Aurélie Filippetti, Matthias Fekl, Axelle Lemaire, Juliette Méadel… Tous ont la quarantaine, sont socialistes et anciennement ministres de François Hollande. Mais surtout, aucun d’eux n’a passé le premier tour des législatives. « Ils se voyaient comme l’avenir de la gauche, mais Macron leur a parachuté des candidats REM, qui ont tout balayé sur leur passage », relève Louis Hausalter, journaliste politique chez Marianne. Le Président, lui aussi ancien ministre sous le quinquennat Hollande, n’a eu « aucune pitié » pour ses anciens collègues.
Certains sont encore en lice pour le second tour, comme Delphine Batho, Najat Vallaud-Belkacem et Olivier Faure, mais en ballottage défavorable face à un candidat En Marche. Ainsi l’ancienne ministre de l’Écologie affrontera dans la deuxième circonscription des Deux-Sèvres, Christine Heintz (REM), qui l’a devancé de 905 voix au premier tour. Le député sortant Olivier Faure tentera, lui, de rattraper les trois points qui le séparaient d’Amandine Ribinelli (REM) dimanche dernier, dans la 11ème circonscription de Seine-et-Marne. Quant à l’ancienne locataire de la rue Grenelle, elle se retrouve face à Bruno Bonnell (REM), qui l’a devancé de 20 points au premier tour, dans la 6ème circonscription du Rhône.
« Il essaie d’éliminer tous ceux de sa génération qui peuvent le gêner »
Tous sont « furieux », remarque Louis Hausalter. Et ils ne le cachent pas. Pour Olivier Faure, interrogé par BFMTV, Emmanuel Macron « a choisi l’écrasement ». Najat Vallaud- Belkacem, citée par Paris Match, dénonce la « pression » subie par les candidats PS et accuse le Président d’avoir « dézingué » ceux qui ont refusé de le rallier. Quant à Matthias Fekl, il décrypte la stratégie du leader d’En Marche : « Il essaie d’éliminer tous ceux de sa génération qui peuvent le gêner », a-t-il confié dans Paris Match également.
D’après le journaliste politique, l’ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement Cazeneuve a vu juste. « Macron a délibérément épargné des personnalités socialistes plus âgées », tel l’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, ou encore Marisol Touraine, ex-ministre de la Santé. « Des socialistes en fin de carrière », et pas de potentiels rivaux. Mais aussi un « geste à l’égard de Hollande pour ne pas humilier l‘ancienne génération socialiste », remarque le journaliste.
« Macron a fait son marché parmi les représentants de la classe politique »
La gauche n’est pas seule à être dans le viseur du Président : « Macron a fait son marché parmi les représentants de la classe politique. Et il en a pris certains à droite pour lui donner des gages car, comme ancien ministre de Hollande, il pouvait être catalogué de gauche, alors que son créneau c’est ni de droite ni de gauche » explique Louis Hausalter. Une « sélection très rigoureuse », qui en a laissé quelques-uns sur le bord de la route.
« Typiquement Nathalie Kosciusco-Morizet, qui avait eu des contacts avec le Président pour ne pas avoir de candidat En Marche face à elle, n’a pas obtenu gain de cause parce que des règlements de compte au sein de REM ont fait qu’il fallait la sacrifier. » La candidate LR se retrouve aujourd’hui en difficulté dans une circonscription normalement acquise à la droite (la 2e de Paris). Son opposant REM, Gilles Le Gendre, l’a largement devancé au premier tour (41,81% contre 18,13%).
Louis Hausalter : « Macron a fait son marché parmi les représentants de la classe politique »
« Faire effondrer les partis traditionnels »
« La stratégie d’Emmanuel Macron est de faire effondrer les partis traditionnels » et de créer son propre parti, résume Louis Hausalter. Au risque que celui-ci devienne un « parti unique » comme le laissent présager les résultats du premier tour des législatives, à l’issue duquel la République en marche a remporté 32% des voix. Pour le second tour, les sondages prédisent un raz-de-marée REM, avec autour de 450 sièges. « Une majorité écrasante se dessine » confirme le journaliste politique, qui explique que « la logique des institutions est clairement favorable à Macron ». « S’il y avait un scrutin à la proportionnelle, qu’on était dans une logique de la IVème République, qu’il fallait construire une coalition, nouer des alliances, il aurait eu intérêt à s’appuyer sur des socialistes. Mais là il n’a pas besoin de cela. »
Louis Hausalter : « La stratégie d’Emmanuel Macron est de faire effondrer les partis traditionnels »
Le Président a donc un boulevard devant lui pour sacrifier ses potentiels rivaux sur l’autel de l’ambition politique. Car Emmanuel Macron voit sûrement plus loin que les législatives : quelques candidats socialistes ne l’auraient pas empêché d’obtenir la majorité mais des partis traditionnels forts (PS et LR) pourraient obstruer son quinquennat ou se mettre en travers de sa route en 2022.
Pour autant, il n’est pas à l’abri de voir une opposition se former dans son propre camp : « Une majorité pléthorique à l’Assemblée, c’est la promesse de tensions internes qui pourraient dessiner des clivages. C’est compliqué de gérer des députés à la fois novices et nombreux », explique Louis Hausalter. Et de conclure : « Il y aura peut-être frondeurs internes au groupe Macron, cela dépendra des orientations qu’il prend. »