La réduction du budget réservé aux droits des femmes inquiète les associations
Lundi, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a confirmé que son budget serait réduit. De quoi inquiéter les associations, pour qui les subventions sont déjà insuffisantes.

La réduction du budget réservé aux droits des femmes inquiète les associations

Lundi, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a confirmé que son budget serait réduit. De quoi inquiéter les associations, pour qui les subventions sont déjà insuffisantes.
Public Sénat

Par Alice Bardo

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« C’est le plus petit budget de l’État. Couper dedans, ça veut dire le faire quasiment disparaître », redoute Joanna Kocimska, présidente de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT).

Au secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, des « mesures d’économies » sont à l’ordre du jour. En 2016, son budget ne représentait pourtant que 0,05% du budget global de l’État, soit près de 30 millions d’euros.

Une baisse à hauteur de 25% a été un temps évoqué, mais la secrétaire d’État a démenti, qualifiant ce chiffre de fake news.

Michèle André, à la tête de la commission des finances du Sénat, estime qu’une telle coupe budgétaire est « inévitable », tous les ministères devant contribuer à l’effort de réduction de la dépense publique. Mais « les femmes savent faire avec peu », a lâché l’ancienne secrétaire d’État chargée des droits des femmes.

« Aujourd’hui nous ne répondons qu’à 50% aux demandes des femmes »

La sénatrice assure également s’être rendue compte « une année, lorsqu’elle était allée devant la délégation aux droits des femmes, que tous les crédits n’étaient pas utilisés ». « Aujourd’hui nous ne répondons qu’à 50% aux demandes des femmes », déplore pourtant Joanna Kocimska qui réclame au contraire une « augmentation des subventions » pour assurer ses missions. D’autant que son association n’a toujours pas reçu ce que lui doit l’État pour l’année 2017 et vit, « depuis sept mois, à crédit », précise Marilyn Baldeck.

« On coupe les moyens à un moment où la demande augmente »

La sénatrice Hélène Conway-Mouret, membre de la Délégation aux droits des femmes, regrette qu’ « on coupe les moyens à un moment où la demande augmente » : « Le travail de ces associations devient de plus en plus important, le nombre de cas augmente chaque année. » La présidente d’AVFT tient à rappeler que ce sont les associations qui « mènent des politiques publiques de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes ». « Ce sont les opérateurs de l’État en la matière », ajoute-t-elle. Un rôle que confirme Hélène Conway-Mouret, qui « croit fermement à l’associatif  » : « Ces femmes poussent une porte et savent que, derrière, des gens bienveillants vont les écouter. Alors que la barrière officielle fait peur. »

« Il ne s’agit pas de mettre tout le monde au régime sec »

À l’argument d’une contribution de tous les ministères à l’effort de réduction de la dépense publique, la sénatrice répond  qu’ « il faut distinguer certaines priorités et les protéger » : « Il ne s’agit pas de mettre tout le monde au régime sec », d’autant que ces personnes sont parmi les « plus vulnérables ».

Le cabinet de Marlène Schiappa a voulu calmer les inquiétudes en soulignant la dimension interministérielle du budget alloué aux droits des femmes. Mais pas de quoi convaincre la présidente de l’AVFT : « Ce budget qui se veut transversal et interministériel pourrait marcher s’il y avait des orientations et des priorités claires. »

Une « priorité nationale » restée lettre morte

Lors de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était pourtant positionné en défenseur des droits des femmes, allant jusqu’à élever cette cause au rang de « priorité nationale ». Joanna Kocimska s’attendait donc à une « augmentation des crédits » et Hélène Conway-Mouret regrette une parole publique « à l’opposé » des actions.

Au-delà de la déception, c’est l’incertitude qui règne. Pour l’instant, les associations féministes ne savent pas ce qu’il va advenir de leurs subventions : « Il n’y a pas eu d’annonce mais des informations disparates qui circulaient dans les réseaux. Le ministère ne nous a pas informés clairement sur les coupes budgétaires qui nous attendaient. » Marlène Schiappa s’est toutefois voulue rassurante en déclarant que « les associations dont l'objet est l'accueil de femmes victimes de violences sexistes et sexuelles ne verront aucune baisse de subvention du ministère ».

« Si les subventions baissent, on licencie »

Hélène Conway-Mouret dénonce également le flou qui entoure les annonces faites par la secrétaire d’État. Le montant de la baisse des subventions n’a pas été précisé par Marlène Schiappa, celle-ci s’étant simplement contentée de déclarer que le chiffre de 25% était « sans fondement ». Et si elle assure que « les économies seront en priorité réalisées sur les frais de fonctionnement du ministère, les associations craignent d’être directement impactées. « Si les subventions baissent, on licencie », confie Joanna Kocimska, dont l’association compte 5 salariés. Et de conclure : « En 30 ans d’existence, c’est la première fois que cela se passe. »

Lundi, l’ancienne ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol s’est inquiétée dans une lettre ouverte adressée à Édouard Philippe de la réduction du budget du secrétariat d’État à l’égalité hommes-femmes.

Elle assure que l'Etat peut assumer de ne pas baisse le budget réservé aux dorits des femmes : « Les quelques économies qu’il peut faire sur le budget alloué aux droits des femmes ce n’est rien du tout (…) En revanche, une augmentation sur un aussi petit budget c’est une somme importante. »

« Les quelques économies qu’il peut faire sur le budget alloué aux droits des femmes ce n’est rien du tout (…) En revanche, une augmentation sur un aussi petit budget c’est une somme importante » selon Laurence Rossignol
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Prochainement, ce sont les associations féministes qui « s’exprimeront collectivement dans une tribune » pour faire part de leur mécontentement et de leurs inquiétudes. Joanna Kocimska attend « des gages de confiance, de soutien » et souhaite « avoir un échange plus transparent et formel de la part du gouvernement ».

Pour sa part, Hélène Conway-Mouret attend avec impatience l’audition de Marlène Schiappa au Sénat, jeudi prochain, pour lui faire part de ses réticences et de ses interrogations. « En France on ne gère pas ça correctement. Il faut continuer à œuvrer. »

(images : Cécile Sixou)

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