L’activité de l’institution croît d’années en années. La Défenseure des droits a traité 115 000 dossiers en 2021, soit une hausse de 18,6 % par rapport à 2020. Le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, l’affirme dès le début de l’audition, « cette institution a trouvé sa place dans le paysage institutionnel ». Le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle indépendante chargée de veiller au respect des libertés et des droits des citoyens par les administrations et organismes publics. Il comprend près de 550 délégués bénévoles répartis sur l’ensemble du territoire français. Ses délégués accueillent les usagers de l’administration, les informent sur leurs droits et les orientent dans leurs démarches. Le Défenseur des droits est un recours accessible, parfois le dernier, pour les usagers désemparés, pour toute personne rencontrant des difficultés avec les services publics ou victime de discriminations.
Les plus touchés sont les plus vulnérables
De plus en plus d’usagers, en particulier les plus vulnérables, font face à la déshumanisation et à l’éloignement des services publics. « Les défaillances, obstacles et entraves touchent d’abord les personnes vulnérables », alerte Claire Hédon devant la commission des lois. Face à la marche rapide vers la dématérialisation, ce sont souvent les plus précaires qui n’ont aucun accès aux démarches administratives en ligne. Pour éviter une perte irréversible de confiance des citoyens dans les services publics, pour la Défenseure des droits, il est certain que la transformation numérique doit s’accompagner d’un lien humain. « Remettre de l’humain dans la machine c’est indispensable ». La dématérialisation des démarches administratives a des conséquences sur l’organisation des services publics et notamment le contact des agents avec les usagers : des guichets sont fermés, moins d’employés sont présents aux accueils… L’usager doit de plus en plus compter uniquement sur lui-même.
Les conséquences sur la population se font ressentir. Claire Hédon perçoit régulièrement sur le terrain « le doute, le repli sur soi et la violence » des citoyens délaissés par cette transformation numérique. Selon elle, « l’évolution n’est pas cependant inéluctable, il faut que tous les droits soient garantis ». La Défenseur des droits met en garde les responsables politiques. Pour avancer, « il faut refuser les glissements qui placent les plus vulnérables dans des zones de non-droits ».
« Redonner confiance c’est aussi lutter contre les discriminations »
Les saisines de l’organisme relatives aux discriminations ont augmenté de 22,2 % entre 2020 et 2021. Une hausse inquiétante qui s’explique en partie par le lancement de la plateforme antidiscriminations.fr qui permet de signaler et sanctionner les discriminations. Depuis le lancement, 17 000 appels et 3 500 discussions instantanées ont été recensés par la structure. « La plateforme est une écoute de qualité faite par nos délégués territoriaux, les appels durent environ 40 minutes. Nos agents prennent vraiment le temps d’échanger ». Un espace pour s’informer, s’exprimer et faire valoir ses droits.
Pour Claire Hédon, des progrès sont encore à faire. La Défenseure des droits formule des recommandations. « La lutte ne peut pas reposer uniquement sur les épaules des victimes, un certain nombre de mesures doivent être mises en œuvre : communiquer sur ces discriminations, créer un fonds de financement des recours collectif, mettre en place de vraies sanctions pour les entreprises, et créer un observatoire pour mesurer ces discriminations ».
Les inégalités observées se matérialisent principalement par les contrôles d’identité, effectués dans la majeure partie des cas en fonction de l’origine de l’usager, les étrangers discriminés à l’embauche à cause de leurs noms non francisés, ou encore les femmes enceintes qui n’arrivent pas à retrouver un emploi équivalent avec un salaire équivalent après leurs grossesses. Enfin, Claire Hédon aborde également la question des droits de l’enfant et de la nécessité de prendre en considération la santé mentale des enfants comme une priorité absolue dans chaque décision de politique publique. « La parole de l’enfant doit aussi être prise en compte », déplore-t-elle.
Une vraie capacité à résoudre les problèmes
« Notre institution a une capacité à résoudre les problèmes par l’écoute, la rigueur et même l’obstination ». Claire Hédon explique cette réussite par l’accueil physique des délégués territoriaux du Défenseur des droits qui dispose de 870 locaux repartis dans toute la France. Des guichets sont accessibles aux usagers qui bénéficient « d’une écoute humaine ».
Toute personne peut saisir directement et gratuitement la Défenseure de droits par simple lettre. Il dispose de pouvoirs d’enquête élargis (audition, communication de pièces) comme les autorités administratives indépendantes. La Défenseure des droits peut privilégier un règlement amiable en formulant des recommandations ; ou, s’il estime qu’une faute a été commise, solliciter l’engagement de poursuites disciplinaires auprès de l’autorité compétente. Les conflits sont principalement réglés par la médiation, 80 % des règlements amiables engagés aboutissent favorablement.
L’institution peut aussi intervenir devant toutes les juridictions nationales et européennes pour présenter son analyse du dossier qu’il traite. Il peut aussi présenter ses observations de sa propre initiative. En revanche, le Défenseur des droits intervient en toute indépendance ; il ne représente aucune des parties. En 2021, 172 observations devant les tribunaux ont été rapportées et les juridictions les ont suivies dans 82 % des cas.
L’année 2021 est aussi marquée par un renforcement des pouvoirs de l’institution qui devient un nouvel appui pour les lanceurs d’alerte. La Défenseure d’alerte est désormais chargée de les informer et de les conseiller, ainsi que de défendre leurs droits et libertés. De nouvelles responsabilités qui démontrent son importance et sa légitimité à agir pour prendre en compte la tension de la société et lui redonner confiance envers nos institutions.