La “com'” de Mélenchon, singulière et inédite

La “com'” de Mélenchon, singulière et inédite

De longues harangues sur les places publiques, un hologramme, YouTube: la communication de Jean-Luc Mélenchon est un alliage inédit d'innovation...
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Par Lucile MALANDAIN

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De longues harangues sur les places publiques, un hologramme, YouTube: la communication de Jean-Luc Mélenchon est un alliage inédit d'innovation technologique et de tradition rhétorique, dont l'efficacité reste à prouver.

Confiée à Sophia Chikirou, 37 ans, la stratégie de communication du candidat de La France insoumise a été pensée sur deux axes: contourner les médias traditionnels et s'organiser hors parti.

"En 2012, on avait privilégié une stratégie de bruit et de fureur qui consistait à prendre frontalement les médias. Là, on les contourne", argumente la jeune femme, qui a suivi sur le terrain les campagnes de Podemos en Espagne et de Bernie Sanders aux Etats-Unis.

Jean-Luc Melenchon le 28 février 2017 à Brest
Jean-Luc Melenchon le 28 février 2017 à Brest
AFP

"Depuis les révolutions arabes, on sait que les réseaux sociaux peuvent jouer ce rôle, donc on a mis ça en place assez tôt, notamment dans l'organisation même du mouvement, c'est une force d'appui en permanence", poursuit-elle.

De fait, La France insoumise n'a d'autre réalité concrète qu'un site internet et des "groupes d'appui" militants, sur le terrain. Fondée sur le principe de la plateforme Nationbuilder qui permet de combiner un site web avec documentation et vidéos en ligne, une base de données de contacts, et un outil de collecte de dons.

Plus de 280.000 personnes se sont inscrites sur le site jlm2017.fr depuis un an.

M. Mélenchon s'est ainsi constitué une "communauté internet" très étoffée. Ainsi les jeunes de la communauté "discorde" - 3.000 personnes dont 700 actives selon Mme Chikirou -, sur le forum 18-25 ans Jeuxvideo.com, ont conçu et réalisé un site internet dédié au programme, L'Avenir en commun.

Un homme suit sur YouTube un discours de Jean-Luc Mélenchon le 19 février 2017 à Paris
Un homme suit sur YouTube un discours de Jean-Luc Mélenchon le 19 février 2017 à Paris
AFP/Archives

Mais la communicante se défend de vouloir rajeunir la personnalité d'un candidat qui est, à 65 ans, jusqu'à présent le plus âgé dans la course à l'Elysée.

"Cette rhétorique de l'innovation est faite pour parler aux jeunes et pour casser son image assez vieillissante", estime pourtant Anaïs Theviot, chercheuse en Sciences politiques à Rennes 1.

"Il s'appuie sur quelque chose de réel, un réseau de web militant qui est beaucoup plus important que dans les autres partis, à part peut-être le Front national", complète Pierre-Emmanuel Guigo, enseignant-chercheur en communication politique à Créteil. Selon lui, ça permet de jouer sur la "viralité": "dès qu'apparaît un message, il est commenté, partagé, retweeté, liké...".

- Éducation populaire -

Des membres de cette communauté ont également décidé par exemple de publier une bande dessinée, "L'Avenir en commun?", d'autres s'apprêtent à sortir un jeu vidéo.

Mais ces techniques seront-elles payantes électoralement ?

Le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon à Brest, dans l'ouest de la France, le 28 février 2017
Le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon à Brest, dans l'ouest de la France, le 28 février 2017
AFP/Archives

L'équipe Mélenchon "développe une théorie de contournement des médias traditionnels, mais l'hologramme, par exemple, était fait pour les attirer et on a davantage parlé du gadget que du fond", constate Mme Théviot, pour qui "ça ne fait pas le résultat d'une élection".

M. Guigo rappelle que "l'essentiel d'une campagne se fait à la télévision", en voulant pour preuve le rôle déterminant des débats dans le choix des vainqueurs des différentes primaires entre octobre et janvier.

"Contourner les médias (traditionnels) se retrouve dans tous les mouvements radicaux et contestataires, ça concourt à l'image d'un candidat à la marge, qui conteste le système", explique-t-il. M. Mélenchon ne se prive en effet pas de commenter, sur sa chaîne Youtube, les émissions télé ou radio qui lui auraient déplu.

Le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, le 28 février 2017 lors d'un meeting dans l'Agora de Brest
Le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, le 28 février 2017 lors d'un meeting dans l'Agora de Brest
AFP

Mais malgré tout, avec ses meetings bondés, où les gens sont prêts à rester debout dehors, devant un écran, cet orateur hors pair reprend "l'héritage de la gauche d'éducation populaire, une tradition du socialisme et du communisme", précise le chercheur.

"Notre campagne a pour objectif, pour ambition, d'être éducative et de fabriquer des événements qui donnent à penser, qui encouragent à se regrouper", expliquait d'ailleurs le candidat, le 28 février à Brest.

Moqué dans ses choix "à la Chavez" ou "à la Castro" de discours et autres formats longs, comme les plus de cinq heures d'émission sur YouTube pour détailler le chiffrage de son programme il y a quelques semaines, Jean-Luc Mélenchon assume, reprochant aux "Solfériniens" leurs critiques.

Entre 20 et 30.000 personnes sont restées connectées en permanence durant cette émission sur le web, a fait remarquer son équipe.

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