles très simples (…)  C’est par exemple la présence de l’avocat lors des perquisitions, ou encore l’autorisation du juge des libertés et de la détention non pas a posteriori mais au moment où l’action est engagée par le procureur de la République » a indiqué jeudi le rapporteur du texte, le sénateur LR François-Noël Buffet. « Si l’on renforce les pouvoirs du parquet, au détriment du juge d’instruction, complète Jean-Pierre Sueur.

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