C’est l’heure des choix pour les citoyens de la Convention climat. Tirés au sort pour proposer des mesures permettant de réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale, les 150 doivent adopter ce week-end leurs mesures. Ils devaient initialement rendre leurs propositions en avril, mais leurs travaux ont été perturbés par l'épidémie du Covid-19. Leurs travaux ont été poursuivis en visioconférence dès le mois d’avril et ses 150 membres ont présenté leurs contributions au plan de sortie de crise.
La difficulté de créer des mesures acceptables par tous
« Le plus difficile a été de créer un ensemble de mesures à la fois efficaces et susceptibles d'être acceptées par le plus grand nombre ? » explique Corinne qui dit avoir pris « une claque » avec la Convention. Beaucoup d’entre eux n’imaginaient pas que la situation était aussi grave. Certains sont arrivés climatosceptiques et ne le sont plus.
Au cours des neuf mois de travaux, 150 propositions ont été élaborées par les cinq groupes thématiques – se loger, se déplacer, se nourrir, consommer, produire et travailler. « On espère que nos propositions seront transcrites et appliquées, en étant le moins dénaturées possible » rappelle William, l’un des citoyens.
Lois, règlements ou référendum ?
Quel sort veulent-ils voir réserver à leurs mesures : textes réglementaires, projets de loi, ou référendum ? Les citoyens devront en décider lors de cette ultime session. La rumeur voudrait qu’Emmanuel Macron envisage un référendum, notamment sur la proposition de rénovation globale obligatoire proposée par les citoyens. Ce qui a surpris bon nombre des membres de la Convention.
« S’il décide avant que notre vote ait lieu. A quoi sert cette Convention ? » s’étonne Corinne, réservée à l’idée de passer par un référendum : la peur du vote sanction. « C’est un risque d’y soumettre des mesures impactantes, comme la rénovation globale. Si les Français votent non par manque d’informations. On fait quoi ? Rien ? Il y a pourtant urgence. »
Vers un multi-référendum à l’automne ?
William aussi se dit étonné et ne trouve pas « correct » que le chef de l’État puisse décider quoi que ce soit sans leur vote. Probablement « une stratégie, un ballon d’essai pour voir comment les gens réagissent. » Pas hostile à l’idée de consulter les Français sur leurs mesures, il défend l’idée d’un référendum « à questions multiples sur de grands sujets. C’est aussi ce que réclament les députés PS et apparentés, un référendum sur « une ou plusieurs propositions de la Convention citoyenne pour le climat. » Certains évoquent un « multi-referendum » à l’automne.
« On ne veut pas servir d’alibi »
À l'Élysée, où on réfléchit depuis des semaines à un acte II du quinquennat ambitieux sur le front écologique, ces propositions sont attendues comme une « bouée de sauvetage. » « On sait qu’Emmanuel Macron peut se servir de la Convention pour relancer son mandat mais on ne veut pas servir d’alibi » confie un des citoyens. « Tant qu’on ne sait pas ce que nos propositions deviendront, on reste sur nos gardes. » Aucun d’entre eux n’a oublié la promesse que le Président leur avait faite en janvier : soumettre « sans filtre » leurs propositions, pour peu qu'elles soient conformes à la Constitution et prévoient le financement permettant leur mise en œuvre.
La réponse du gouvernement attendue dès juillet
« Ce qui motive le comité de gouvernance, c’est le sérieux de la réponse du gouvernement, rappelle le comité de gouvernance de la convention qui espère un retour le plus rapide possible. Laurence Tubiana, coprésidente du comité, souhaite que le président de la République tienne compte des propositions de la Convention dans les grandes orientations pour la fin de son mandat, présentées le 14 juillet prochain. La réponse du gouvernement devrait intervenir lors d’une huitième session, dont la date n’a pas encore été fixée.
« Nous serons très vigilants que le Président tienne sa promesse et ne prenne pas les travaux comme un menu à la carte », affirme Réseau Action Climat
De côté des ONG, on attend maintenant « un passage aux actes ». « Il y a énormément de mesures, et cela montre qu’il n’y a pas de solution miracle pour le climat, qu’il faut toucher à tous les secteurs » souligne Anne Bringault, responsable transition énergétique au Réseau Action Climat, fédération d'ONG. Renforcement du malus sur les véhicules polluants, interdiction de la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, rénovation globale des bâtiments obligatoire, interdiction des pesticides, « ces mesures sont des marqueurs incontournables pour réduire les gaz à effet de serre.
Continuer à nourrir le débat
Une chose est sûre, les 150 citoyens n'ont pas l'intention de laisser leurs travaux se perdre. La majorité d’entre eux compte se rassembler en association, pour assurer le suivi de la Convention et mettre à la disposition de tous, le fruit de leurs débats et réflexions. « Nous avons tiré au sort pour représenter les Français, les propositions doivent leur être transmises » explique Grégoire à l’origine du projet. Les propositions rejetées, ainsi que les raisons pour lesquelles elles l'ont été, seront également rendues publiques, afin de nourrir le débat dans les prochains mois. « Le début d’autre chose » ajoute William. Comme si le combat ne faisait que commencer.