« La France n’est pas prête à faire face aux évolutions climatiques à venir », alerte le Haut Conseil pour le Climat

« La France n’est pas prête à faire face aux évolutions climatiques à venir », alerte le Haut Conseil pour le Climat

Le dernier rapport du Haut Conseil pour le Climat a été remis à Élisabeth Borne ce mercredi 29 juin. Les scientifiques s’alarment sur le risque que la France ne puisse faire face aux impacts du réchauffement climatique à venir. Notre pays doit se préparer dans tous les secteurs économiques. Pour le moment, les scientifiques rapportent que « les politiques d’adaptation souffrent d’un manque d’objectifs stratégiques, de moyens et de suivi ». Le défi à relever est important.
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Par Tess Jupon

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« Dépasser les constats, mettre en œuvre les solutions ». Le titre du nouveau rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat (HCC) est limpide, il faut que la France s’adapte aux effets du réchauffement climatique pour en limiter les dommages. Cet organisme indépendant est chargé d’émettre des avis et des recommandations aux différentes institutions sur la mise en œuvre de politiques publiques en matière de climat. Ses experts sont clairs, la France doit enclencher dès que possible des mesures d’adaptation efficaces aux événements climatiques extrêmes. Nous avons pu le constater ces derniers mois. Canicules, incendies, inondations ou encore tempêtes, toutes les régions de l’hexagone ont été touchées. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a révélé en mai dernier que le changement climatique était responsable d’au moins 150 000 décès par an. Un chiffre qui devrait doubler d’ici 2030. Le réchauffement planétaire de 1,1 degré a déjà provoqué des perturbations graves affectant les écosystèmes, la vie de milliards de personnes et les infrastructures.

 

Investir et mettre en œuvre des politiques d’adaptation

 

Le Haut Conseil pour le Climat préconise avec insistance au gouvernement de continuer son investissement dans la préparation de nos sociétés aux effets du réchauffement climatique. L’objectif est d’anticiper et de réduire les risques et les impacts, tout en générant des co-bénéfices pour la santé, le bien-être, la sécurité alimentaire, les revenus et la préservation des écosystèmes et de la biodiversité. Pour les experts, les événements chauds et secs seront de plus en plus nombreux et difficiles à gérer dans l’avenir. Ils devraient entraîner une perte des rendements agricoles, une baisse de la capacité de travail en extérieur tout en provoquant une hausse de l’alimentation et une chute des revenus.

La France a déjà quelques cordes à son arc. Magali Reghezza-Zi, docteure en géographie et aménagement et membre du HCC, explique que « la France a déjà des outils pour identifier les menaces, contrôler l’exposition aux zones à risque et permettre à la population d’être indemnisée ». En effet, le ministère de l’Environnement s’est orienté dans une démarche d’adaptation dès la fin des années 1990. Une initiative venant en complément de politiques d’atténuation des effets du réchauffement climatique sur laquelle les scientifiques portent beaucoup d’espoirs. « La France n’est pas prête, mais il est encore possible de s’y préparer. Cette adaptation ne signifie en rien la fin de l’atténuation. »

Le Sénat travaille aussi sur la question depuis quelques années. Publié en 2019, un rapport d’information intitulé « Adapter la France aux dérèglements climatiques à l’horizon 2050 : urgence déclarée », dépeignait les enjeux de l’adaptation des bâtiments publics, de la politique de l’eau, ou encore de la transformation agricole dans les années à venir. Dans le domaine de la santé, notre système devra faire face à l’augmentation de ses coûts avec la multiplication des événements extrêmes. Début avril, une mission d’information sur « la Sécurité sociale écologique du 21ème siècle » a entamé des discussions sur la création d’une sixième branche de la Sécurité sociale pour soutenir les contribuables dans l’accroissement des dépenses de protection sociale liées au dérèglement climatique.

 

Des freins conséquents, mais surmontables

 

Des mesures d’adaptation sont présentes, mais elles progressent lentement. Plusieurs solutions sont sur la table, mais c’est désormais la mise en oeuvre d’une stratégie nationale globale que demandent les scientifiques. « Une vraie anticipation et non des mesures prises en réaction ». Pour la géographe, « l’adaptation manque de vision stratégique, il n’y a aucun document à la hauteur avec des objectifs concrets pour notre pays. Il y a très peu d’articulations entre les initiatives locales et nationales ». La conclusion du HCC est palpable, l’un des défis majeurs du prochain quinquennat sera de réussir à impulser une véritable ligne directrice de mesures d’adaptation à mettre en application dans les cent départements métropolitains et d’outre-mer.

Les blocages ne sont pas uniquement financiers. « Ce sont aussi des compétences en ingénierie, juridiques, techniques et urbanistiques qu’il manque pour engager des politiques d’adaptation ». Les experts prescrivent aux politiques d’intégrer, à la dimension d’aménagement du territoire, les besoins de relocalisations, de déplacements, pour définir les zones habitables, protégées ou réaménagées. Des problématiques auxquelles seront quotidiennement confrontés nos élus prochainement.

Le Haut Conseil pour le Climat s’appuie également sur d’autres études. Magali Reghezza-Zi, co-auteure du dernier rapport de l’organisme, s’est intéressée à l’étude de l’Institute for Climate Economics (I4CE) et affirme que le HCC la prendra en compte pour ses prochains travaux. Pour réaliser le cap de réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, la France devrait financer 2,3 milliards d’euros supplémentaires. L’institut définit ainsi 18 mesures chiffrées dans tous les domaines pour se préparer aux impacts du dérèglement climatique. Un investissement que la spécialiste estime tout à fait juste et réalisable. « Cette somme n’est rien comparée aux catastrophes naturelles. Avec les incendies, inondations […] on dépasse largement les 2 milliards d’euros. L’action d’adaptation reste vraiment faisable par rapport au budget de l’État ». La scientifique rappelle que tous les secteurs sont concernés par les conséquences du réchauffement climatique et que nous devrons mettre en place des solutions pour continuer de faire vivre normalement notre société. « Les infrastructures proches de la mer, les forêts qui s’embrasent, les rendements agricoles qui flambent, le tourisme qui se modifie, les stations de montagne avec les canons à neige, permettre à nos enfants d’aller à l’école pendant les événements de chaleur extrême… », autant de démonstrations concrètes qui nous montrent le chemin qu’il reste à parcourir pour anticiper et se préparer.

Les scientifiques restent lucides. Même l’adaptation la plus efficace ne permettra pas d’éviter toutes les pertes et dommages. Mais son accélération au travers des engagements politiques avec des objectifs clairs et définis, permettra probablement de limiter le nombre de victimes.

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