La proposition de loi sur les directeurs d’école arrive en 2nde lecture au Sénat : que contient le texte ?

La proposition de loi sur les directeurs d’école arrive en 2nde lecture au Sénat : que contient le texte ?

La commission sénatoriale de la culture, de l’éducation et la communication a choisi de renforcer « l’autorité fonctionnelle » du directeur d’école en précisant son rôle d’encadrement, un point de litige avec la gauche. Elle a également rétabli une partie des dispositions supprimées par l’Assemblée nationale. Le texte sera débattu mercredi après-midi.
Romain David

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La proposition de loi « créant la fonction de directrice ou de directeur d’école » arrive mardi en seconde lecture au Sénat. Adopté le 29 septembre à l’Assemblée nationale, le texte a nourri une importante polémique au sein de la profession, où certains l’accusent d’installer un statut hiérarchique de directeur d’école, sur le modèle du collège et du lycée, alors qu’un principe d’horizontalité prévaut dans le primaire, faisant du directeur un « pair parmi ses pairs » chargé d’assurer la collégialité de l’équipe pédagogique. En mars dernier, le Sénat a contourné cette difficulté en introduisant un principe « d’autorité fonctionnelle », qui renforce l’encadrement juridique du directeur d’école et lui permet de légitimer ses actions, sans pour autant bousculer officiellement la hiérarchie au sein des établissements.

En seconde lecture le 13 octobre, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est toutefois allée un cran plus loin, en adoptant un amendement de son vice-président, le sénateur LR Max Brisson, qui précise que le directeur d’école « participe à l’encadrement du système éducatif ». Les élus ont également réintroduit une série de dispositions, détricotées par leurs collègues du Palais Bourbon il y a trois semaines, en seconde lecture. Dans son rapport, la commission sénatoriale explique avoir choisi de rétablir le texte adopté en première lecture parce qu’« il apporte des garanties plus importantes en matière de formation ou de temps de décharge, répondant à une demande forte des directeurs d’école. »

  • Un renforcement de la formation

Le texte prévoit la mise en place d’une formation certifiante pour les directeurs des écoles de 13 classes et plus, mais aussi l’obligation d’une formation continue tous les cinq ans. « L’institution scolaire est ainsi faite qu’on peut rester des décennies sans recevoir de formation et tout cela paraît si normal qu’un cadre légal est utile », a justifié durant les débats le sénateur Max Brisson. Un point sur lequel le rapporteur Julien Bargeton, membre de la majorité présidentielle, aurait souhaité davantage de souplesse : « Inscrire une durée dans la loi est de nature à rigidifier le cadre. Prévoir des délais conduit toujours à ajouter des contraintes, pour le ministère certes, mais aussi pour les directeurs d’école », a-t-il déploré.

  • Des nominations plus rapides en cas de postes vacants

Le texte de la commission réintroduit également un assouplissement des conditions de nomination des directeurs en cas de vacances de postes : le cas échéant, instituteurs et professeurs non-inscrits sur la liste d’aptitude peuvent se porter volontaire. Le texte prévoit qu’ils bénéficient rapidement d’une formation.

  • Garantir un temps de décharge suffisant

Les sénateurs réclament également une présentation annuelle, devant le conseil départemental de l’Éducation nationale, de l’utilisation des temps de décharge d’enseignement, qui permet au directeur d’école de remplir ses fonctions. L’objectif d’un tel contrôle : s’assurer qu’ils bénéficient du temps de décharge nécessaire aux tâches qui leur incombent, ce qui n’est pas toujours le cas dans les petites écoles où il est plus difficile de trouver des remplaçants. La Chambre Haute réclame également un dialogue bi annuel entre le directeur d’école et l’inspecteur de l’Éducation nationale, ce qui doit favoriser la mise en place de projets sur le long terme.

  • Une aide administrative fournie par l’Etat

Si l’Assemblée nationale et le Sénat s’entendent sur la nécessité d’une aide matérielle et administrative à apporter aux directeurs d’école, les deux chambres sont divisées sur son origine : est-ce à l’Etat ou aux collectivités d’assumer la dépense ? La commission sénatoriale a considéré « que ces tâches relevant de la compétence de l’Éducation nationale, c’est bien à l’État, et non aux communes ou à leurs groupements, de les prendre en charge. » Un avis que ne partage pas le rapporteur Bargeton. « J’ai pensé à une rédaction obligeant l’État à intervenir et ouvrant la possibilité aux communes et à leurs groupements, soit un mix entre la rédaction de l’Assemblée nationale et celle du Sénat », a-t-il défendu, anticipant ainsi un éventuel compromis en commission mixte paritaire.

« Nous avons été extrêmement raisonnables »

Durant les travaux de la commission, le sénateur Max Brisson s’est également félicité de ne pas voir cette proposition de loi transformée par l’Assemblée en véhicule législatif suite aux propos tenus par Emmanuel Macron le 2 septembre, lors de son déplacement à Marseille. Le Président avait évoqué la possibilité d’un recrutement des enseignants directement par les directeurs d’école, sous la forme d’une expérimentation mise en place dans la cité phocéenne à partir de la rentrée 2022. « Nous avons fait preuve d’un grand esprit de responsabilité, mes chers collègues ; certains d’entre nous auraient peut-être voulu aller plus loin – parler d’autorité hiérarchique, d’évaluation, d’un directeur qui dirige ou d’un chef qui cheffe », a-t-il commenté. Et de tacler : « Nous avons été extrêmement raisonnables. Je constate que le chef de l’État, lui, s’est largement affranchi d’une telle prudence : à Marseille, il a proposé, certes à titre expérimental, que les directeurs recrutent les professeurs. Le Sénat en restera à sa position de sagesse, tout en constatant qu’une telle option n’est pas nécessairement partagée au plus haut niveau de l’État… »

Le texte sera débattu dans l’hémicycle mercredi à partir de 16h30. À ce stade plus d’une vingtaine d’amendements ont été déposés, dont plusieurs par les groupes communistes et socialistes, visant à préciser dès le premier article de la proposition de loi que le directeur d’école « n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école. »

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