Interrogé quelques minutes avant l’utilisation du 49.3 par Michel Barnier, le président du groupe centriste au Sénat a pesté contre la volonté de Marine Le Pen de censurer le gouvernement s’il n’évolue pas sur la désindexation des retraites sur l’inflation.
La feuille de soin du docteur Macron pour le système de santé
Par Public Sénat
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Une thématique en chasse l’autre. Après le « plan pauvreté » la semaine dernière, le chef de l’État a exposé les grandes mesures de son « plan santé », qui annonce une réforme en profondeur du système de soins français et notamment de l’hôpital, « en première ligne des transformations ». « Il ne s’agit pas de faire un énième petit pas », a prévenu Emmanuel Macron. « Nous devons restructurer pour les 50 années à venir. »
Les débats arriveront vite. Les chantiers engagés seront inscrits dans un projet de loi qui sera à l’agenda du Parlement dès l’an prochain. Dans l’optique du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020, l’objectif est de pouvoir installer la nouvelle organisation du système de santé dès la fin 2019.
Sur les questions budgétaires, justement, le président de la République a martelé que la solution ne résidait pas dans plus de moyens. « Notre système de santé ne souffre pas d’abord d’un problème de sous-financement, il pèche par un vrai handicap d’organisation […] Il n’est pas question de faire moins. Il n’est pas question non plus, par facilité, de dire qu’il suffit de dépenser plus que cela aille mieux », a expliqué le chef de l’État.
Pour autant, l’Élysée mobilise un coup de pouce financier afin d’accompagner le lancement de sa réforme : 3,4 milliards d’euros seront investis d’ici 2022. L’an prochain, l’ONDAM, c’est-à-dire le niveau de progression annuel des dépenses de l’Assurance maladie, reviendra à 2,5%, après avoir été ramené à 2,3% dans le PLFSS 2018.
Fin du numerus clausus et des assistants médicaux pour épauler les médecins
Selon le chef de l’État, la « priorité des priorités » est de « permettre » aux patients « d’avoir accès aux soins dont ils ont besoin ». Une série de mesures concernent les médecins. Les mesures s’attaquent au cursus universitaire, et notamment à la très décriée « première année commune année aux études de santé (PACES). Dès la rentrée la 2020, le numerus clausus sera supprimé « pour cesser d’entretenir une rareté artificielle », a annoncé Emmanuel Macron, qui a qualifié le système actuel d’ « absurdité ». Il a promis davantage de passerelles entre les filières et un « mode de sélection rénové ».
S’inspirant d’exemples européens, l’exécutif a également annoncé la création de 4 000 « assistants médicaux » sur tout le quinquennat, en priorité sur les territoires les plus en difficulté, et ce, à partir de 2019. Ces professionnels devront « décharger » les médecins des « actes simples », comme la prise de tension. L’Élysée estime que les médecins pourraient gagner 15 à 20% de temps durant leurs consultations. « Si le besoin est là, nous en financerons autant que de besoin », a assuré Emmanuel Macron.
Autre annonce : 400 postes de médecins généralistes, exerçant à la fois dans les cabinets de ville et dans les hôpitaux, seront financés à partir de 2019, là aussi à destination des bassins les moins bien lotis.
Pour lutter contre le phénomène de la désertification médicale dans certains territoires, le chef de l’État a rappelé que toute « contrainte unilatérale » sur les jeunes médecins ne « marcherait pas ». Il préfère miser sur l’incitation et « l’accompagnement », avec des « rémunérations attractives » et la poursuite du développement des maisons de santé.
Une meilleure « coordination » entre les professionnels est exigée par l’Élysée
Le président de la République a mis l’accent sur l’importance d’un « système construit autour du patient », avec un « parcours de soins fluide et coordonné ». Évoquant les opportunités offertes par le numérique et la télémédecine, il réclame « plus de coordination » entre les professionnels, et « plus de prévention ». « On soigne bien, mais on n’est pas forcément en meilleure santé que chez nos voisins », a diagnostiqué Emmanuel Macron. Un serpent de mer revient sur la table : celui du décloisonnement entre la médecine de ville et la médecine hospitalière.
Comme cadre de cette « coopération » entre les différents acteurs gravitant autour des malades : des futures « communautés professionnelles territoriales de santé ». Chargées de « faire le pont entre les établissements » et d’ « inciter l’ensemble des professionnels d’un territoire à travailler ensemble », elles couvriront l’intégralité du territoire d’ici au 1er juillet 2021. « Je veux que l’exercice isolé devienne progressivement marginal » et « qu’il puisse disparaître à l’horizon de janvier 2022 », a fixé le Président. Avec des incitations financières à la clé, selon les objectifs remplis ou la rapidité de leur création, ces communautés reposeront sur des futures conventions à négocier.
Sujet sensible pour les médecins libéraux, la permanence des soins a aussi été abordée par Emmanuel Macron. Les médecins sont appelés à s’organiser pour assurer une couverture chaque jour jusque 20h. Le chef de l’État a confié qu’il aurait préféré 22h comme heure limite. Derrière cette obligation, c’est bien les services d’urgence, « engorgés », que l’exécutif chercher à soulager. Évoquant des faits divers qui ont marqué l’actualité ces derniers mois (comme le décès de Naomi Musenga, sans y avoir fait précisément référence), Emmanuel Macron a plaidé pour une responsabilité systémique. « Ce n’est pas de leur faute. C’est la faute de notre organisation ».
Une gradation des activités selon les établissements et la réforme du financement
Autre axe de la réforme : la carte hospitalière. « Chaque hôpital devra se concentrer sur les soins pour lesquels il est le plus pertinent », a déclaré Emmanuel Macron. Ils rentreront dans trois cases : les soins de proximité, les soins spécialisés (comme la chirurgie et la maternité) et les soins ultra-spécialisés. Le principe des groupements hospitaliers de territoires doit également « continuer à se développer ».
Assistera-t-on à des fermetures de services localement ? Le gouvernement pourrait ne rien s’interdire. « Je ne souhaite pas qu’on ferme un service, un établissement pour des raisons financières. Mais je ne laisserai pas non plus souvent un service dans lequel aucun d’entre vous n’enverrait ses enfants », a averti Emmanuel Macron.
La réforme s’attaquera également au financement de l’hôpital, assuré en majorité par des tarifications à l’acte (T2A). D’ici 2019, des forfaits seront progressivement installés, pour financer les soins autour de pathologies chroniques, comme l’insuffisance rénale. L’exécutif veut un financement qui repose sur la qualité des soins, plus que sur « la course à l’acte ». « D’ici à 2022, ce système de tarification au parcours sera devenu la principale composante du financement de la ville et de l’hôpital », s’est projeté Emmanuel Macron.
Malaise dans les hôpitaux psychiatriques, dans les Ehpad, dans les services hospitaliers : alors que les salariés de cet univers sont en pleine ébullition depuis plusieurs années, parfois au bord du burn-out, le président de la République a réservé à la fin une part de discours aux personnels de santé. Il a appelé à « réinvestir le dialogue social sur les organisations du travail », a annoncé de nouvelles « perspectives de carrière », de nouveaux statuts d’infirmiers ou le renforcement de certaines formations, comme pour les aides-soignants. Peu d’annonces concrètes sur les conditions de travail mais un geste toutefois en direction d’une catégorie professionnelle qui a fait l’actualité ces derniers mois. « Un effort indemnitaire sera mis en œuvre en particulier pour les aides-soignants qui exercent dans les EHPAD ».