« La protection de l’enfance ne va pas mieux », a affirmé la sénatrice socialiste, Laurence Rossignol, face au secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, ce jeudi. Auditionné par la délégation aux droits des femmes, Adrien Taquet a notamment été interpellé au sujet des jeunes majeurs de l’ASE (aide sociale à l’enfance), mis à la rue après le premier confinement. Un « déstockage » jugé indigne qui avait pourtant été interdit au printemps, lors de la première vague.
« Je vous rappelle qu’en revotant l’état d’urgence sanitaire, il y a réinstauration de cette disposition qui interdit que les jeunes de l’aide sociale à l’enfance sortent du dispositif à leur majorité. Jusqu’à mi-février, aucun jeune ne doit sortir », a assuré Adrien Taquet. Il a également indiqué que des discussions étaient en cours concernant la contractualisation (qui lie les départements aux jeunes majeurs dans le cadre de leur placement) pour renforcer le dispositif et éviter des sorties mal préparées. Aujourd’hui, 40 % des SDF de moins de 25 ans viennent de l’ASE, ils ne représentent pourtant que 2 à 3 % de la population française.
La crise : un facteur aggravant des violences intrafamiliales
Le confinement a constitué un facteur aggravant pour les violences intrafamiliales. Les appels au 119 (numéro national dédié à la prévention et à la protection des enfants) ont augmenté de 25 % par rapport au premier confinement. Adrien Taquet note cependant que « ce confinement est sensiblement différent parce que les écoles restent ouvertes », les signalements émanant souvent des équipes pédagogiques. Néanmoins, « la dégradation économique et sociale, la perte d’emploi peut générer des tensions au sein des foyers et souvent ces tensions peuvent avoir pour premières victimes les enfants et les femmes », prévient-il en soulignant qu’une rallonge budgétaire de 600 000 euros a été affectée au 119.
Les premières études consolidées sur les violences faites aux enfants pendant la première période de confinement arrivent sur le bureau du secrétaire d’Etat. Les statistiques des hôpitaux sont aussi un indicateur : « il y a eu moins 30 % d’hospitalisations d’enfants pendant le confinement mais la part des enfants hospitalisés pour faits de violence a, elle, augmenté de 50 % », rapporte Adrien Taquet.
Prostitution des mineurs : « Aujourd’hui, on est à 10 000 mineurs »
Autre sujet de préoccupation fort à la délégation aux droits des femmes : la prostitution des mineurs. Un phénomène en plein essor et facilité par les réseaux sociaux. « On parle d’un phénomène qui augmente énormément, quand vous avez commencé vos travaux on parlait de 3 000, 4 000 mineurs concernés, aujourd’hui on est à 10 000. On a du mal à évaluer parce que ce sont des formes nouvelles de prostitution », explique Adrien Taquet qui rappelle la création d’une task force sur le sujet dirigée par Catherine Champrenault, procureure générale de Paris. Un rapport est attendu d’ici mars pour l’élaboration d’une politique publique.
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Pas convaincues, les sénatrices ont pointé un « manque de moyens et de volonté politique » pour lutter contre la prostitution infantile. Elles ont aussi regretté que la loi de 2016 ne soit pas davantage appliquée. « Tant que les pouvoirs publics refuseront de harceler les clients la prostitution nous nous priverons d’un outil pour pêcher au filet les clients », a lancé Laurence Rossignol.
Inceste : « La question du consentement ne devrait même pas se poser
La délégation aux droits des femmes est revenue sur un sujet qu’elle porte depuis 2018 : l’instauration d’un seuil d’âge de non-consentement pour les mineurs. Lors de l’examen de la loi de Marlène Schiappa contre les violences sexuelles, les débats s’étaient cristallisés autour de l’article 2. La délégation plaidait pour que soit fixé un seuil d’âge de non-consentement pour les mineurs à 13 ans. Une mesure sur laquelle l’ancienne secrétaire d’Etat s’était engagée mais qui s’est heurtée à l’avis du Conseil d’État, laissant à la place un seuil d’âge, presque symbolique, de 15 ans au-dessous duquel les relations sexuelles entre un majeur et un mineur de 15 ans ou moins ne sont pas qualifiées de facto de viol (revenir sur ce débat).
Loin d’être bouclé, ce débat est revenu à la faveur de la médiatisation d’un fait de société : l’inceste. « Je me réjouis, je suis ému presque de voir que la question de l’inceste était en Une du Monde il y a trois jours, ça contribue à casser ce dernier tabou […] ça concernerait 6 millions de nos concitoyens », a indiqué Adrien Taquet tout en affirmant que, pour lui, « la question du consentement dans l’inceste ne devrait même pas se poser ». La commission indépendante sur les violences sexuelles, qui est en train d’être mise sur pied, devra se saisir de ce sujet et amener des propositions, a-t-il précisé, sans épouser la position de la délégation concernant le seuil d’âge de non-consentement.