La radicale de gauche Maryse Carrère élue présidente du RDSE, « le groupe le plus ancien du Sénat »
Plus vieux groupe politique de l’histoire parlementaire française encore en action, le Rassemblement démocratique et social européen a élu sa nouvelle présidente, la sénatrice des Hautes-Pyrénées, Maryse Carrère. Elue du PRG, à l’image d’un groupe dont les sénateurs penchent légèrement plus à gauche, elle entend garder l’esprit de pluralité. Le RDSE compte aussi plusieurs élus de centre-droit et beaucoup sont Macron compatibles. « Nous sommes centristes avant tout », résume la présidente.
C’est peut-être le groupe le moins médiatique du Sénat. C’est aussi le plus ancien et peut-être le plus riche du fait de sa longue histoire. Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, le RDSE, est intrinsèquement lié à la Haute assemblée. Il n’a pas son équivalent à l’Assemblée.
Ses membres viennent d’élire leur nouveau président, ou plutôt leur présidente, a appris publicsenat.fr. Car c’est une femme, Maryse Carrère, qui succède à Jean-Claude Requier, qui ne se représentait pas lors des sénatoriales. Sénatrice des Hautes-Pyrénées, elle était la seule candidate.
« La marque de fabrique du RDSE, c’est le travail dans les territoires »
Membre du Parti radical de gauche (PRG), elle prend la tête d’un groupe qui progresse légèrement. De 14 membres – ils étaient 15 auparavant, avant le décès d’Olivier Léonhardt – le groupe RDSE passe à 16 sénateurs. Une réussite, alors que son existence même était sur le papier menacée, du fait de son taux de renouvellement de 50 %. Malgré ce gain, le RDSE devient le plus petit groupe de la Haute assemblée, les écologistes passant de 12 à 17 membres. Il perd dans l’opération une vice-présidence, les postes étant répartis à la proportionnelle.
Charge maintenant à Maryse Carrère de faire vivre le RDSE. « On est le groupe le plus ancien du Sénat et on y tient. J’entends porter nos valeurs qui nous rassemblent : la République, la laïcité et l’humanisme. C’est un groupe qui a toute sa place dans l’hémicycle », souligne la nouvelle présidente de groupe, interrogée avant son élection. Un groupe qui a réussi le tour de force d’avoir « 100 % de sortants réélus », ou quasiment, en comptant le successeur de Jean-Claude Requier, qui a été élu. « La marque de fabrique du RDSE, c’est le travail dans les territoires, son implantation », tient à préciser Maryse Carrère avec son accent des Hautes-Pyrénées, sans oublier bien sûr la diversité. « Nous sommes un groupe pluriel, qui est composé d’élus du centre gauche et du centre droit », rappelle la présidente de groupe. Le RDSE, c’est un savant mélange d’élus du PRG (Parti radical de gauche) et d’autres du Parti radical tendance valoisien, c’est-à-dire de centre droit – la fusion des deux partis ayant globalement échoué.
Le tout avec des sénateurs plus ou moins Macron compatibles. Il faut se rappeler que Jacques Mézard, président du groupe de 2011 à 2017, avait été l’un des premiers à rejoindre Emmanuel Macron, avant de devenir ministre de l’Agriculture puis de la Cohésion des territoires. Il a été depuis nommé au Conseil constitutionnel par le chef de l’Etat.
« Avec Maryse Carrère, on forme un très bon binôme dans le groupe », affirme Nathalie Delattre
Si le nom de Nathalie Delattre, classée elle à droite, avait pu être cité comme possible candidate pour la présidence, il n’en est rien. « On en a discuté ensemble. Ça a été une décision collective », explique Maryse Carrère, dont la personne a fait consensus.
« Avec Maryse Carrère, on forme un très bon binôme dans le groupe, qui a une parole très libre et des décisions qui sont souvent collectives, au-delà des sensibilités radicales, ou radicales de gauche », avance pour sa part Nathalie Delattre. La sénatrice de Gironde, qui était jusqu’ici l’une des vice-présidentes du Sénat, explique que « Maryse était très occupée dans sa campagne, c’est pour ça que certains y ont pensé. J’ai pris beaucoup de contacts, car ce qui était important, c’était qu’on puisse maintenir le groupe. L’enjeu était là. Je m’y suis beaucoup attelée ». Elle ajoute :
Un groupe où ont siégé François Mitterrand, Gaston Monnerville, Jean-Pierre Chevènement ou Robert Hue
Un groupe qui a vu passer d’illustres politiques. Devant l’entrée des locaux du groupe, au Sénat, qu’on trouve « après la buvette et le compte rendu analytique, il y a en face les photos des anciens du RDSE. Il y a François Mitterrand à côté de Gaston Monnerville », président du Sénat de 1958 à 1968, raconte un connaisseur du groupe.
Le RDSE a pu aussi parfois paraître comme une terre d’accueil pour sénateurs en mal de groupe, ou qui, politiquement, ne trouvaient leur place dans aucun d’entre eux, au gré de leur parcours. L’ancien ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, y siégea – en phase avec le républicanisme du RDSE, moins avec l’attachement à l’Europe – tout comme l’ancien numéro 1 du PCF, Robert Hue. Plus récemment, en 2018, l’ancien président du groupe PS, Didier Guillaume, rejoint le RDSE, avant d’être nommé ministre de l’Agriculture, sous le premier quinquennat Macron. On y trouve encore aujourd’hui Jean-Noël Guerini. Pris dans un tourbillon judiciaire, le sénateur des Bouches-du-Rhône avait quitté le PS.
