La baisse est historique. Depuis le début de l’état d’urgence sanitaire, les effectifs des prisons françaises ont diminué de 15%, « ce qui est sans précédent dans l’histoire récente de l’administration pénitentiaire », note un rapport sénatorial publié mercredi 29 avril 2020. Au dernier décompte, la population carcérale a diminué de 11 500 détenus depuis le début de l’état d’urgence sanitaire. « Le taux d'occupation moyen des prisons est désormais inférieur à 100% des capacités », a expliqué Nicole Belloubet au Monde, dans son édition datée du 30 avril 2020. Ces chiffres sont principalement liés à trois facteurs : la baisse de la délinquance depuis le début du confinement, la « mise en sommeil » des juridictions et les libérations anticipées pour les détenus en fin de peine. Vives inquiétudes en début de crise
Cette baisse du nombre de détenus « a certainement facilité la maîtrise de l’épidémie en détention », analyse le rapport sénatorial qui rappelle les fortes inquiétudes autour des prisons en début de crise du coronavirus. En effet, la réduction du nombre de détenus par cellule a facilité le travail des personnels, désormais tous équipés de masques, tout en diminuant le risque de contaminations à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Le rapport cite la prison de Bordeaux-Gradignan, où « 45 à 50 détenus » dormaient sur des matelas à même le sol, en début de crise, « ce qui conduisait à faire cohabiter trois détenus dans une cellule de moins de neuf mètres carrés ». Grâce à la diminution de la surpopulation carcérale, ce cas de figure ne concerne plus aucun détenu à ce jour, notent les sénateurs.
Crise sanitaire « limitée »
Sur le plan sanitaire, la crise dans les lieux de privation de liberté est restée « limitée », dixit le rapport. « Le problème sanitaire a été contenu de manière très satisfaisante », ajoute Nathalie Delattre, sénatrice du Mouvement radical, et qui a co-signé ce volet du rapport.
Les sénateurs retracent l’évolution du nombre de cas avec plusieurs sources. Tout d’abord, selon l’administration pénitentiaire, au 14 avril, on comptait « 65 membres du personnel testés positifs au covid-19 et de 465 autres présentant des symptômes. Chez les détenus, on dénombrait, à la même date, 34 contaminations confirmées et 433 personnes présentant des symptômes. » Ces chiffres avaient largement augmenté dix jours plus tard. Le 24 avril, Adeline Azan, la contrôleure des lieux de privation de liberté, mentionne alors 250 cas de covid-19 chez les agents de l’administration pénitentiaire et 101 chez les détenus. Cette évolution en dix jours pourrait être liée soit à la hausse du nombre de contaminations, soit à l’augmentation du nombre de tests, notent les rapporteurs de la Commission des lois du Sénat.
La contamination des personnels et des détenus reste cependant contenue, et notamment grâce à la décision de l’administration pénitentiaire de suspendre les parloirs et les activités menées par des personnes extérieures aux prisons. Cette décision est entrée en vigueur dès le 17 mars.
Tensions dans les prisons
Avec les mesures de confinement, les craintes étaient vives. Plusieurs mouvements de violences ont suivi l’annonce de la suspension des visites, mais, à part à la prison d’Uzerches, en Corrèze, les sénateurs n’ont répertorié au total qu’une douzaine d’incidents mineurs dans les prisons. « Il y a apaisement global », analyse Nathalie Delattre. Fin mars, une ordonnance a exclu les participants de mutineries de la liste des bénéficiaires de réductions de peine. Selon le rapport, cette décision, ainsi que la pédagogie autour des mesures de confinement, expliquerait que les tensions soient restées contenues.
Un geste en faveur des détenus
Pour compenser la suspension des parloirs, les détenus ont reçu l’équivalent de 40 euros de communication par mois, « ce qui correspond à onze heures de communication en France métropolitaine vers une ligne fixe et à cinq heures vers un téléphone portable », explicite le rapport. Les sénateurs appellent l’administration pénitentiaire à déplafonner ce montant, « de manière à ce qu’ils puissent conserver un lien fort avec leurs familles. »
Ce rapport sur les lieux de privation de liberté a été réalisé dans le cadre du comité de suivi de l’état d’urgence sanitaire de la Commission des lois du Sénat. Les sénateurs entendent le poursuivre avec une visite de la prison de Fresnes dans les prochaines semaines. C’est dans ce centre pénitentiaire que l’on compte le seul et unique détenu décédé du covid-19 en France.