La fondation Jean Jaurès alerte sur le recul des droits des femmes dans le monde

La fondation Jean Jaurès alerte sur le recul des droits des femmes dans le monde

Dans un rapport paru le 13 février, la Fondation Jean Jaurès et l’ONG Equipop font le constat d’un mouvement global de recul des droits des femmes dans le monde.
Henri Clavier

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Le rapport intitulé « Droits des femmes : combattre le backlash » met en lumière les attaques constantes portées aux droits issus des luttes féministes. L’interruption volontaire de grossesse, la reconnaissance des droits des personnes LGBTQIA + continuent d’être perçus comme des menaces pour le modèle familial « traditionnel ». Le « backlash », conceptualisé par Susan Faludi, désigne les stratégies réactionnaires mises en place aux Etats Unis après l’autorisation de l’avortement notamment.

Une notion actuelle pour Lucie Daniel, experte en plaidoyer chez Equipop et co-autrice du rapport qui rappelle que ces oppositions aux droits des femmes ne sont pas une « nouveauté en soi, les mobilisations féministes ont toujours fait face à des résistances très fortes ».

Un backlash « inhérent à l’histoire des femmes »

Les atteintes aux droits des femmes ne se limitent pas seulement aux récentes évolutions aux Etats-Unis ou en Afghanistan mais s’inscrivent dans une dynamique globale ce qui pour Lucie Daniel est « assez inhérent à l’histoire du droit des femmes ». Le rapport s’attarde notamment sur les cas précis de pays comme la Corée du Sud, l’Italie, l’Afghanistan, le Brésil, le Sénégal ou encore la Suède.

Le cas suédois est particulièrement représentatif de la « permanence » du combat. Etat pionnier en matière de reconnaissance et de protection des droits des femmes, la Suède affiche pourtant des « taux de viols élevés, 30 % des femmes étant victimes de violences sexuelles contre 22 % en moyenne au sein de l’Union européenne ». Le rapport pointe aussi les lacunes du système judiciaire « On estime qu’en Suède seulement 5 % des auteurs de viol sont condamnés. »

Une coalition hétérogène soudée autour du modèle familial « traditionnel »

Dans leur rapport, la fondation Jean Jaurès et Equipop, insistent particulièrement sur l’hétérogénéité des acteurs impliqués « Bien que très divers dans leur composition, les mouvements anti droits se retrouvent autour d’un projet de société commun, basé sur une vision sexiste et hétéronormée de « la » famille et de « la » sexualité et sur le contrôle du corps des femmes. »

Une inspiration idéologique confirmée par les modes de financements de ces organisations puisque « Le rapport du Forum parlementaire européen (EPF) sur les financements des mouvements anti-droits indique qu’en Europe une grande partie de ces fonds proviennent de la dark money de la droite chrétienne américaine, mais aussi de la Russie ».

« Cette stratégie va même au-delà des frontières des États »

Opposés au multilatéralisme, les anti-droits ont pourtant décidé d’investir les cercles de discussions internationales comme l’indique le rapport « Cette stratégie va même au-delà des frontières des États et se retrouve jusque dans les institutions de l’Union européenne, via la création du Mouvement politique chrétien européen (ECPM), qui compte aujourd’hui 5 députés européens. Grâce à son statut de parti, l’ECPM reçoit des financements du Parlement européen. Entre 2010 et 2018, ces financements s’élevaient à 8,2 millions de dollars, soit 82 % des ressources du parti. »

Lucie Daniel souligne que le mouvement anti-droits a largement investi les discussions multilatérales après un « tournant dans les années 1990 où les mouvements féministes ont gagné d’importants combats à l’ONU ». Un mouvement d’ampleur que l’on observe largement en Europe selon le rapport « « Les mouvements anti­-droits utilisent des outils démocratiques participatifs (pétitions, référendums) et les instruments judiciaires à leur disposition pour porter leur agenda […]. La Fédération One of Us a notamment profité de ce mécanisme. Cette fédération regroupe une quarantaine d’associations anti-­droits de l’Europe entière. »

L’objectif consiste avant tout à donner de la visibilité comme Lucie Daniel le rappelle « il y a la bataille des idées, mais surtout une bataille de communication qui est très importante ».

« C’est un message politique important de se positionner dans la politique étrangère féministe »

En alertant sur la menace constante qui plane sur les droits des femmes, le rapport formule plusieurs recommandations en matière de diplomatie féministe. Le concept, développé par la Suède en 2014, fait de la défense des droits des femmes un élément central de la politique étrangère. La France, l’Allemagne, le Canada, le Mexique ou encore les Pays-Bas ont choisi d’adopter une diplomatie féministe, un mouvement positif mais encore insuffisant pour Lucie Daniel « Le fait qu’un certain nombre de pays se positionne sur des approches féministes est positif mais certains éléments doivent encore se concrétiser ».

Parmi les recommandations formulées, Lucie Daniel affirme qu’il est urgent d’offrir un soutien financier plus important aux associations féministes « Il faut passer la vitesse supérieure, la France doit augmenter son soutien politique et financier aux mouvements féministes ». « Le fait de défendre les activistes et militantes, que l’on tente souvent de réduire au silence ou de décourager, est crucial » rappelle Lucie Daniel.

Si la France se veut pionnière en matière de diplomatie féministe, cette dernière a manqué l’occasion de porter le débat sur la protection de l’IVG au niveau européen lors de la Présidence française de l’Union européenne (PFUE). Emmanuel Macron avait pourtant affirmé être ouvert à l’inscription du droit à l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Une occasion manquée, même si Lucie Daniel note que « La constitutionnalisation de l’IVG est perçue comme un message fort à l’international ». Après le vote du Sénat en faveur de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, le gouvernement doit désormais donner suite en présentant un projet de loi constitutionnel ou un référendum.

 

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