La démission du général de Villiers, un test pour l’autorité de Macron
La démission fracassante du chef d'état-major des armées, sur fond de coupes budgétaires abruptes et de réformes au pas de charge, constitue un...
Par Laurence BENHAMOU et Sabine WIBAUX
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La démission fracassante du chef d'état-major des armées, sur fond de coupes budgétaires abruptes et de réformes au pas de charge, constitue un premier test majeur pour Emmanuel Macron et sa gouvernance fondée sur l'autorité.
En démissionnant mercredi, Pierre de Villiers, aussitôt remplacé par François Lecointre, a mis en évidence la contradiction entre un chef de l’État qui, depuis son investiture, vante l'importance qu'il accorde à l'armée et une réduction budgétaire où celle-ci est la plus grande perdante.
De quoi alimenter le soupçon d'un président qui ne tient pas ses promesses, cette accusation de "hollandisme" qu'Emmanuel Macron veut avant tout éviter, a confié un de ses proches à l'AFP.
C'est aussi un test direct pour son autorité et sa manière de gérer la contestation.
Le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner a ainsi réaffirmé mercredi son rôle de "chef", et averti que tout désaccord impliquerait un départ, ministres compris.
"Quand il y a un désaccord, l'un s'en va et est remplacé. C'est la même chose avec un directeur d'administration centrale, un directeur de services pour un maire ou un ministre avec lequel le Premier ministre aurait un désaccord", a insisté Christophe Castaner, rappelant que 180 directeurs d'admnistration centrale sont eux aussi sur la sellette.
- 'Faire passer la pilule' -
Le président Emmanuel Macron, le 18 juillet 2017 à l'Elysée, à Paris
AFP
"Emmanuel Macron a décidé de passer en force auprès de l'armée qu'il a utilisée à fond pour sa communication: cela ne pouvait pas marcher", commente l'expert en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet. "Pendant sa campagne il a fait des promesses généreuses mais met en place une politique d'austérité. Ce qui se passe avec l'armée préfigure ce qui risque de se passer dans d'autres secteurs", ajoute-t-il. "Savoir comment on fait passer la pilule est un défi pour tous les présidents."
C'est le dilemme que doit résoudre l'exécutif en démarrant ses réformes, qui commencent à susciter des remous jusqu'au sein de sa large majorité.
A commencer par les efforts d'économies demandées cette semaine aux collectivités locales, qui craignent que la suppression de la taxe d'habitation n'aboutisse à les priver de toute liberté d'action.
Les coupes budgétaires abruptement annoncées début juillet ont par ailleurs crispé plusieurs secteurs, en particulier l'enseignement supérieur, la justice ou encore l'Intérieur.
Et pour les économies massives annoncées pour 2018 (20 milliards environ), les priorités politiques "ne se traduiront pas forcément en priorités budgétaires" car "plutôt que dépenser plus, on peut réorienter", a souligné M. Castaner.
Emmanuel Macron a en revanche a réglé rapidement ces dernières semaines deux crises délicates.
La semaine dernière, devant les protestations des milieux d'affaires, l’Élysée est intervenu pour assurer que les baisses d'impôt, notamment de l'ISF et des charges patronales, commenceraient dès l'an prochain.
L'affaire des assistants parlementaires du Parlement européen, mettant en cause notamment le Modem, s'est terminée par le départ de son allié François Bayrou.
- Éviter la fronde -
Et les ordonnances sur la loi travail ont été votées sans remous à l'Assemblée jeudi.
Pour éviter tout risque de fronde, le président a d'ailleurs effectué mardi soir une visite surprise auprès des députés de sa majorité. "Il n'y a pas de caporalisme ici, il n'y a pas d'ordre jupitérien, comme diraient certains", a assuré le chef de l’État.
Il en a pourtant profité pour les inciter à "l'exigence" et à garder comme "boussole" ce "qu'attendent les gens" et "ce qui est bon pour le pays".
Une réponse aux rares élus REM qui ont émis publiquement quelques critiques comme Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la Défense de l'Assemblée qui a "regretté" la coupe de 850 millions dans le budget de la Défense.
Emmanuel Macron doit aussi surveiller sa popularité, toujours élevée avec 66% de bonnes opinions en juillet mais en baisse de 3 points.
Cette crise a redonné du tonus à l'opposition. Les députés LR ont dénoncé "la dérive d'un pouvoir personnel" alors que la présidente du FN Marine Le Pen a pointé "les limites très inquiétantes de M. Macron".
A gauche, le leader de La France Insoumise (LFI) a dénoncé "une erreur absolument énorme" d'Emmanuel Macron.
Invité de la matinale de Public Sénat, Laurent Marcangeli est revenu sur la cacophonie gouvernementale autour du port du voile dans le sport et appelle chacun « à ne pas trop se disperser », et à ne pas mettre de démission dans la balance, tout en refusant de commenter la « communication » de son « ami » Gérald Darmanin.
« Le premier ministre nous laisse nous exprimer sur les sujets. En revanche, une fois qu’ils sont tranchés, nous nous rangeons derrière l’avis du gouvernement », explique la porte-parole du gouvernement, après le recadrage de François Bayrou sur la question de l’interdiction du port du voile dans les compétitions sportives.
Devant le Sénat, le ministre de l’Intérieur a dénoncé l’antisémitisme « d'une extrême gauche très sectaire », après la publication par LFI d’une affiche polémique, figurant l’animateur Cyril Hanouna avec des codes visuels similaires à ceux des années 1930. « Qui, dans ce parti, s’est excusé ? », a-t-il lancé.
Le gouvernement précise sa position sur le texte du Sénat visant à interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives. L’exécutif inscrira bien la proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Un recadrage, alors que les ministres des Sports et de l’Education nationale affirmaient que ce n’était pas une priorité.
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