Voulue par Emmanuel Macron, la proposition de loi sur les fake news doit revenir à l’Assemblée nationale en juillet, lors de la cession extraordinaire. L’idée étant de permettre à un candidat ou à un parti de saisir le juge des référés pour stopper la diffusion de fake news, durant les trois mois précédant un scrutin national. Les associations de journalistes se sont émues et ont parlé de proposition de loi « dangereuse pour la liberté d’expression ».
Nicolas Vanbremeersch, président de l’agence Spintank, une agence de communication numérique, estime que cette proposition de loi est « mal calibrée » : « [Elle] pose de mauvais problèmes, de mauvaises questions. On a un vrai sujet sur l’information aujourd’hui. Mais il n’y a pas que de la mal-information, il y a des ruptures et des changements dans sa manière de s’informer. Et de l’autre côté, on a un autre sujet (…) qui sont les campagnes électorales. Aujourd’hui, ils essaient de rassembler ces deux trucs ensemble, uniquement sous le prisme des fake news, qui n’est pas le bon cadre pour aborder le sujet.
« Déterminer, en 48 heures, ce que c’est la vérité », c’est une mission impossible qui va être demandée à un juge, selon Nicolas Vanbremeersch : « D’ailleurs les députés (…) n’arrivent pas à trouver la bonne définition [de la vérité]. Parce qu’allez définir ce qu’est la vérité…Et en plus, on essaie de réguler un espace public qui est un espace social, un espace fait de conversations (…) sur Twitter, sur Facebook, Instagram…Il y a plein de choses qui circulent, qui sont à 99% des discussions entre des gens. Et dans des discussions entre des gens, et bien, il n’y a pas que de la vérité (…) c’est l’espace social, c’est la rue, c’est le bistrot (…) et donc ça, ça ne se régule pas sous l’angle de la vérité. »
Pour Nicolas Vanbremeersch, le danger de cette guerre contre les fake news, mot que ce spécialiste des questions numériques n’aime pas, est qu’elle pourrait nous emmener dans une opposition entre « les élites tenantes de la rationalité » et « un peuple méprisé par elles, perdues dans l’erreur et le complotisme » : « Ce sont les populistes, notamment les forces russes, (…) qui essaient, en fait, d’imposer cette nouvelle séparation, en demandant aux élites de s’encrer dans le camp du vrai et de la rationalité pour qu’il n’y ait plus qu’une seule opposition qui structure ce pays, entre d’un côté la rationalité et de l’autre côté le peuple. Et à la fin (…) ce n’est pas la rationalité impopulaire des journalistes et des politiques qui va gagner, ce [sont] les populistes qui vont se mettre du côté du bon sens, du vécu, de l’émotion. Parce que c’est l’émotion qui gagne. »
Nicolas Vanbremeersch met également en garde les journalistes, afin qu’ils ne réduisent pas leur travail uniquement au fact-checking, la vérification des faits : « Il y a une tentation, ou une sorte d’imaginaire, que le journaliste ne serait là que pour fabriquer la vérité. D’être une sorte de recours ultime, au-dessus de la mêlée. Au contraire, je pense que les médias doivent se réengager avec leur public, doivent participer à l’émotion. »
Mais le président de l’agence Spintank reste tout de même optimiste : « Le défi, c’est (…) de savoir compter sur une autorégulation sur les plateformes (…) et faire confiance au peuple dans son débat, faire confiance aux médias. Et pas d’imaginer que tout va se judiciariser, et que c’est le juge qui va pouvoir séparer le bon, du mauvais. »
Il conclut : « Emmanuel Macron a été très marqué par une période avec des attaques personnelles pendant la campagne (…) c’est à ça que répond ce projet de loi. »
Vous pouvez voir et revoir l’interview de Nicolas Vanbremeersch, en intégralité :
OVPL : Nicolas Vanbremeersch, spécialiste des questions numériques nous parle de la loi fake news (en intégralité)