Elle est dénoncée comme une menace pour la liberté d'informer: la loi sur le secret des affaires, qui transpose dans le droit français une directive européenne sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales, a été validée jeudi par la Conseil constitutionnel.
Les Sages étaient saisis par plus de 120 députés et sénateurs de gauche (PS, PCF, La France insoumise), auxquels s'étaient joints une cinquantaine d'associations, de syndicats et de sociétés de journalistes.
Les requérants dénonçaient "une atteinte grave, excessive et injustifiée à la liberté d'expression et de communication". Ils contestaient notamment "une définition trop étendue du secret des affaires, notamment au regard de la protection des salariés".
Après plusieurs semaines de vifs débat animés par la gauche, les médias et des associations, le Parlement avait définitivement adopté le 21 juin la proposition de loi LREM transposant une directive européenne par 248 voix pour et 95 contre, toutes de gauche.
La loi a pour objectif de "protéger les entreprises contre le pillage d'innovations, lutter contre la concurrence déloyale", avait expliqué à l'Assemblée la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
Les opposants doutent de leur côté que le texte soit utile aux PME et craignent surtout qu'il ne soit détourné de son objet pour museler les journalistes et les lanceurs d'alerte.
Plus d'une centaine de rédactions, d'ONG, de journalistes et sociétés de journalistes, avaient appelé Emmanuel Macron à modifier "un outil de censure inédit".
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle en préambule sa capacité limitée pour exercer son contrôle sur ce type de texte, l'article 88-1 de la Constitution posant la transposition des directives européennes dans le droit français comme "une exigence".
Les Sages peuvent cependant vérifier que la directive n'entre pas en contradiction avec "une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France".
Ils ont aussi la possibilité de déclarer non-conforme à la Constitution une disposition législative qu'ils jugeraient "manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer". Une hypothèse vite écartée, le texte français collant parfaitement à la directive européenne.
- "Droit d'alerte" -
Le Conseil a donc estimé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le grief suivant lequel la directive transposée dans la loi méconnaîtrait la liberté d'expression et de communication. Une liberté protégée tant par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que par la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.
Toutefois, après avoir souligné que la directive confère aux Etats membres une marge d'appréciation, les Sages ont passé en revue les principales critiques portées sur le texte, notamment celles sur la liberté d'expression et de communication, pour mieux les écarter.
Ils ont notamment pointé à ce sujet l'existence d'une "exception à la protection du secret des affaires bénéficiant aux personnes physiques exerçant le droit d'alerte", mais aussi "à toute personne révélant, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible".
Sur la liberté d'entreprendre, ils ont estimé que les mesures de protection imposées aux entreprises pour revendiquer la protection du secret des affaires étaient "raisonnables" et pouvaient être appréciées en tenant compte des "circonstances", c'est-à-dire des moyens de l'entreprise.