Dans son nouveau livre, « Cinquante nuances de guerre » (éditions Robert Laffont), Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et de stratégie, a voulu analyser le désordre mondial dans lequel nous vivons actuellement.
Il explique combien l’exemple syrien est symptomatique de la situation : « C’est un concentré d’un certain nombre de tensions du monde. Ce qui est, en fait, assez dramatique avec la Syrie, c’est que vous n’avez pas une guerre de Syrie, vous en avez plusieurs (…) Vous avez au moins cinq ou six guerres, que différents états font, sans compter à l’intérieur une guerre civile extrêmement compliquée (…) C’est effectivement l’archétype de ce monde devenu fou où vous pouvez avoir des alliances entre certains états mais qui peuvent être des alliances momentanées en fonction des agendas ».
Pour Pierre Servent, cette multitude de guerres dans la guerre est la raison pour laquelle le conflit en Syrie s’enlise : « Compte tenu du jusqu’au-boutisme de Bachar El Assad, et de l’aide qu’il a reçu des Iraniens puis des Russes, ça a rendu le conflit extrêmement compliqué. Les Occidentaux n’avaient aucune envie de mener deux combats : un combat contre l’État Islamique et un combat au sein de la guerre civile contre Bachar El Assad. Et puis, nous avons loupé, si je puis dire, le rendez-vous de 2013, avec la fameuse « ligne rouge » où Français, Britanniques et Américains étaient prêts à frapper. Et là, c’est un tournant qui aurait pu se passer. Parce que, non seulement la coalition à trois devait frapper des objectifs liés à l’arme chimique (…) mais, ce qu’on peut révéler aujourd’hui, c’est qu’il y avait des frappes secrètes qui étaient prévues en même temps pour frapper, non pas Daech (…) qui n’était pas présent sur le théâtre [des opérations], mais Al Qaïda qui (…) était très actif et polluait la rébellion modérée. A ce moment-là, il y aurait pu avoir un double effet sur la rébellion jihadiste et sur le régime lui-même (…) Barack Obama a avalé sa promesse
Mais, si Pierre Servent parle de « désordre international », il reste optimiste, malgré tout, notamment sur le fait qu’il y a dans le monde « une envie de France et d’Europe » : « Il y a de l’europessimisme (…) mais mon analyse, c’est de dire que nous sommes rentrés dans un monde, depuis le début du XXIe siècle, d’une grande complexité, extrêmement fracturé, avec une sorte de retour à ce que j’appelle le « tribalisme » (…) l’envie de se replier sur sa tribu (…) Avec la montée de nouveaux empires, russe, ottoman, chinois etc., c’est une fracturation du monde. Par rapport à cela, l’un des derniers pôles d’unité [et] de stabilité, malgré les difficultés, c’est l’Union européenne (…) C’est un îlot de vertu dans un monde de brutes et la France a un rôle très important au sein de cette Union européenne (…) Et si, nous, Français et Européens (…) ne [nous] ressaisi[ssons] pas (….) nous serons balayés par cette espèce d’élan de barbarie, qui a démarré au début de ce siècle. »
Vous pouvez voir et revoir l’entretien de Pierre Servent, en intégralité :
OVPL : interview de Pierre Servent , spécialiste des questions de défense et de stratégie (en inégralité)