La colère de Mélenchon pourrait l’aider dans sa stratégie « dégagiste »
La colère de Jean-Luc Mélenchon contre la justice et les médias après les perquisitions chez LFI a terni son image de "présidentiable" mais peut...

La colère de Mélenchon pourrait l’aider dans sa stratégie « dégagiste »

La colère de Jean-Luc Mélenchon contre la justice et les médias après les perquisitions chez LFI a terni son image de "présidentiable" mais peut...
Public Sénat

Par Baptiste BECQUART

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

La colère de Jean-Luc Mélenchon contre la justice et les médias après les perquisitions chez LFI a terni son image de "présidentiable" mais peut, à plus long terme, l'aider dans sa stratégie "dégagiste", selon des analystes.

La matinée de mercredi a concentré tout le problème qu’affronte actuellement La France insoumise (LFI). Jean-Luc Mélenchon tenait pour la première fois une conférence de presse commune avec son nouvel allié Emmanuel Maurel, qui vient de quitter le PS : quelques minutes après, il attaquait une nouvelle fois les médias et se redisait victime d'une "persécution politique".

La belle prise que constituent M. Maurel et la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann est ainsi passée au second plan alors que LFI, consciente du plafond atteint, s'efforce depuis plusieurs mois d'apparaître comme centrale et rassembleuse.

Deux sondages en septembre plaçaient d'ailleurs le mouvement, arrivé quatrième de la présidentielle, plusieurs points au-dessus des autres formations de gauche en vue des élections européennes.

"Un pourcentage important de Français le pensaient proche de leurs préoccupations et aussi détenteur d'une stature de chef d’État", mais la séquence ouverte depuis les perquisitions "marque une rupture radicale avec la possibilité d'élargissement", analyse Gilles Finchelstein, directeur de la Fondation Jean-Jaurès, proche du PS.

De fait, 64% des personnes interrogées pour un sondage Elabe mercredi, et singulièrement 49% de ses électeurs en 2017, se sont dits "choqués" par l'attitude de M. Mélenchon et de ses proches. De surcroît, sa cote d'influence a chuté de 25 à 18%, et en particulier chez les sympathisants de gauche de 82 à 71%, selon une enquête BVA publiée vendredi.

En contestant radicalement -et vertement- l'autorité judiciaire, le pouvoir politique et les médias, Jean-Luc Mélenchon tient coûte que coûte sa ligne "dégagiste", un "populisme de gauche" - selon l'expression de son inspiratrice la philosophe belge Chantal Mouffe - visant à mobiliser les affects en politique du peuple contre une oligarchie.

Mais il "rencontre les limites de cette stratégie", estime Pascal Perrineau, chercheur au Cevipof. "On peut l'appliquer en politique mais quand il s'agit de la justice ça donne l'impression de vouloir échapper à son cheminement inexorable".

Pour le sociologue Dominique Wolton, spécialiste de la communication politique, c'est le dégagisme même qui est risqué. Car si la tendance s'installe durablement, "celui qui fait dégager sera dégagé demain, d'autant que Mélenchon est dans la vie politique depuis des décennies".

- Conquérant ou défensif ? -

Pour le spécialiste de la gauche Philippe Raynaud, Jean-Luc Mélenchon
Pour le spécialiste de la gauche Philippe Raynaud, Jean-Luc Mélenchon "se doit d'être identifié par ses partisans comme le plus ferme, celui qui est le moins dans le système"
AFP/Archives

D'une certaine manière, M. Mélenchon est assigné à cette stratégie, relève le spécialiste de la gauche Philippe Raynaud, professeur à l'université Panthéon-Assas : "Son pari était de récupérer l'électorat de Marine Le Pen, et pour l'instant il n'y est pas arrivé. Du coup, il se doit d'être identifié par ses partisans comme le plus ferme, celui qui est le moins dans le système."

Dans une tribune publiée dans Le Figaro lundi, Arnaud Benedetti, professeur associé à La Sorbonne, mettait cependant en garde: "Passé les premières émotions et réprobations portées par l'instantanéité médiatique, le travail de sape (du "système"), inexorable, continuera sa métastase. C'est ce constat qui fonde le pari de Jean-Luc Mélenchon: le moment est venu d'accélérer dans une atmosphère de décomposition que tout le monde pressent mais n'ose sur le fond reconnaître et regarder en face".

Selon lui, Jean-Luc Mélenchon "ne construit pas sur l'instant mais sur la dynamique dont il estime qu'imprévisible par nature, elle est habitée néanmoins par un rejet grandissant des vieilles structures".

Philippe Raynaud abonde: la stratégie du député des Bouches-du-Rhône ne s'inscrit "pas dans une perspective immédiate ou à court terme de conquête du pouvoir".

Le reste de la gauche elle, contre-attaque, dénonçant des atteintes contre la liberté de la presse et l'indépendance de la justice, et des signes d'union contre Jean-Luc Mélenchon se multiplient. Jeudi soir, l'ex-candidat PS Benoît Hamon (Générations) et Ian Brossat (PCF) se sont rencontrés avant d'assister, au côté de l'essayiste Raphaël Glucksman, à une soirée de lancement d'un "Serment" pour l'accueil des migrants.

Mais M. Mélenchon, observe Pascal Perrineau, peut compter sur le fait que ces "confettis" ont pour l'heure des "capacités de mobilisation populaire extrêmement faibles".

Partager cet article

Dans la même thématique

La colère de Mélenchon pourrait l’aider dans sa stratégie « dégagiste »
5min

Politique

Mercosur : le Sénat appelle l'exécutif à saisir la Cour de justice de l’Union européenne

Alors que le traité de libre échange pourrait être ratifié samedi par la présidente de la Commission européenne, la France a réaffirmé ce week-end son rejet du texte en l’état. Après l’Assemblée nationale fin novembre, c’est au tour du Sénat de se prononcer à l’unanimité sur une proposition de résolution visant à demander au gouvernement de saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour vérifier la conformité de l’accord.

Le

French President Emmanuel Macron Meets Readers in Marseille to Discuss Democracy and Social Media
5min

Politique

Narcotrafic et plan « Marseille en grand » : ce qu’il faut retenir de la visite d’Emmanuel Macron dans la cité phocéenne

Nouvelle visite du chef de l’Etat dans sa ville de cœur. Après s’être rendu ce matin sur la tombe de Mehdi Kessaci, assassiné par des narcotrafiquants, Emmanuel Macron a annoncé une salve de mesures pour lutter contre le narcotrafic qui gangrène Marseille. Entre une rencontre avec les lecteurs de la Provence, l’inauguration d’un commissariat et la visite du chantier de la gare, Emmanuel Macron a aussi défendu le bilan de son plan « Marseille en grand ».

Le

Déclaration de politique générale et avenir de la Nouvelle Calédonie en séance au Sénat ce 15 octobre
2min

Politique

Budget : qui sont les sénateurs qui participeront à la commission mixte paritaire ?

Outre le président PS et rapporteur général LR de la commission des finances, Claude Raynal et Jean-François Husson, seront présents en CMP les sénateurs LR Christine Lavarde et Stéphane Sautarel, qui suit les collectivités, ainsi que le centriste Michel Canévet et le sénateur Horizons Emmanuel Capus, qui ont défendu plus d’économies durant les débats. Pour le PS, on retrouve le chef de file du groupe, Thierry Cozic.

Le