Un mélange qui nuit parfois à la lisibilité du groupe. « On n’est pas un groupe de réfugiés politiques », assure sa nouvelle présidente, bien attachée à en défendre les couleurs.
Arrivée de l’ancienne ministre Annick Girardin, et d’un dissident PS, Philippe Grosvalet
Des couleurs qui semblent pencher un peu plus à gauche, après le renouvellement. Ce qui n’a pas échappé à Patrick Kanner, président du groupe PS, réélu à son poste la semaine dernière. « On va suivre de très près l’évolution politique, le cap politique, qui sera suivi par le RDSE, qui depuis quelques années, se rapprochait de plus en plus de la droite et du pouvoir exécutif. Mais il y a des hommes et des femmes, au sein de ce groupe, sincèrement de gauche », remarquait après sa victoire interne, le sénateur PS du Nord. « Nous verrons qui pourra porter la voix de ce groupe important, qui peut être un partenaire des autres groupes de gauche, s’il le souhaite », ajoutait Patrick Kanner… Regardez :
Avec seulement trois nouveaux, l’équilibre du groupe n’est pas fondamentalement bouleversé. Principale arrivée de poids au sein du groupe, Annick Girardin, sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon, et ancienne ministre de François Hollande, puis d’Emmanuel Macron. Ancienne PRG, elle est aujourd’hui au Parti radical valoisien. Le socialiste Philippe Grosvalet, élu en Loire-Atlantique avec une liste dissidente, rejoint lui aussi le groupe, a-t-on appris, tout comme Ahmed Laouedj, élu en Seine-Saint-Denis et membre du PRG.
On regardant de près, on peut compter 9 ou 10 neuf sénateurs plutôt classés plus à gauche, entre quatre PRG (Maryse Carrère, Christian Bilhac, Jean-Yves Roux et Ahmed Laouedj), deux socialistes (Guylène Pantel et Philippe Grosvalet) et les divers gauche (l’ex-PS Henri Cabanel, Eric Gold, qui a une fibre écologique, André Guiol et théoriquement Jean-Noël Guérini). Sur une sensibilité plus à droite ou macroniste, on trouve notamment quatre membres du Parti radical (Nathalie Delattre, Bernard Fialaire, Véronique Guillotin, Annick Girardin et le successeur de Jean-Claude Requier, Raphaël Daubet, qui a voté Emmanuel Macron au premier tour, en 2022). Cette répartition reste indicative, car le RDSE est, comme on l’a vu, plus ou moins pro Macron, tout en sachant être au-dessus des clivages.
« Même si aujourd’hui, on a plus de gens marqués au centre gauche qu’au centre droit, ça ne change rien à l’état d’esprit du groupe »
Maryse Carrère reconnaît un léger glissement vers la gauche. Mais elle n’y voit pas un sens particulier. « Même si aujourd’hui, on a plus de gens marqués au centre gauche qu’au centre droit, ça ne change rien à l’état d’esprit du groupe. La force du groupe, c’est d’avoir cette pluralité. Nous sommes centristes avant tout », avance la présidente du RDSE. Rappelant « la liberté de vote » qui règne au groupe, elle insiste : « Si je suis consciente que la présidente du RDSE est radicale de gauche, certes, je suis d’abord présidente du groupe, avec cette pluralité et l’obligation d’écouter tout le monde ».
Une position qui se retrouve dans le positionnement du RDSE. « Nous ne sommes pas un groupe d’opposition. Nous sommes un groupe minoritaire de la majorité sénatoriale. Et nous travaillons aussi avec la majorité présidentielle. Une position centrale », souligne Nathalie Delattre, qui constate que son groupe est surtout « très pragmatique ». L’élue, classée à droite, s’est pour autant « abstenue sur la réforme des retraites », rappelle la sénatrice de Gironde. Ces presque 50 nuances de radicalisme et de centriste, c’est tout le sel du RDSE.
Moins d’un an après le précédent projet de loi, le gouvernement va porter un nouveau texte sur l’immigration. L’idée est de reprendre « les articles censurés par le Conseil constitutionnel », selon l’entourage du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Mais chez les députés Renaissance, on prédit un groupe coupé en deux sur le sujet. « On sait qu’aucun texte ne passera sans l’accord du RN », pointe le sénateur écologiste Guy Benarroche.
Le gouvernement a annoncé l’examen d’un nouveau texte sur l’immigration dès le début de l’année 2025. Il y a à peine un an, la droite sénatoriale menée par Bruno Retailleau avait vu ses amendements au précédent texte largement censurés par le Conseil constitutionnel au motif de cavaliers législatifs. Ces dispositions pourraient réapparaître.
Invité de la matinale de Public Sénat, le député de la Somme, Jean-Philippe Tanguy a expliqué la position de son groupe sur la proposition du gouvernement de présenter un nouveau texte sur l’immigration au début de l’année 2025. Le député de la commission des finances a également détaillé la position de son groupe sur le vote du budget, sans évoquer précisément les amendements que son groupe défendra.
Invités à débattre du budget 2025 sur Parlement hebdo, le rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et le député PS Arthur Delaporte, s’opposent sur le sujet. « Il faudra bien faire des efforts », défend le sénateur LR, quand le socialiste dénonce « un effort incommensurable ».