La réforme de la PAC adoptée par le Parlement européen : les principales mesures d’une politique à 387 milliards d’euros

La réforme de la PAC adoptée par le Parlement européen : les principales mesures d’une politique à 387 milliards d’euros

La nouvelle Politique agricole commune a été adoptée mardi par le Parlement européen, malgré l’opposition d’une partie des Verts et de la gauche. Son entrée en vigueur se fera en 2023, après examen par la Commission européenne de la feuille de route des États membres.
Romain David

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C’est sans surprise que le Parlement européen a adopté mardi, en milieu d’après-midi, la réforme de la Politique agricole commune (PAC) avec 452 voix pour et 178 contre (57 abstentions), après un long, très long parcours du combattant, puisque les premières consultations sur la modernisation de la plus coûteuse des politiques communes européennes remontent à février 2017. La PAC représente à elle seule un tiers du budget de l’Union européenne. Soit 387 milliards d’euros à répartir jusqu’en 2027. Le moment était également crucial pour la France, qui reste le premier bénéficiaire de la PAC, (17,3 % du budget global, selon les chiffres du Parlement européen).

Cette nouvelle politique agricole aurait dû entrer en application en 2021, mais les difficultés de négociation entre la Commission européenne, le Parlement et les différents ministres de l’Agriculture - qui ne sont parvenus à un accord qu’au printemps dernier - ont obligé à un report de deux ans. Elle n’entrera donc en vigueur qu’au 1er janvier 2023. L’adoption de la réforme s’est faite en dépit de l’opposition d’une partie des eurodéputés écologistes et de la gauche, particulièrement critiques à l’égard du compromis trouvé, en deçà, selon eux, des défis posés par le réchauffement climatique. Cette nouvelle PAC s’articule autour de deux axes phares : une transformation des aides en faveur de la préservation de l’environnement et une plus grande marge de manœuvre accordée aux États membres.

« L’éco-régime » au cœur du premier pilier

L’enveloppe de 387 milliards de la PAC se divise en deux piliers. Le premier pilier, le plus important, représente 75 % du budget total de la PAC, soit 290,25 milliards d’euros. Il est consacré à la rémunération des agriculteurs, pour les trois-quarts sous forme d’aides directes.

Grande nouveauté de cette PAC : l’introduction de l’éco-régime, qui vise à récompenser des pratiques vertueuses pour l’environnement, en faveur notamment du bien-être animal, de l’agriculture biologique, de la régénération des sols ou de la diminution du recours aux antibiotiques. Au-delà des axes définis par l’UE, chaque État membre aura la liberté de fixer la liste des pratiques qui seront concernées, sur son territoire, par ce dispositif d’aides. Entre 2023 et 2024, au moins 20 % du budget des aides directs doit être consacré à l’éco-régime, avant de monter à 25 %. Ce dispositif vient se substituer au « paiement vert », versé jusqu’à présent aux agriculteurs qui respectaient une série de critères pour la préservation de l’environnement, tels que le maintien d’un ratio de prairies ou la mise en place d’une diversification des cultures. Les associations estimaient toutefois que le cahier des charges n’était pas assez contraignant, de nombreux agriculteurs n’ayant eu qu’à modifier leur exploitation à la marge pour bénéficier de ce paiement.

Par ailleurs, 10 % du budget des aides directes sera réservé aux petites et moyennes exploitations, une manière de contrebalancer la répartition par hectares, parfois jugée injuste. Enfin, 3 % du budget sera alloué aux jeunes agriculteurs.

Un second pilier consacré au développement rural

Le second pilier du budget de la PAC, c’est-à-dire les 25 % restants (96,75 milliards), concerne les mesures consacrées au développement rural. Il s’agit d’accompagner le monde agricole sur le chemin de la transition écologique, tout en lui permettant de rester compétitif. Une plus grande liberté est accordée aux autorités nationales et régionales quant à la gestion de cette enveloppe. Libre à celles-ci de proposer leur propre programme de développement, à « partir d’un menu de mesures européen », stipule toutefois le site internet du Parlement. Le second pilier est à la fois alimenté par des financements européens et nationaux.

Chaque État membre tenu à un « plan stratégique national »

L’autre axe majeur de cette nouvelle PAC concerne un transfert des responsabilités à la faveur des États membres. Chaque pays devra présenter d’ici la fin de l’année un « plan stratégique national ». La Commission européenne sera chargée d’en vérifier la conformité avec certaines politiques européennes. En premier lieu : le Pacte vert européen pour la neutralité carbone en 2050, qui vise notamment à porter à 25 % les surfaces agricoles consacrées au bio d’ici la fin de la décennie. Il inclut également la stratégie « de la ferme à la table » qui entend réduire l’empreinte environnementale de l’alimentation au sein de l’UE, ainsi que divers engagements pour la biodiversité.

La réforme de la PAC présente également un volet social pour une meilleure protection des travailleurs agricoles, en conditionnant le versement des aides au respect de certaines normes de travail. Enfin, elle prévoit un accompagnement renforcé du secteur face aux risques d’instabilité des marchés, avec la mise en place d’une réserve de crise permanente d’au moins 450 millions d’euros.

« Ce qui se joue dans le plus grand silence, c’est la mort d’une des plus anciennes politiques communautaires »

Les écologistes dénoncent une PAC bancale car établie avant le Pacte vert européen, même si les atermoiements autour de sa négociation ont conduit à ce que son adoption soit proposée un mois après celle du « Green Deal ». Ainsi, dans les colonnes de Libération, l’eurodéputé français Benoît Biteau dénonce un écart criant entre les ambitions des deux textes. Il doute des capacités de l’UE à les réaligner. « Le commissaire à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, dit qu’il faut créer une dynamique. Mais les ambitions du Green Deal, ce n’est pas une dynamique, ce sont des objectifs à atteindre. Quand la Commission commence à dire ‘on va analyser la dynamique’, on est déjà dans une approche où on ne va pas être très regardants », s’agace-t-il.

De ce point de vue, le transfert de responsabilité, à travers les plans stratégiques nationaux, est dénoncé par certains comme une renationalisation dangereuse, car inhérente à une mise en retrait du gendarme européen. « Ce qui se joue dans le plus grand silence, c’est la mort d’une des plus anciennes politiques communautaires, et l’avènement d’une agriculture gérée par chaque État dans son coin, sans contrôle digne de ce nom, ni mesure des résultats accomplis », écrit encore Benoît Biteau dans une tribune cosignée avec son collègue Yannick Jadot, le candidat EELV à la présidentielle, et publiée lundi par Le Monde.

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