La France risque-t-elle une « accoutumance » à l’état d’urgence?
Que faire de l'état d'urgence? De récentes déclarations du président et du garde des Sceaux, mais aussi une mise au point du Conseil...
Par Aurélia END
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Que faire de l'état d'urgence? De récentes déclarations du président et du garde des Sceaux, mais aussi une mise au point du Conseil constitutionnel viennent relancer le débat sur ce régime d'exception, qui dure depuis 488 jours.
"L'état d'urgence, une drogue (qui) dure": en décembre 2016, le Syndicat de la magistrature, marqué à gauche, avait lancé cette formule percutante.
Le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a aussi filé la métaphore de l'addiction, de manière certes beaucoup plus mesurée, en déclarant mercredi que "l'accoutumance à cette situation hors norme serait pour notre démocratie un risque: celui de la banalisation de l'exception".
Et d'ajouter: "A nos yeux, nous avons créé les conditions qui rendent possible une sortie de l'état d'urgence", notamment en durcissant la législation antiterroriste, et en renforçant les pouvoirs de la police et des procureurs.
Proclamé après les attentats de novembre 2015, l'état d'urgence a été prolongé cinq fois. Il doit durer jusqu'au 15 juillet prochain.
Avant que le prochain exécutif et le Parlement ne se saisissent de la brûlante question d'une éventuelle nouvelle prolongation, le président de la République a toutefois le pouvoir de lever par décret ce régime civil d'exception, qui permet de pratiquer des perquisitions et de prononcer des assignations à résidence hors de tout cadre judiciaire.
François Hollande a toutefois confirmé jeudi qu'il n'userait pas de ce pouvoir: pour le chef de l'État l'explosion d'un courrier piégé au siège parisien du Fonds monétaire international (FMI) et la fusillade dans un lycée de Grasse conduisent à "justifier l'état d'urgence".
Jean-Jacques Urvoas à la sortie du conseil des ministres, le 15 mars 2017 à Paris
AFP
Le candidat de la droite à la présidentielle François Fillon a publiquement fustigé le gouvernement: "Et dire qu'hier le ministre de la Justice, Jean Jacques Urvoas, envisageait la fin de l'état d'urgence… Quel angélisme!", a-t-il lancé en meeting à Caen.
Pour Emmanuel Macron, la question d'une "levée" de l'état d'urgence "se posera de manière légitime". Mais, a ajouté sans trop s'avancer le favori des sondages dans la course à l'Elysée, "je ne suis pas en situation aujourd'hui, pas plus qu'aucun autre candidat, d'avoir un jugement informé".
- Moins d'effets concrets -
L'état d'urgence produit de moins en moins d'effets concrets: entre le 22 décembre dernier et le 14 mars, il n'y a eu que 18 perquisitions administratives, et on compte encore 68 personnes assignées à résidence - alors que 271 assignations avaient été prononcées dans les trois mois suivant les attaques jihadistes du 13 novembre 2015.
Le Conseil constitutionnel est de plus venu serrer jeudi la bride du ministère de l'Intérieur s'agissant des assignations à résidence de longue durée: une vingtaine de personnes sont soumises sans interruption depuis quinze mois à ce régime souvent extrêmement contraignant (multiples pointages quotidiens, interdiction de quitter sa commune le jour, et son domicile la nuit...).
Pour les Sages, une assignation à résidence ne peut être prolongée au-delà de douze mois, et pour une durée de trois mois à chaque fois, que si l'administration apporte des "éléments nouveaux" sur une personne dont le comportement pose "une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics".
Ils ne sont toutefois pas allés jusqu'à exiger l'intervention d'un magistrat de l'ordre judiciaire.
"Parmi les 68 personnes faisant l'objet d'une mesure d'assignation à résidence, 22 sont concernées par ces dispositions. Il sera procédé sans délai à la prolongation des mesures qui nécessitent de l'être dans le strict respect des conditions" édictées par les Sages, a réagi le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux dans un communiqué.
La décision du Conseil constitutionnel illustre jusqu'à l'absurde la difficulté à articuler le pouvoir de la police et l'intervention du juge.
Le juge constitutionnel était saisi par un homme de 31 ans. Condamné en 2014 à cinq ans de prison, dont deux avec sursis et mise à l'épreuve, pour participation à une filière jihadiste, il avait dû retirer son bracelet électronique une fois assigné à résidence, juste après le 13-Novembre.
Il verra son assignation à résidence levée lundi soir. Mais il a entre-temps perdu son emploi, incompatible avec ses pointages à répétition - 1.416 en quinze mois -, ce qui compromet ses chances d'aménagement de peine. Loin de retrouver sa liberté de mouvement, il pourrait donc bien prendre la direction d'une prison.
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